Contrairement à ce que vous pourriez croire de prime abord, Shuyan Saga n’est pas une production chinoise (malheureusement). Issu du studio canadien Lofty Sky Entertainment, dont c’est le premier jeu, il se vend sur la promesse d’une expérience Visual Novel originale avec des combats en 3D.

Sorti en août 2017 sur PC avant d’arriver ce 22 septembre 2023 sur consoles ; le titre a été gratifié du prix « Écrans canadiens de la meilleure production interactive originale produite pour les médias numériques ». Un nom bien pompeux pour désigner, visiblement, l’équivalent des Razzie Award.

Chronique d’une catastrophe industrielle.

Editeur(s)
ESDigital Games
Sortie France
22 Sept. 2023
PEGI
+12 ans
Liens Site Officiel
Support de test Nintendo Switch

 

Par où commencer…

Shuyan Saga vous met dans la peau de l’héroïne éponyme, Shuyan, dans une Chine médiévale fantastique faite de dragons, de pouvoirs magiques et de guerres en tout genre.

Indubitablement, le scénario est ce que l’on pourrait aisément considérer comme un carnage. Terriblement niais, il se focalise sur une histoire manichéenne de lutte entre les forces du bien et du mal sans aucune nuance ni profondeur, digne des pires téléfilms au rabais.

Écrit sans le moindre talent, n’hésitant jamais à utiliser un niveau de langage totalement anachronique et une narration bradée sur l’autel de l’accessibilité ; Shuyan Saga se targue élégamment de remporter la palme des interactions les plus veules jamais créées dans une production vidéoludique.

Votre « périple » sera en effet émaillé de choix, à effectuer durant ces fameuses scènes dites de Visual Novel. Principale problématique : les conséquences sont, dans l’immense majorité des cas, totalement inexistantes. Choisir l’une ou l’autre des options de dialogues ou voie proposée ne change strictement rien au déroulement de l’histoire, sinon d’ajouter de temps à autre quelques combats de plus.

Au moins c’est beau…

Principal attrait du jeu, Shuyan Saga est intégralement illustré à la main de plus de 1 400 tableaux signés Daxiong, un auteur de comics chinois ayant travaillé sur pléthore d’œuvres pour DC Comics et Dark Horse.

Certes, Daxiong a participé à divers projets, tels que Star Wars Omnibus ou encore un Giant de Justice League. Mais il est surtout reconnu pour son travail en tant que « petite main » pour les deux entreprises précitées, généralement en qualité de coloriste ou encreur.

Force est de constater cependant l’indubitable talent de l’artiste, qui signe sur Shuyan Saga des compositions en dent de scie. Certains tableaux sont magnifiques, d’autres visiblement achevés la veille de la sortie du jeu, dans un rush complet et l’amenant aux frontières du burn-out artistique.

Loin d’être laid, il faut reconnaître à Shuyan Saga cette singularité de proposer un Visual Novel Comics chinois. À une époque où les productions vidéoludiques venant du pays en question comptent parmi les meilleures jamais créer.

Si Shuyan Saga peut s’avérer relativement joli pour un comics, il se fait écraser par la concurrence d’autres productions situant son action dans les mêmes environnements. En tête, un certain Afterimage, à des années-lumière qualitativement de ce titre.

Bien entendu, inutile de préciser que le choix de concevoir un Visual Novel est incroyablement discutable. L’intégralité des scènes étant des plans fixes, le jeu manque clairement de dynamisme et de fluidité, se contentant de superposer des planches de B.D. les unes aux autres sans grande maîtrise de la mise en scène ni des codes du médium, ou même du genre.

Le point doublage

Le studio Lofty Sky Entertainment semble être particulièrement heureux de mettre en avant les incroyables comédiens qui ont participé aux doublages de leur production.

C’est ainsi que vous pouvez découvrir un peu partout que votre héroïne est portée par la voix de… Kristin Kreuk, dont c’est littéralement la première expérience dans le milieu.

Alors, comment dire cela gentiment et sans heurter personne…

Si l’un des membres du studio était un fan nostalgique de Smallville, qu’il lui demande plutôt un autographe. Cette dernière est en roue libre complet, n’apportant jamais la bonne émotion au moment adéquat. Son interprétation frise souvent le nanardesque et est en parfaite dissonance avec les événements narrés.

Pis encore, ce « choix » de casting totalement capillotracté impose, logiquement, des doublages en anglais. Dans un titre qui situe son action dans une Chine médiévale fantastique.

N’aurait-il pas été plus impactant et immersif de contacter directement la foultitude de professionnels basés en Chine ? Ces derniers sont légion, et à l’heure où j’écris ces lignes, jamais aucun n’a déçu par sa prestation.

Comme le dirait Ian Malcolm…

Régulièrement, la narration en plans fixes de Shuyan Saga est interrompue par des combats en 3D vous ramenant aux heures les plus sombres de notre histoire.

Au sein d’arènes minuscules, Shuyan va frayer avec divers ennemis dupliqués à l’écœurement, sans la moindre notion d’intelligence artificielle.

Ces derniers se contentent d’attendre bien sagement de se faire frapper, ne portant que quelques rares coups à l’envi et, généralement, bien loin de votre personnage. Bien entendu, ces derniers attendent sagement que vous ayez terminé d’en battre un avant de prendre sa place.

De temps en temps, un « boss » fait son apparition, apportant un nouveau gameplay pire encore que le précédent. Il n’est alors plus possible de se déplacer, seulement de porter des coups vers le haut ou vers le bas, mais également de se défendre sur la même logique.

Oui, c’est un chifoumi. À vous de déterminer si votre adversaire va attaquer votre visage pour mieux parer ce coup, avant de décider de porter un assaut à votre tour. Pour les connaisseurs, il s’agit littéralement du gameplay proposé par Final Fantasy VII en 1997 dans l’un de ses mini-jeux.

Et que dire de la maniabilité de votre héroïne ? Elle se déplace comme un camion-benne, sans la moindre grâce, porte ses coups au petit bonheur sans aucun impact, mise en scène ni possibilité de verrouiller ses ennemis. Et dire que Sifu est arrivé sur la même plateforme il y a un peu moins d’un an…

J’aime

L

Certaines planches signées Daxiong

J’aime moins

K

Doublages uniquement en anglais

K

Une Kristin Kreuk totalement dissonante

K

Une intrigue manichéenne et niaise

K

Des phases de Visual Novel sans conséquences

K

Des choix inutiles

K

Un gameplay d’action totalement désuet

K

Aucune sensation durant les affrontements

K

Des combats de boss insipides

K

Une I.A. inexistante