9 Years of Shadows est un metroidvania indépendant développé par Hamberd, un studio situé à Jalisco (un état libre frontalier avec le Mexique, dont j’ignorais jusqu’à aujourd’hui l’existence), composé d’une vingtaine de personnes.
Une équipe conséquente pour un jeu indépendant, ce qui met forcément la barre très haute en termes d’attentes. Et autant vous le dire tout de suite : si le jeu n’est pas parfait, il foisonne d’idées absolument magnifiques qui ne laissent présager que le meilleur pour la suite.
De l’Ombre à la Lumière
Dans 9 Years of Shadows, vous incarnez Europa, une jeune femme ayant tout perdu à la suite d’une étrange malédiction qui s’étend lentement sur le monde en absorbant les couleurs.
Ses parents sont décédés lorsqu’elle était encore enfant, et elle s’est entraînée toute sa vie dans le but de devenir suffisamment forte pour entrer dans le Talos, une ancienne forteresse berceau de la malédiction, afin d’y mettre un terme.
L’aventure débute entièrement en noir et blanc, que ce soit lors de la séquence d’introduction ou dans le premier niveau tutoriel. Une esthétique particulièrement soignée malgré tout, plongeant dans l’ambiance déprimante du titre.
Rapidement cependant, Europa rencontre Apino, un ourson mignon volant qui rend les couleurs autour du Talos. Ce dernier l’assiste durant toute sa progression, faite de découvertes et de rencontres.
Construit comme un metroidvania très classique, 9 Years of Shadows est surtout un titre d’une originalité féroce, fort d’une narration impeccable, jouant habilement à plusieurs reprises sur la dualité entre noir et blanc et couleurs.
On pourra sans doute regretter que cette idée de base ne dépasse jamais réellement la barrière de l’introduction et ne propose pas plus souvent des phases alternant ces deux colorimétries. Mais 9 Years of Shadows propose plus encore, puisque le titre joue également habilement… sur la musique.
Symphonie of the Light
9 Years of Shadows est un jeu singulier à bien des égards. Non content de jouer sur la couleur, il puise dans la plupart des sources artistiques pour peaufiner son intrigue.
Ainsi, vous rencontrerez rapidement plusieurs musiciens, comédiens, graphistes qui se réunissent au sein d’un théâtre. Ces derniers vous confient diverses quêtes annexes, font office de marchands et ont pour objectif d’approfondir le lore au sein de dialogues assez bien écrits (et entièrement traduit en français).
Ce champ lexical de l’art est prégnant dans l’ensemble du jeu : vous sauvegardez via un orgue, récoltez des partitions dissimulées çà et là… En bref, tout est fait pour inclure la notion même d’art au cœur de la diégèse de l’œuvre.
Et si les idées sont excellentes et parfaitement en accord avec le ton général du jeu, il faut tout de même avouer que ces dernières sont surprenantes et vont un peu dans tous les sens sans réelle logique. Sans doute aurait-il été plus impactant de se concentrer uniquement sur la couleur et/ou la musique, sans chercher à faire de 9 Years of Shadows une sorte d’hommage à l’art sous toutes ses formes.
Car ce constat a bien entendu un corollaire particulièrement préjudiciable pour le titre : eu égard de cette mise en avant de l’art, le joueur s’attend à être continuellement surpris par des idées originales, des mélodies particulièrement impactantes ou des idées de mise en scène novatrices.
Et si sur ces trois points précis, 9 Years of Shadows est parfaitement dans la moyenne haute des jeux du genre ; force est de constater qu’il ne parvient jamais réellement à briller de manière particulièrement impressionnante.
Très loin de la maestria graphique d’un Afterimages, par exemple, les décors sont particulièrement redondants, le bestiaire fort peu développé, et les musiques bouclent rapidement.
Il faut cependant reconnaître à 9 Years of Shadows une très belle direction artistique, poussant le pixel art dans ses derniers retranchements. Une réussite visuelle indubitable qui joue habilement sur des couleurs vives et tranchées, autant que sur des dessins entièrement faits à la main.
