Créé en 2018 par Bret Robbins (Dead Space, Call of Duty WWII) et d’autres vétérans de l’industrie ; le studio Ascendant a sorti ce 22 août 2023 son tout premier jeu. Baptisé Immortals of Aveum, ce dernier a pour ambition de proposer une approche originale du FPS en remplaçant les armes traditionnelles par de la magie.
Loin d’être une société indépendante traditionnelle, Ascendant vise le marché du triple A avec des moyens dignes des plus grands. Il est temps de juger les qualités (et surtout les défauts) de leur toute première production.
Editeur(s)
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Electronic Arts |
Sortie France
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22 août 2023
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PEGI
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+16 ans
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Liens | Site Officiel |
Support de test | Xbox Series |
Jack et le haricot (ou plutôt le fusil) magique
Dans Immortals of Aveum, vous incarnez Jack, un jeune homme plein de ressources, beau garçon et à l’humour décapant (oui, un héros de jeu vidéo standard comme il en existe des milliards) ; vivant pauvrement à Seren, une cité en ruine construite au-dessus d’une immense faille.
Lui et Luna sont les plus âgés d’une fratrie adoptée, composée de trois autres enfants des rues, orphelins et abandonnés. Ensemble, ils survivent comme ils le peuvent, pauvres mais heureux, dans cet endroit sans lendemain. Oh, et cliché oblige, nos deux protagonistes sont des voleurs au grand cœur.
À l’autre bout du pays, la Guerre Éternelle continue de faire rage. Toutes les factions du monde d’Aveum se livrent à ce conflit perpétuel avec un seul objectif : dominer le monde (pour les méchants), ou se protéger (du côté des gentils) ; sans que personne ne se soucie de cette immense faille qui lacère le monde et qui continue de croître.
Seren se trouve à la limite du royaume de Lucium, actuellement en conflit avec les méchants (Rasharn). Et la guerre n’est pas vraiment à son avantage. Le vilain-pas-beau en chef Sandrakk désire tuer tout le monde pour imposer son règne de terreur et de domination. D’ailleurs, il est tellement méchant qu’il a baptisé son armée les « Lames Sombres ».
Mais Lucium refuse de céder. Lui abrite les gentils et « l’armée de la lumière ». Au début de l’aventure, vous apprenez que Luna veut rejoindre le camp du bien pour vaincre l’axe du mal. Parce que les méchants, ce n’est pas gentil et qu’elle ; bah elle est gentille et qu’elle n’aime pas les méchants. Et en plus, c’est son anniversaire.
Mais l’un des PNJ random qui sert de famille aux héros s’est fait saigner la chemise en voulant apporter un cadeau à Luna. Et Luna, elle est très triste qu’il ait bobo à la chemise. Alors elle et Jack vont aller dans la maison d’un méchant riche, pour lui voler des médicaments. Parce que le méchant riche, il ne veut pas partager pour aider les gentils pauvres. C’est normal. Il est méchant. Parce qu’il est riche. Mais il n’est pas aussi méchant que les Lames Sombres, hein. C’est un… gentil méchant. Ou un méchant gentil, selon votre point de vue.
Mais patatras ! Les vrais méchants de Rasharn attaquent la ville ! Et comme ils sont très, très, très, très méchants, ils tuent les orphelins avec leur gros canon magique. Et Luna, elle est triste. Alors elle va attaquer l’un des chefs des méchants toute seule. Mais elle perd, et elle tombe dans un trou. Est-elle morte ? Bien sûr. On l’a vue tomber. Dans un trou. Il n’y a aucun doute là-dessus. Même que le jeu, il nous met une scène au ralenti pour bien nous montrer qu’elle est tombée. Et donc qu’elle est morte et n’a BIEN ENTENDU rien à voir avec LA SEULE méchante totalement masquée qui épargne le héros à plusieurs reprises. Clin d’œil, clin d’œil.
Alors Jack, maintenant, il est tout seul. Et il est en colère. Et quand Jack est en colère, ses tatouages brillent et il se transforme en super guerrier de l’espace. Il fait « piou piou piou piou » avec de la magie, et décime tout seul toute l’armée des méchants grâce à la force de l’amitié des gentils.
Bon, c’est sans doute aussi insupportable pour vous que pour moi, je vais donc couper court à ce carnage.
Immortals of Aveum a été écrit par un enfant de dix ans, ou par un scénariste qui n’a jamais pris le temps de comprendre que composer une intrigue riche et profonde, c’est un vrai métier.
Débordant de poncifs maintes fois éculés, réunissant tous les clichés possibles et imaginables, usant jusqu’à l’écœurement de twists qui devraient être interdits par la convention de Genève ; le premier titre du studio Ascendant est un calvaire qu’il est difficile de s’infliger en gardant son calme.
Se voulant particulièrement cinématographique, il vous impose, de plus, son intrigue vaseuse et manichéenne lors de longues séquences mises en scène de la manière la plus banale qui soit.
Sans la moindre originalité, il se prend trop au sérieux pour être agréable. Digne des pires navets, le scénario est une plaie béante qu’il est difficile de refermer, d’accepter, de digérer.
