Sang Neuf est une série de cinq comics scénarisés par Ray Fawkes et dessinés par Irène Koh. Publiés aux éditions Dark Horse en 2021 avec le concours de Blizzard, il s’agit d’une adaptation officielle visant à établir un lien entre les deux jeux Overwatch pour enrichir davantage le lore et présenter plusieurs nouveaux protagonistes.

Attention, chaque comic étant relativement court (une vingtaine de pages chacun), il va être particulièrement difficile d’en parler (ou même de vous les montrer) sans spoiler au minimum. Pas d’inquiétude cependant si vous êtes déjà amateur de l’univers du jeu vidéo, car aucune information majeure ni  révélation n’est présente. Et c’est bien là le plus gros problème de cette série…

Initialement, je voulais écrire une chronique par volume. Mais ces derniers sont si vides que chacune aurait été honteusement courte.

La relève

Sang Neuf vous fait suivre les aventures de Cole Cassidy qui, des années après la dissolution d’Overwatch, reçoit une missive d’un certain « séducteur ». Malgré ses obligations, il décide de se rendre au Caire afin d’y retrouver une ancienne amie qui cherche à le convaincre de répondre au rappel de l’organisation, envoyé par Winston.

Le premier tome sur 5 comporte 23 pages, couverture incluse (comme la quasi-intégralité de la collection) et se concentre autour de deux personnages importants de l’univers : Cassidy et Ana.

Et si les premières pages laissent espérer beaucoup quant à la suite, la désillusion arrive malheureusement rapidement. N’espérez certainement pas un quelconque développement scénaristique approfondi, ni même un enrichissement du lore des personnages mis en scène. Ces derniers ne sont qu’évoqués, échangent des banalités avant de se battre mollement contre des sbires de la Griffe, tout aussi anecdotiques.

Cette problématique, vous la retrouverez dans la quasi-intégralité des comics de la série : eu égard de la taille de ces derniers, l’intrigue est une belle grande ligne droite sans le moindre petit embranchement ni enjeux; et se contente d’aller d’un point A à un point B.

Pour expliciter un peu plus l’histoire de ce premier volume, vous y retrouvez Cassidy qui va à la rencontre d’Ana. Cette dernière va le convaincre d’un claquement de doigt de reprendre du service au sein d’Overwatch ; et même de partir fonder une nouvelle équipe en recrutant des membres. Rien n’y est expliqué : ni les raisons de la dissolution de l’équipe, ni qui sont réellement les protagonistes, ni ce qu’est « La Griffe », pourtant introduite comme menace principale dès les premières pages.

Et bien entendu, l’ensemble de l’aventure se déroule sans grands enjeux ni tension. Tout le monde sait que les personnages survivent. Et comme les événements se déroulent juste avant Overwatch 2, aucun ne peut être ne serait-ce que blessé. Pourtant, il y aurait eu matière ; notamment via des personnages secondaires moins importants… mais non. Tout va trop vite et se destine avant tout à un public déjà connaisseur du lore et de l’intrigue principale… ce qui est paradoxal, puisque ces derniers ne vont littéralement rien apprendre en lisant cette série.

Quatre volumes en dent de scie

Une fois la désillusion du premier volume passée, les quatre suivants sont là pour tenter de relever le niveau. Et si le premier est une sorte de prologue mettant en place la situation initiale, les suivants se concentrent chacun autour d’un personnage emblématique de l’univers du jeu vidéo.

Le second volume se focalise sur le personnage de Pharah, toujours au Caire. Ana enjoint Cassidy de tout faire pour la recruter au sein d’Overwatch. Vous découvrez donc l’héroïne au sein de sa compagnie, le Helix, qu’elle a fondée afin de rendre la ville sûre et sécurisée, d’en faire un havre de paix. Un premier choix intéressant et logique, d’autant qu’il permet de se concentrer sur le background de cette dernière tout en étoffant celui d’Ana (sa mère, pour ceux qui l’ignorent). Au cours de ces quelques 20 pages particulièrement scénarisées avec soin, vous allez en apprendre plus. Excessivement bien écrit, ce dernier parvient sans peine à étayer la relation entre les deux, leurs inimitiés et ressentiments, remords et regrets. En résulte une histoire particulièrement touchante et vraiment agréable à lire, sans doute l’un des meilleurs de cette série, mais qui aurait clairement mérité un développement plus important au sein d’un tome conséquent.

