RoboCop: Rogue City est un FPS se déroulant dans l’univers emblématique de la série de films des années 90. Développé par le studio polonais Teyon, déjà à l’œuvre sur plusieurs adaptations d’anciennes licences cinématographiques d’action en jeu vidéo (Terminator et Rambo) ; le titre est à paraître ce 2 novembre sur PlayStation 5, Xbox Series S|X et PC.

Comment le studio est-il parvenu à immerger le joueur dans une saga vieille de plus de trente ans et qui n’a pas connu la moindre adaptation vidéoludique depuis 2003 ? C’est ce que je vous propose de découvrir immédiatement dans ce test complet.

RoboCop 2.5

RoboCop: Rogue City vous met dans la peau (métallique) de l’agent Murphy ; ou plutôt de ce qu’il en reste. Après une mort violente, le cerveau et le visage de ce dernier ont en effet été greffés sur un corps robotique afin de créer le premier flic mi-homme mi-machine : RoboCop. Certes bien connu des amateurs de pop culture (et des trentenaires) ; l’histoire de la licence est quelque peu tombée dans l’oubli ces dernières années depuis l’échec (scandaleux) du reboot de 2014 par José Padhila (depuis reconnu pour sa série Narcos).

Votre protagoniste, désormais connu de la population de Détroit, doit mener à bien une nouvelle mission prioritaire en pourchassant un mystérieux « nouveau gars » venant d’arriver en ville et attisant la curiosité de tous les gangs locaux. Drogues, meurtres, incendies, prises d’otages… rien ne semble pouvoir l’arrêter, d’autant qu’il dispose de suffisamment de hargne et d’argent pour mettre à mal les forces de police de l’OCP.

L’angle pris par Teyon concernant la partie scénaristique de RoboCop: Rogue City est intéressant et original, autant que surprenant. Plutôt que de chercher à livrer une vision différente de la saga ou de se contenter d’adapter l’un des films ; l’équipe a décidé de se libérer du joug cloisonné d’une intrigue existante en positionnant son œuvre entre deux autres.

Problème : il est ici question de longs métrages sortis respectivement en 1991 et 1993. Soit il y a plus de trente ans… et qui ne sont guère restés dans les mémoires comme des œuvres majeures du septième art. Tout au contraire, l’histoire de ces deux productions est plutôt négative et émaillée d’à-côtés particulièrement préjudiciables (c’est notamment à cause d’elles que Frank Miller décida de se détourner d’Hollywood jusqu’en 2005).

Se pose alors légitimement la question : Pourquoi ne pas avoir simplement réécrit l’origine du personnage ? Ou adapter le film de 2014 ? Sans doute est-ce là le premier écueil à l’encontre de ce RoboCop: Rogue City. Il ne parle à personne, sinon aux fans les plus hardcore du personnage et aux nostalgiques d’une époque révolue (dont je fais indubitablement partie). Mais pour tous les autres qui n’ont peu ou prou jamais connu le personnage, se plonger dans l’intrigue du jeu risque d’être particulièrement complexe. On peut penser ici légitimement aux « jeunes » adultes entre 18 et 30 ans, pour qui le personnage n’est rien d’autre qu’une figure populaire de la science-fiction sans grand intérêt et qui, au mieux, n’ont connu que le film d’origine de Verhoeven par devoir de mémoire.

Rien n’est fait pour vous enraciner dans l’univers du cyberflic. Le jeu se lance en prenant le parti de se positionner entre deux histoires existantes, sans prendre le temps de vous rappeler les événements passés ni de contextualiser son intrigue. Certes, l’écriture est plus que bonne, les dialogues impactants, les événements prenants… mais uniquement pour quiconque connaît déjà les films !

Aucun protagoniste n’est introduit et les twists ne parleront qu’aux fans. Même les principales révélations laisseront sans nul doute les joueurs néophytes de marbre… mais sont diablement accrocheurs pour les fans. Il est particulièrement difficile de parler du titre sans spoiler, tant les révélations et les liens avec la trilogie sont nombreux ; mais sachez que si vous êtes un véritable amateur du personnage, le jeu va vous happer et ne jamais vous laisser le moindre temps de repos.

Conçu pour les fans, par des fans ; RoboCop: Rogue City est une anomalie temporelle qui aurait dû sortir il y a vingt ans pour réellement justifier son existence et mériter un quelconque succès. Aujourd’hui, il reste un plaisir coupable pour une frange très précise de joueurs, mais un titre qui laissera de marbre absolument tous les autres.

La Première Directive

RoboCop: Rogue City vous propose donc d’incarner l’agent Murphy au sein de cette intrigue originale bourrée de références et de liens avec les films. Pour mener à bien votre mission, vous allez parcourir divers niveaux plus ou moins vastes, librement, dans l’optique d’enquêter sur ce « nouveau gars » ainsi que sur les gangs qui travaillent pour lui.

