Empire Of Sin est le premier jeu du petit studio indépendant Romero Games, composé de John F*cking Romero lui-même et de sa chère et tendre, Brenda. Si son nom à elle ne vous dit rien, elle a pourtant travaillé sur pas mal de projets, comme l’excellent Wizardry 8. Et si vous ignorez qui est John Romero… je pense sincèrement que l’espoir est perdu. Ce dernier n’est autre que le créateur de Doom et, de manière plus générale, de ce que l’on nomme aujourd’hui le « level-design ».

Avec une équipe de rêve aux commandes, que pouvions-nous attendre d’autre que le plus grand chef-d’œuvre de l’histoire du jeu vidéo ? Petite mise en bouche : sans être catastrophique (loin de là), c’est pourtant bel et bien raté. Du moins concernant cette version Nintendo Switch.

Editeur(s)
Paradox Interactive
Sortie France
01 déc. 2020
PEGI
+16 ans
Liens Site Officiel
Support de test Nintendo Switch

 

Les Affranchis

Bienvenue à Chicago. En tant que nouvel arrivant en ville, votre but est simple : devenir le nouveau Parrain, le Big Boss de la pègre locale, celui devant qui tout le monde ploie le genou et salue avec crainte.

Mais pour cela, vous devez commencer tout en bas de l’échelle. Pas comme un vulgaire truand, non ; mais avec un nouveau clan fraîchement constitué. Et Chicago a déjà trop de malfrats. Pour faire votre trou dans la ville, vous allez devoir en faire dans le cuir de vos rivaux.

Véritable sandbox s’il en est, Empire Of Sin vous laisse dès le départ la liberté du choix de votre personnage parmi certaines des figures du crime de l’époque de la Prohibition les plus célèbres. Chacun dispose d’une attaque unique, mais aussi de bonus et de malus ; à l’instar de la plupart des jeux de gestion.

Vous n’êtes dans un premier temps accompagné que de deux mercenaires. Mais bien vite, vous pouvez en recruter jusqu’à dix et vous lier avec eux au point d’en faire des seconds, des officiers, ou des affranchis.

La première chose qui saute aux yeux, c’est l’immensité de la carte. Chicago est une ville énorme, découpée en de nombreux secteurs eux-mêmes scindés en quartiers. Et votre mission, c’est qu’ils tombent tous sous votre joug.

Pour ce faire, vous pouvez soit discuter soit faire parler la poudre. Et au début, à la vue de votre faible notoriété, vous n’avez d’autre choix que de jouer des poings (et des sulfateuses) pour vous faire entendre.

Une fois votre premier quartier en poche, le jeu prend une tout autre dimension, qui ne cesse d’évoluer au gré de votre partie. Vous ne jouez certainement pas les gros bras une fois à la tête d’un véritable empire… à moins que cela ne soit nécessaire. Libre à vous alors de constituer votre équipe et de les envoyer se déchaîner sur les gangs rivaux.

Si le jeu fourmille d’idées vraiment intéressantes, on se rend pourtant compte qu’aucune d’entre elles ne va malheureusement au bout de son concept, se contentant de gratter la surface de mécaniques pourtant prometteuses.

Wish–Com

La partie stratégique se présente comme un T–RPG façon X-COM. Et si ce dernier a fait date dans ce genre si particulier, c’est avant tout pour ses qualités intrinsèques : des cartes immenses, dangereuses, où la surprise peut intervenir à chaque instant. Des ennemis très diversifiés et un système de permadeath stressant venant parachever la révolution de tout un genre.

Dans Empire Of Sin… oubliez tout ça. Si ces bases sont présentes, elles sont également totalement ratées. Dans un pur souci de logique et de cohérence, vous n’avez affaire qu’à des humains basés sur les mêmes modèles (des mafieux ou des policiers), souvent équipés des mêmes armes.

Seuls les affrontements contre les Boss changent. Non pas parce que ces derniers sont différents… mais parce qu’ils trichent. Capables de se déplacer même lorsque ce n’est pas leur tour, de toucher à des kilomètres sans la moindre visibilité, ou simplement de jouer plusieurs fois d’affilée ; ils mettront vos nerfs à rude épreuve.

Les Maps sont minuscules, bien souvent copiées-collées sur cinq modèles (sauf très rares exceptions) prédéfinis ; et sont réalisées sans la moindre inspiration. Un level design bâclé qui parfois se paye le luxe de rallonger artificiellement la durée des affrontements en vous faisant commencer très, très loin de vos adversaires.