Les Chevaliers de l’Opéra
En termes de gameplay, 9 Years of Shadows tente également de jouer sur plusieurs tableaux pour surprendre le joueur et le transporter dans son univers coloré et artistique. Comme dans le reste de l’œuvre, les idées foisonnent mais manquent de finition et de précision, rendant le tout particulièrement frustrant plus qu’agréable au bout d’un moment.
Metroidvania oblige, vous allez débloquer divers pouvoirs tout au long de l’aventure : esquive, double-saut… voire même à se transformer en boule à l’image de Samus. Du très classique, que l’on comprend rapidement être un hommage aux anciens jeux du genre issus d’une ère pré-Symphony of the Night.
Car en effet, dans 9 Years of Shadows, point d’expériences ni de niveaux. Au mieux, les combats vont-ils vous rapporter de l’argent ou d’autres partitions, échangeables contre des améliorations de santé ou d’endurance. Un choix assez singulier en 2023, qui ramène rapidement aux grandes heures du genre sur GameBoy Advance, sans pour autant que ce soit une bonne chose.
Au final, le titre s’avère assez pauvre en contenu annexe et en amélioration. Pour pallier à cela, les développeurs ont choisi d’ajouter d’autres manières de débloquer des pouvoirs : les armures.
Europa va en effet, à l’image d’un Chevalier du Zodiaque (littéralement), trouver diverses armures spécifiques tout au long de son périple. Chacune remplit un rôle spécifique : protection contre le poison ou le feu, capacité à respirer sous l’eau… Si l’idée est ingénieuse et originale au départ, elle devient rapidement frustrante à mesure que vous progressez.
En cause, l’obligation de changer régulièrement pour parer à une situation précise ; cassant totalement le rythme pour simplement avancer dans l’aventure. Une idée saugrenue et frustrante.
Pour se défendre, Europa dispose de deux « armes ». Sa hallebarde lui permet d’enchaîner les coups avec une certaine fluidité, d’autant que vous allez au gré du jeu débloquer divers combos plutôt agréables à exécuter.
La seconde est, une fois encore, l’originalité principale du jeu : sa lumière. Via Apino, la fameuse bestiole qui vous accompagne, vous allez en effet pouvoir puiser dans la force vitale de votre héroïne pour attaquer à distance. Oui, sa force vitale.
En effet, cette attaque puise… directement dans vos points de vie ; et est régulièrement obligatoire pour progresser. Il n’est pas rare de tomber sur des créatures immunisées à toute autre forme de dégâts, ou sur des interrupteurs qui vous demandent ce type de compétence afin d’être activés. Une prise de risque drastique qui peut tout à la fois vous sauver ou, au contraire, vous mettre dans une position délicate et qui, même une fois l’aventure bouclée, reste particulièrement étrange et incompréhensible.
Pour pallier à cette perte d’énergie constante, les développeurs ont ajouté à 9 Years of Shadows la possibilité de se soigner quand bon vous semble… en faisant un câlin à Apino. Une mécanique encore une fois certes intéressante, mais qui aurait tout simplement pu être remplacée par une jauge secondaire de type « mana ». Certes, avoir opté pour ce système permet de jauger le skill des joueurs plus que de compter sur la chance… mais paradoxalement, 9 Years of Shadows s’avère plutôt simple, que ce soit dans sa prise en main ou sa progression. Rares sont les passages réellement tendus ou menaçants, puisque vous avez tout le loisir de vous soigner quand bon vous semble, sans aucune contrainte.
J’aime
Une D.A. vraiment très jolie
Des combats plaisants
Bourré d'idées vraiment originales
Durée de vie satisfaisante pour ce genre de production
En français
J’aime moins
Une exécution qui manque de finition
Des armures frustrantes qui cassent le rythme
Bestiaire un peu faible
Conclusion : Un excellent metroidvania qui manque de finitions
9 Years of Shadows est un metroidvania innovant, ingénieux et original. Cependant, force est de constater qu’à vouloir jouer sur tous les plans, à forcer son individualité et à tenter de tirer à tout prix son épingle du jeu ; il s’échoue en proposant un divertissement très agréable mais manquant de finitions. Une belle découverte pour les amateurs, mais qui n’arrive toujours pas à la cheville d’autres titres du genre (tel Afterimages).