Trinity Fusion est le nouveau jeu d’Angry Mob Games, un petit studio déjà à l’œuvre sur le très moyen clone de Smash Bros, Brawlout.

Depuis 2017, ces derniers n’ont que peu donné de signes de vie… jusqu’à la présentation de leur nouveau projet, le justement nommé Trinity Fusion. Disponible depuis le 14 décembre 2023 sur console, le titre se présente comme à la croisée des chemins entre Metroidvania et Roguelite au sein d’un multivers particulièrement riche.

Ayant éprouvé le jeu dans tous les sens, il est temps de vous livrer un test complet d’une très bonne surprise du genre.

Le Pouvoir des Trois

Trinity Fusion propose un scénario très original et vraiment rafraîchissant. Dans un futur non défini, les hommes sont parvenus à voyager entre plusieurs dimensions. Trois ont été découvertes et liées entre elles par une dernière : Prime.

Au moment où le jeu débute, toutes ces dimensions sont sur le point de s’effondrer : dans l’Hypermonde, les humains ont évolué vers une forme de vie différente, liée aux machines : les Ewers. Le Surmonde s’est vu dominé par des machines sentientes. Quant à l’Hypomonde, il est désormais envahi de bêtes immenses et féroces. Prime, pour couronner le tout, est devenue injoignable et séparée des autres.

Dans ce bourbier sans fin synonyme de fin proche de tous les multivers, vous incarnez Maya. Cette dernière représente l’ultime espoir, puisqu’elle dispose de « répliques » étroitement liées les unes aux autres dans chacun des mondes.

Votre objectif est donc de parcourir l’ensemble des trois dimensions afin de les relier et de les fusionner en une seule. Une solution radicale et qui causera la mort de millions de personnes, mais qui évitera au moins l’annihilation pure et simple de l’intégralité de l’univers.

Un scénario qui, de prime abord, peut sembler complexe ; mais qui, en réalité, se laisse facilement digérer grâce à une narration de qualité et totalement maîtrisée de bout en bout.

Si les premières minutes peuvent être déroutantes, le joueur est rapidement invité dans une sorte de Hub qui lui sert de base entre chaque run, dans lequel de nombreux PNJs vont expliciter les tenants et aboutissants de l’intrigue.

Chaque élément vous est ainsi donné avec parcimonie, sans vous noyer sous une logorrhée imbuvable, tout en parvenant à rester clair et suffisant pour se sentir impliqué dans les événements.

Mais Trinity Fusion n’oublie pas pour autant ses personnages principaux. Chaque héroïne, liée à l’une de ces dimensions, dispose de sa propre personnalité et histoire. Si elles sont liées par un destin qui les dépasse, elles n’en oublient pas pour autant qui elles sont individuellement. Ainsi, leurs réponses et comportements avec les PNJs sont totalement différents et participent à approfondir les qualités narratives du titre.

Comme le titre du jeu l’indique, vous allez donc prendre tour à tour le contrôle de chacune des trois héroïnes (Maya n’est pas directement contrôlable, servant de « lien » entre toutes) :

Naira, dans l’Hypermonde, est taciturne, cynique et un poil austère. Elle se bat à l’aide d’armes légères et rapides, ainsi que d’un arc à distance ; comme pour prendre le contrepied des Ewers et de leur volonté absolue de devenir des machines immortelles.

Kéra, dans le Surmonde, est une guerrière à part entière. Moins agile, incapable de faire des doubles sauts ; elle mise avant tout sur sa puissance brute via l’utilisation d’épées à deux mains particulièrement redoutables.

Enfin, Alatara, dans l’Hypomonde, est agile et rusée ; habituée à fuir les créatures qui hantent cet endroit. Elle a appris à se servir de redoutables sorts pour se défaire de ses adversaires mais peine à se lier avec les autres à cause d’une vie de solitude extrême.

Chacune des trois héroïnes dispose ainsi d’un gameplay identique aux deux autres ; mais avec quelques nuances qui les rendent uniques. L’idée ingénieuse du titre vient de ne jamais vous imposer de les diriger. Si vous souhaitez parcourir l’ensemble des dimensions avec la même héroïne, libre à vous… mais vous risquez en ce cas de perdre une partie du plaisir de la découverte, ou des capacités uniques de chacune vous permettant d’atteindre des zones spéciales.

Sachez enfin que d’autres modes de jeux viennent s’ajouter à l’intrigue principale, via des zones spéciales atteignables depuis le HUB central. L’un d’entre eux dispose d’ailleurs d’un scénario à part entière, vous proposant de prendre le contrôle d’une quatrième version de Maya, cette fois-ci en tant qu’Ewer.

Autant le dire très clairement, Trinity Fusion fait partie des meilleures découvertes de cette fin d’année 2023. Travaillé avec le plus grand soin par une équipe qui en a peaufiné le moindre détail, il parvient à s’imposer d’emblée comme un incontournable du genre.