Le système de couverture propre à X-COM est également de la partie… mais n’est guère mieux exploité. S’il était logique, dans un jeu de Science-Fiction mettant en scène des Aliens, que ces fameuses armes puissent vous faire des dégâts à travers les murs ; ici c’est bien plus difficile à justifier. « Comment un personnage peut-il être touché par une salve de fusils à pompe, à 30 mètres, accroupi derrière un buffet ? » Cette question, vous allez souvent vous la poser en soupirant.

De même, le système de Permadeath est présent… et une nouvelle fois, c’est un échec. À croire que les Romero n’ont soit jamais touché à X-COM, soit n’ont rien compris à ce qui faisait son succès.

Ici, le nombre de « mercenaires » recrutables est ridiculement faible ; d’autant que ces derniers peuvent également entrer au service des autres familles. De fait, après quelques heures de jeu, vous n’avez d’autres choix que de vous contenter de ceux que vous êtes parvenus à engager ou des rebuts dont personne ne veut.

Et si l’un d’entre eux meurt, vous devez poursuivre sans lui… ni personne pour le remplacer. Autant vous dire qu’à un certain point, le jeu en devient ridiculement difficile et terriblement frustrant, vous poussant continuellement à refuser la moindre mort, préférant recharger votre partie plutôt que de continuer en devant vous passer des services de votre seul et unique médecin…

…Sauf si vous parvenez à vraiment privilégier votre héros. Ce dernier est capable de nettoyer des bâtiments tout seul, sans l’aide de personne. C’est affligeant.

Wish–City

Mais les affrontements ne sont pas non plus le cœur du jeu, rassurez-vous. Une fois que vous avez pris possession d’un quartier, libre à vous de développer votre activité de petit patron dans une véritable phase de gestion digne de… de rien, en fait.

Le nombre de bâtiments constructibles est bien trop restreint pour réellement être amusant (Brasserie, Casino, Pub, Maison Close et Prêt d’Usure).

Alors vous vous contentez rapidement d’en faire un ou deux de chaque par quartier ; sans réellement réfléchir à une stratégie sur le long terme. Ces installations peuvent également être améliorées, pour les rendre plus discrètes aux yeux de la police, générer plus de clients ou améliorer la qualité générale des locaux…

Mais une fois encore, le travail réalisé sur Empire Of Sin est totalement bâclé. Il n’y a aucune incidence réelle sur le jeu, sinon la somme d’argent gagnée chaque mois. Les autres fonctionnalités ne servent littéralement à rien.

La Discrétion, par exemple, semble être un pur épouvantail. Souvent, même avec une surveillance policière proche des 100%, vous ne verrez jamais le moindre officier faire une descente. À d’autres moments, ces derniers semblent s’acharner sur un bâtiment pratiquement laissé à l’abandon et n’attirant pas la moindre petite suspicion.

Mais dans la Pègre, il faut aussi composer avec les autres familles. Et par là, j’entends « négocier ». Un menu spécifique vous permet de discuter avec les chefs pour échanger des biens, proposer des accords, ou déclencher une guerre de territoire.

S’ils vous apprécient suffisamment ; vous pouvez même leur « acheter » leur domaine pour gagner sans coup férir. Une option qui est généralement la plus simple et la plus rapide en fin de partie, où vous vous noierez sous l’argent sans jamais savoir qu’en faire.

Comme tout le reste malheureusement, le nombre d’options de dialogues est ridiculement restreint ; et rares sont les moments où le jeu vous surprend avec une « offre » de vos concurrents.

Il en résulte de nouveau un sentiment mitigé, comme si le titre n’était pas terminé, comme s’il n’avait pas eu le budget de ses ambitions, qu’il n’était au final qu’une démo technique de tout ce qu’il aurait eu à offrir.

SWish

Les spécificités de la version Switch sont nombreuses, ce qui vous donne un titre très différent des autres éditions d’Empire of Sin disponibles, loin du simple portage.

Par exemple, vous allez découvrir avec stupeur le travail qui a été fait sur la partie graphique du titre. Un aliasing omniprésent saura vous proposer une immersion dans ce qui se fait de plus laid, aux tréfonds des capacités de la machine. Techniquement dépassée, la console est sous-exploitée. L’optimisation frise le ridicule, et flirte souvent avec le n’importe quoi.

Ainsi, le joueur aguerri sera fort contrit lorsqu’il tentera un dézoome faisant drastiquement chuter le framerate de sa partie, ou se heurtera à des « freezes » souvent liés à des temps de chargements (et de sauvegardes automatiques) sauvages et impromptus.