Premier constat, la structure même adoptée par Teyon est tout aussi surprenante que le reste. Point ici d’open-world vous permettant d’explorer Détroit à loisir, mais bel et bien une succession de zones cloisonnées. Vous allez y poursuivre votre quête principale, mais également pouvoir déambuler afin de découvrir diverses missions secondaires ou simplement accomplir votre job de gardien de la paix.

Généralement, les quêtes de la trame principale sont d’énormes défouloirs dans lesquels vous allez tirer sur les punks de la région à l’aide de votre précieux Auto-9. Je reviendrai sur cette partie spécifique ultérieurement. Pour le reste, votre exploration va vous permettre de dresser des contraventions (oui, oui), ou encore de régler les problèmes de la population tout en respectant les Trois Directives directement inspirées des lois de la robotique d’Asimov. Toutes les situations que vous allez rencontrer peuvent être résolues de diverses manières ; soit via le respect de ces règles (Servir le peuple, Protéger les innocents, Respecter la loi) soit en laissant place au côté « humain » de Murphy.

Sur ce point précis, RoboCop: Rogue City frôle le sans-faute (pour les connaisseurs) dès les premiers instants. Toute la dualité entre l’homme et la machine, au cœur des films et du personnage, est ainsi scrupuleusement respectée et laissée à votre libre discrétion. Bien entendu, ces choix entraînent des conséquences directes sur le déroulé du titre ; que je vous laisse savourer à l’envie.

Chaque quête secondaire est écrite avec soin et apporte son lot de réflexion sur le transhumanisme via une interprétation libre de la manière de les aborder. Régulièrement, votre héros refuse d’effectuer des infractions sans un mandat légalement émis, ce qui vous contraint à chercher des preuves. De même, il est possible de sauver des innocents d’une fusillade ou de privilégier l’interpellation d’un malfrat, quitte à les laisser mourir.

Une belle réussite qui donne envie au joueur de continuellement explorer son environnement, d’autant qu’à l’instar d’un Deus Ex chaque situation peut être abordée d’une manière différente, en fonction des capacités secondaires de votre Robot Flic.

Car oui, RoboCop: Rogue City n’oublie pas d’apporter son lot de concepts très modernes. Vous avez ainsi accès à un arbre de compétences, vos décisions et actions sont notées par l’OCP et vous octroient des points d’expérience ; qui peuvent ensuite être librement dispatchés au sein de cet arbre très complet. Vous spécialiser vous permet alors de forcer des coffres, de vous soigner plus facilement, d’être plus efficace en combat, d’obtenir plus d’options de dialogues, etc.

Cette approche apporte une bonne rejouabilité à un titre cruellement court en ligne droite (comptez moins d’une dizaine d’heures) ; mais qui parvient à augmenter ainsi considérablement sa durée de vie. Il ne manque pas grand-chose pour en faire un très grand jeu… mais certains oublis manquent cruellement au titre.

Ainsi, RoboCop n’a jamais, lors des missions principales, la faculté de simplement désarmer et appréhender les criminels. Les morts pleuvent, sans aucun système de moralité (qui pourtant aurait totalement eu sa place ici). De même, quelque soit l’angle envisagé la résolution des quêtes ne change pas. Dommage.

Autre point particulièrement surprenant : il n’est pas possible de revenir dans des zones déjà visitées. Une fois celles-ci quittées, tout objet oublié ou quête non résolue est immédiatement abandonné. Une conception très « old-school » du jeu qui n’est clairement pas à son avantage… surtout lorsque vous allez vous heurter à sa difficulté.

J’en prendrais pour un dollar !

RoboCop: Rogue City est un titre surprenant à bien des égards. Outre son côté old-school dans sa narration, sa mise en scène et sa structure ; son gameplay est également excessivement original en cherchant à s’approcher le plus possible d’une adaptation logique et réussie du personnage.

Murphy est, comme dans les films d’origine, particulièrement lent. Ici, vous ne pouvez par exemple pas vous mettre à couvert ni sauter ; et la course tient plus de la marche rapide. De même, la caméra (gérée via le stick analogique droit) est automatiquement réglée pour rester sur un axe fixe. Regarder vers le haut ou le bas demande des mouvements amples et précis qui peuvent nuire à une bonne maniabilité du personnage pour quiconque a touché au moindre FPS ces trente dernières années.

Les combats s’effectuent de facto généralement dans un carnage sans nom ni réflexion, où vous vous contentez de tirer en chaîne sans chercher à vous protéger ni à éviter les dégâts. Il est certes possible de ramasser les armes lâchées par ses ennemis, de saisir ces derniers pour les projeter ou d’attraper divers objets pour vous en servir de projectiles… mais c’est tout. Tout ce que propose RoboCop: Rogue City.