Le plaisir des choses simples

Côté gameplay, Trinity Fusion s’avère relativement efficace dans ses propositions, sans pour autant chercher à réinventer la roue. Des attaques principales avec X, à distance avec Y, une glissade / dash aérien via B ; et bien entendu un saut (qu’il est possible de doubler en fonction du personnage contrôlé) à l’aide de la touche A. L’interaction avec les éléments du décor (coffres, portes, etc.) est assignée sur RB. En laissant cette dernière touche enfoncée, vous déployez de plus un champ de force détectant les zones cachées.

Une maniabilité somme toute très classique et dans la droite ligne des Metroidvania traditionnels, mais efficace et sans fioriture.

Le seul point intéressant vient sans doute du fait que votre esquive / dash aérien est votre unique manière de vous protéger des dégâts adverses, puisque vous êtes invulnérable en l’exécutant. Pas de garde ni de parade, pour vous en sortir il va falloir esquiver. Et si ce concept est intéressant, dans les faits, il faut reconnaître que Trinity Fusion s’avère être un titre plutôt exigeant, surtout dans ses premières parties.

Roguelite oblige, vous allez régulièrement trouver des machines vous permettant de choisir entre trois améliorations temporaires disponibles afin d’optimiser votre run. De même, si vous débutez avec un équipement très sommaire, bien vite d’autres sont trouvables ou achetables dans les quelques boutiques disséminées aléatoirement au gré des niveaux.

Pour parfaire au genre du Metroidvania, divers points de téléportations sont disponibles sur les cartes, de même que des zones inatteignables sans certaines améliorations spécifiques. Un concept plutôt attrayant, mais qui montre malheureusement rapidement ses limites car totalement paradoxal avec le concept même du Roguelite. Et la raison est pourtant d’une logique pure : comme dans tout bon Roguelite, Trinity Fusion se découpe en niveaux successifs. Autrement dit, il est impossible au sein d’un même run de revenir en arrière dans les cartes déjà visitées. De fait, les téléporteurs ne servent pratiquement jamais, sinon à trouver un item spécifique à un moment très précis.

Bien entendu, vaincre des adversaires vous permet de récupérer de l’argent ainsi que de l’expérience (voire des objets consommables ou armes). Une monnaie spéciale est également de la partie. Cette dernière, conservable entre vos runs, vous permet de débloquer divers bonus définitifs afin de faciliter vos prochaines explorations du multivers.

Mais Trinity Fusion dispose en plus d’une dernière fonctionnalité particulièrement attirante : la Fusion, justement. À des points précis de l’aventure, vous allez pouvoir découvrir d’étranges machines capables de « fusionner » les héroïnes entre elles contre une certaine somme d’argent afin d’en accroître le potentiel… comme dans le film The One, oui.

Inutile de vous dire que pour venir à bout du titre, parvenir à réunir les trois héroïnes tient pratiquement de l’obligatoire, tant ces dernières sont puissantes une fois fusionnées.

Incroyablement nerveux et disposant d’une maniabilité impeccable, Trinity Fusion fait partie de ces titres « faciles à comprendre mais difficiles à maîtriser » qui, de plus, s’avèrent d’une richesse sans faille. Le joueur est continuellement poussé à prendre des risques en explorant, mais également à apprendre à maîtriser son équipement pour pouvoir s’en sortir.

Phases de plateformes, pièges, énigmes, attaques massives ennemies… chaque dimension dispose de ses propres caractéristiques qui se renouvellent sans cesse grâce à des niveaux différents à chaque run, renouvelant sans cesse le plaisir de jeu de bout en bout.

Le fond ET la forme !

Non contents de proposer avec Trinity Fusion un jeu d’une richesse certaine en termes de narration et de gameplay, Angry Mob Games peut également se targuer d’avoir visé juste sur l’intégralité des autres tableaux.

Leur titre dispose tout d’abord d’un style visuel très marquant, dans la pure ligne d’une hard SF plutôt sombre et esthétique. Les différents niveaux traversés disposent de spécificités liées à leur dimension de base (l’hypermonde contient plus de bâtiments et autres machineries, le surmonde de bâtiments et l’hypomonde est un champ de ruines).

Rien qui malheureusement ne transcende jamais la rétine ni ne laisse scotcher le joueur devant son écran, mais une cohérence visuelle diégétique du plus bel effet, conçue et pensée pour vous immerger dans son univers sans ciller.

La 3D employée peut certes sembler vieillote et le jeu dans son ensemble accuse un retard technique non négligeable, revenant à une époque révolue. Pourtant, Trinity Fusion reste un titre particulièrement beau, comme s’il représentait la quintessence d’un autre temps, le pinacle de ce qui peut être fait avec cette technologie désuète.

Côté Level-design, le jeu n’est pas en reste et parvient sans mal à tenir en haleine le joueur en dosant savamment ses combats, énigmes et phases de plateformes plutôt retors. Régulièrement, divers chemins sont d’ailleurs de la partie afin de vous laisser l’opportunité d’explorer ou, au contraire, de foncer vers la sortie.