Désactiver cette dernière fonctionnalité (qui a besoin de sauvegarder après tout ?) sera alors un véritable plus augmentant drastiquement la fluidité du titre… jusqu’à ce qu’il crash sans la moindre explication, vous ramenant ainsi au menu de la console, un sourire forcé aux lèvres, simplement heureux de vous souvenir que vous n’aviez pas enregistré votre partie depuis au moins 2 bonnes heures.

Chicago n’a jamais été aussi laid, aussi sale, aussi insoutenable au regard. Après de longues sessions en mode portable, les maux de tête sont à prévoir. Sur TV, ce n’est guère mieux. Certes, la taille de l’écran vous permet de mieux supporter cette bouillie infâme, mais le constat final est le même.

Par « chance », le titre vous permet de jouer intégralement en mode carte, sur un plan 2D, dans la plus pure tradition des jeux de 1982. Mais au moins, ça ne lague pas.

Vous comprendrez aisément qu’avec des soucis aussi importants, il est relativement difficile de réellement s’impliquer et de s’immerger dans le travail fait par les développeurs.

On ressent pourtant toute la passion qui les animait lorsqu’ils tentèrent de donner naissance à cet univers. La vie y est foisonnante, forte de voitures, de passages, de piétons. Mais le downgrade effectué sur cette version Switch met à mal tout ce travail pour ne laisser qu’un rendu au mieux catastrophique, au pire proche de la bouillie.

Inutile donc de préciser que la modélisation de vos personnages est également un carnage sans nom. Leurs mouvements saccadés sont peu naturels, les animations des visages risibles.

La Direction artistique avait pourtant tellement à offrir, et il est certain que sur d’autres supports Empire Of Sin doit être un plaisir.

Moins de blabla, plus de BoomBoom

Si Empire Of Sin se présente comme un Sandbox avec tout ce que cela implique de liberté, il n’en oublie pas de vous proposer une série de mini-scénarii propres à chaque personnage.

Que ce soit pour votre héros ou vos recrues, chacun y va de sa petite anecdote, de laquelle découle souvent une quête annexe. En cas de réussite, vos officiers disposent d’un gros boost de loyauté, voire d’équipements exclusifs.

Et ç’aurait été un bon point… si ces palabres incessantes n’étaient pas si délétères pour le rythme global. Il vous arrive parfois même d’échouer une quête sans l’avoir commencée, simplement après avoir tué un ennemi aléatoire rencontré par pur hasard.

Pis encore, ces quêtes sont si importantes que vous accepterez souvent de faire le coursier, voire de prendre une décision qui va à l’encontre de la personnalité de votre Parrain, juste pour être sûr de ne pas passer à côté de quelque chose d’important.

Aussi attendez-vous à contrôler un Al Capone transportant des pommes pour un prisonnier qu’il ne connaît même pas, sans que cela ne gêne personne.

Ajoutez à cela des chefs de factions qui vous attaquent sans raison, des événements qui se déclenchent sans réel rapport avec les actions en ville ; et vous baignerez dans une soupe relativement insipide.

Et si seulement les phases de combat pouvaient rehausser le niveau général… l’ennui s’installe rapidement lorsque les affrontements deviennent d’une simplicité enfantine. Il devient alors tentant de cliquer sur le bouton « résolution automatique du combat », qui permet de passer ces phases…

Tentant, oui. La première fois.

Car c’est les yeux ronds que le joueur découvre son équipe de dix mafieux surpuissants, équipés d’armes légendaires et étant parvenus à eux seuls à faire tomber une baronne et son armée de gardes du corps d’élite ; tous périr contre quatre Irlandais alcooliques équipés de poings américains…

Pourtant, l’intelligence artificielle est loin d’être mauvaise dans le reste du jeu. Sans pour autant être transcendante, vous réalisez rapidement que vos ennemis savent se mettre à couvert, attaquer vos blessés, ou utiliser les compétences qu’il faut au bon moment ; rendant les combats plus intenses.

Mais la résolution automatique des combats, mécanique oh combien importante de ce genre de production permettant d’éviter ce sentiment ineffable d’ennuis qui finit forcément par poindre au bout du dixième affrontement identique et sans le moindre challenge, est tout simplement cassée. Vous apprendrez ainsi à vos dépens à ne jamais, au grand jamais, l’utiliser.

J’aime

L

Un sandbox plaisant

L

De nombreux quartiers à posséder

L

Un mélange intéressant des genres

L

Plein de bonnes idées...

J’aime moins

K

Une version Switch bâclée

K

Aucune cohérence dans la diégèse

K

Des bugs à foison

K

… Mais mal exploitées et qui ne vont pas au bout de leur concept

K

Des crashs intempestifs

K

Le festival du lag

K

Très répétitif au bout d’un moment

K

Des Boss fight uniquement basés sur la triche de vos adversaires