À partir de là, deux écoles vont s’opposer. Les amateurs de FPS y trouveront sans nul doute à redire ; tant le titre paraît mou et éloigné de l’intégralité des canons du genre. Et pourtant… les fans du personnage y découvriront tout simplement l’adaptation la plus parfaite et logique de leur personnage favori. Car oui, vous dirigez RoboCop d’une manière identique aux films. Que ce soit dans ses mouvements, la possibilité de marquer ses ennemis, sa lenteur et sa difficulté à se déplacer… tout est scrupuleusement respecté à la lettre… au point même que les « ajouts » notables (tels que les armes récupérables) semblent totalement hors de propos et n’ont pas leur place ici. Quitte à jouer RoboCop, autant utiliser son emblématique Auto-9 !

Parfaitement conscients de cela, les développeurs ont d’ailleurs mis les petits plats dans les grands pour vous inciter à tout simplement oublier toutes les autres armes que vous pouvez trouver. Ainsi, votre pistolet automatique dispose de munitions infinies, d’une excellente pénétrabilité, de dégâts colossaux… et vous avez même la possibilité de le personnaliser, en y ajoutant des « cartes d’extensions » permettant de le rendre encore plus mortel. Rapidement, vous allez tout simplement laisser de côté la possibilité d’utiliser les jouets de vos adversaires, pour privilégier l’Auto-9. RoboCop: Rogue City propose donc un gameplay qui cherche à adapter le personnage à la perfection, quitte à rendre le titre moins maniable, jouable… et même vidéoludique. Car pour combler ces difficultés sans pour autant rendre le jeu infaisable ; les développeurs ont logiquement dû négliger grandement l’intelligence artificielle de vos antagonistes.

Ces derniers se mettent rarement à couvert, se contentant généralement de rester droit comme des « i » à vous canarder en boucle, attendant de fait sagement la mort. Pour ceux qui osent se déplacer, leur pattern est excessivement limité, rapprochant drastiquement le jeu d’un Rail Shooter par moment.

Pour en revenir aux améliorations, RoboCop peut donc apprendre des capacités secondaires utiles en combat, comme lancer une décharge d’énergie ou augmenter sa résistance aux dégâts. Votre héros n’est pas immortel, mais dispose de la capacité de se soigner. Au début de chaque zone, vous avez en votre possession trois objets de soin. D’autres sont trouvables au gré de vos explorations… mais peu nombreux.

Au bout de quelques missions, RoboCop: Rogue City se montre particulièrement ardu pour quiconque n’a pas pris le temps d’augmenter le niveau de son personnage en accomplissant les missions annexes, ou simplement en dépensant ses points de compétences dans certaines capacités très précises. Par exemple, la faculté de se soigner via les panneaux électriques peut littéralement vous sauver d’un game over à de très, très nombreux moments du jeu… à condition de l’avoir débloquée au préalable.

Techniquement… dans son jus

Il est grand temps d’aborder la partie « réalisation » de ce RoboCop: Rogue City… et de ne pas forcément être particulièrement tendre avec lui. Teyon est habitué, via ses diverses productions, à ne livrer que des titres qui semblent systématiquement dépassés de plusieurs années.

RoboCop: Rogue City ne déroge pas à cette règle et souffre, comme Terminator: Resistance ou Rambo: The Video Game, d’un retard considérable sur absolument tous les plans. Visuellement terne, le titre aliase régulièrement et se permet même du clipping à des moments clés (notamment durant les cinématiques).

Et que dire des animations ? Les visages sont, pour la plupart, totalement inexpressifs et dénués de la moindre émotion. Pire encore, la synchronisation labiale est partie dans une autre galaxie (ou tout simplement inexistante par moment).

Sans être particulièrement laid, le jeu n’est clairement pas digne des titres équivalents sortis en 2023 et aurait eu sa place dans une ludothèque de l’ancienne génération (Ps4, Xbox One). Rien, à aucun moment, ne justifie ici une exclusivité Ps5 / Xbox Series.

Par chance, le jeu est rapidement sauvé par une direction artistique qui parvient à retranscrire avec exactitude l’ambiance des films… et à une bande son inspirée des compositions de Basil Poledouris. Et qu’on soit parfaitement clair, pour une fois je vais donner un avis très personnel ici : qu’importe que le jeu soit techniquement en retard. Qu’importe qu’il soit laid ou mal animé. Qu’importe sa lenteur de gameplay. Sortir l’Auto-9 sur le thème de RoboCop signé par Poledouris n’a pas de prix et balaye tous les écueils d’un revers de main. Si vous aimez réellement RoboCop, Rogue City est fait pour vous.

J’aime

L

Une adaptation quasi parfaite du personnage de Robocop...

L

Un excellent scénario...

L

Des choix moraux impactants

L

La Bande Son

L

Un véritable plaisir coupable

J’aime moins

K

... mais qui de fait va laisser de marbre beaucoup de joueurs

K

...mais qui impose de connaître les films

K

Techniquement très en retard