Cassidy décide ensuite de se rendre en Russie. En chemin cependant, il est obligé de faire escale à Bucarest, en Roumanie, car il se sait suivi par la Griffe. C’est là qu’il fait face à un certain Jean-Baptiste, disant avoir trahi l’organisation criminelle et cherchant à rejoindre Overwatch. Contrairement au précédent volume, on sent clairement ici le manque d’inspiration et d’implication des scénaristes; qui se contentent de vous livrer une histoire banale et clichée à l’extrême s’étirant avec difficulté sur la vingtaine de pages. Baptiste est totalement survolé au profit d’une intrigue faite de combats très peu intéressants; et le comics se termine en queue de poisson avec une facilité scénaristique tout simplement scandaleuse.

Pour le quatrième volume, Cassidy arrive à sa destination initiale, soit en Russie, où il va faire la rencontre d’Aleksandra Zayanova, alias Zarya. Bien mieux écrit que le précédent, ce tome vous fait directement suivre l’héroïne plutôt que Cole, permettant ainsi de mieux cerner sa personnalité. Soldate engagée dans la guerre éternelle contre les Omniaques sur le front russe, Zarya y est déjà vue comme une héroïne, une force de la nature prête à tout sacrifier pour défendre les siens et son peuple. Particulièrement iconisée dans les différents plans qui la mettent en avant lors de ses actes de bravoure, les auteurs n’oublient pas pour autant de l’humaniser. Un excellent volume, au niveau du second, mais qui tranche drastiquement avec le précédent.

La série Sang Neuf se termine enfin sur un événement censé faire la liaison directe avec Overwatch 2 : l’attaque du Secteur Zéro, à Paris. Contrairement à ce que l’on aurait pu attendre cependant, ce dernier volume vous emmène… en Corée du Sud, au sein de la base de Busan, à la rencontre de D.VA et de ses compagnons (D.MON, Casino, King et Overlord). D.VA tente de convaincre ses équipiers d’entrer en contact avec Overwatch, afin que l’escouade MEKA puisse leur porter assistance. Malheureusement, l’organisation ayant été déclarée hors la loi, sa hiérarchie lui interdit. Bien entendu, les Omniaques vont attaquer et tenter de prendre la ville. L’escouade MEKA, pratiquement à terre, se fait sauver in extremis par la nouvelle équipe d’Overwatch formée jusqu’à présent. Un tome très succinct qui justifie simplement l’ajout de la pilote coréenne au sein de l’équipe, sans plus insister sur son histoire personnelle ni ses motivations. À dire vrai, D.VA fait littéralement acte de présence, voire office de PNJ, sans briller d’une quelconque manière ni être iconisée comme Zarya ou Pharah. Un traitement un peu décevant, et qui n’apprend rien du tout sur cette dernière ni sur son escouade ; et encore moins sur la menace Omniaque.

La partie purement scénaristique de cette anthologie de 5 volumes s’avère donc particulièrement décevante. Ne prenant jamais le temps de respirer ni de poser ses situations; vous suivez simplement la création d’une équipe au sein d’une histoire fort mal pensée et composée d’énormes facilités inexcusables. Le lore particulièrement riche d’Overwatch n’est que survolé et jamais traité avec le soin qu’il mérite, uniquement dans l’optique de se concentrer sur la formation d’une équipe qui n’intéresse, en majorité, que peu les auteurs. En résulte une série brouillonne et oubliable.

L’Art du comics à son sommet

Malgré tout, il serait difficile de ne pas reconnaître le talent de Ray Fawkes et d’Irène Koh, qui parviennent ensemble à donner vie aux héros précités en les iconisant au maximum au sein de planches réellement impactantes.

Pensée pour les fans d’Overwatch avant tout, cette série fait la part belle aux techniques et capacités phares des héros qui parleront aux connaisseurs. Niveau mise en scène, la découpe des cases se montre particulièrement dynamique et n’hésite pas à quelques facéties ; comme s’étendre sur l’intégralité de la page en rognant au maximum les bords. Une mise en page particulièrement inspirée qui sert clairement le récit en lui donnant un dynamisme vraiment plaisant.

Graphiquement, vous retrouvez la plume d’Irène Koh qui parvient à donner corps à l’intégralité des protagonistes avec une justesse qui frise la perfection. Que ce soit en termes de poses, de dynamiques de mouvement ou simplement de postures ; il est difficile de ne pas immédiatement comprendre avoir affaire à des fans du jeu qui cherchent un nouveau moyen d’expression pour donner vie et honneur à leurs personnages favoris.

J’aime

L

Les volumes 2 et 4

L

Très belle direction artistique

L

Un grand respect des protagonistes

J’aime moins

K

N'approfondit jamais le lore

K

Beaucoup trop court

K

Expédie toutes les situations sans les développer