Immortals of Aveum est un exemple auquel il faut jouer, ne serait-ce que pour son scénario. Surtout si vous-même avez des prétentions à, un jour ou l’autre, vouloir écrire. Il cumule à lui seul toutes les erreurs possibles et imaginables dans la rédaction d’une histoire. Et ça, c’est un bel exploit.
La couleur de la Magie
Donc… Reprenons ce test avec un peu plus de sérieux. Dans Immortals of Aveum, vous incarnez un « Triarque », c’est-à-dire un être capable d’utiliser tous les types de magie existants. Et ces derniers sont peu nombreux, ce qui fait de Jack un être exceptionnel voué à un grand destin.
Au nombre de trois, ces magies sont symbolisées par des couleurs différentes : verte (pour la vie et la mort), rouge (pour le feu et le chaos) et bleue (la force).
Si l’on était en droit de s’attendre à un système de résistances et de faiblesses concernant ce triangle de magie (à l’instar de ce qui se fait depuis des décennies maintenant dans les Fire Emblem par exemple), ce n’est pas le cas.
Les différents sortilèges infligent le même nombre de dégâts, quelle que soit la cible. Il s’agit plutôt de sélectionner celui qui est le plus approprié à une situation donnée. Notez que ces magies colorées servent également pour résoudre des puzzles excessivement simples, ou pour actionner des mécanismes.
Bien entendu, vous allez gagner de l’expérience en terrassant vos adversaires tout au long de votre aventure. Cette expérience ne fait pas réellement « monter de niveau », mais débloque un point de talent par palier, à dépenser parmi les trois arbres distincts (un par couleur de magie).
Avoir un regard éclairé sur ce que vous préférez est donc important pour augmenter la magie souhaitée en priorité. Par exemple, se spécialiser en vert vous permet très rapidement d’augmenter drastiquement l’utilité de l’esquive, là où le rouge augmente votre puissance destructive.
Immortals of Aveum dispose donc d’un système de magie plutôt bien pensé, mais qui aurait pu aller plus loin.
Un héritage bien trop visible
Il est rare de voir un ancien cuisinier qui a travaillé pendant 20 ans dans un restaurant spécialisé en viande rouge ouvrir un bistrot végan. Et si d’aventure c’est bien le cas, les probabilités que ce dernier mitonne d’une manière similaire à celle de son ancien job sont assez élevées…
Derrière cette métaphore culinaire se dissimule un constat : Immortals of Aveum est un Call of Duty avec de la magie. On y retrouve tous les poncifs de la série phare d’Electronic Arts, jusque dans des détails pas forcément utiles pour l’immersion et la cohérence diégétique de l’œuvre.
Particulièrement visible dans le gameplay, vous serez sans doute rapidement surpris par une prise en main certes intuitive, mais qui semble héritée d’un autre style de jeu. Surtout si vous avez connu des titres au concept peu ou prou similaire, comme HeXen en son temps.
Dans Immortals of Aveum, comme dans la grande majorité des jeux de tir à la première personne modernes, votre héros ouvre le feu avec la gâchette droite, vise à l’aide du stick droit, se déplace avec le stick gauche… et recharge avec X.
Oui, oui. Jack recharge les munitions de sa magie. Certes, le jeu tente maladroitement de justifier cela durant un didacticiel relativement pauvre via une simple indication « appuyez sur X pour recharger le mana de votre gantelet » ; mais ce dernier arrive bien trop tard. À ce moment-là, vous avez déjà terminé une séquence d’introduction bien longue, dans laquelle vous avez pu utiliser votre magie sans ce fameux gantelet… tout en « rechargeant » malgré tout.
Pour faire court, Ascendant Studio a repris tout ce qui faisait le succès des FPS modernes, et a simplement remplacé le mot « arme » par « magie » ou « mana ». Et voilà. Vous avez un jeu totalement différent, unique et novateur… ou pas.
D’autres fonctionnalités viennent agrémenter le gameplay, afin de donner une illusion de nouveauté. Comme une esquive (soumise à une recharge), un bouclier ou encore une attaque au corps-à-corps « magique ».
En tant que Triarque, Jack peut maîtriser les trois types de magie afin de développer au maximum son « arsenal ». Vous débutez votre aventure, uniquement équipé du sort bleu « tir chargé ». Mais rapidement, vous allez récupérer votre premier sort rouge : « souffle écarlate ». Ce dernier « inflige de lourds dégâts à courte portée », mais a un nombre de munitions limité. Oui, c’est un fusil à pompe. Un fusil à pompe… magique.
Pour le reste, la maniabilité est vraiment très classique : vous vous soignez avec la croix directionnelle gauche, vous changez d’arme avec Y… En bref, si vous avez touché à n’importe quel Call of Duty ces quinze dernières années, vous ne serez guère perdu.
Et c’est sans doute là, tant à la fois la plus grande force et faiblesse du titre. On ne peut certes que saluer l’idée de reprendre les poncifs d’un gameplay connu d’une majorité de joueurs, afin de simplifier la prise en main au maximum et, de fait, rendre le jeu accessible au plus grand nombre… Mais en contrepartie, Immortals of Aveum ne surprend jamais.
En fin de compte, tout au long de l’intrigue, le joueur aura continuellement le sentiment… de jouer à un Call of Duty magique.
L’autre gros souci du titre vient indubitablement du nombre de sortilèges à votre disposition. Les équipes d’Ascendant Studio ont en effet cherché à diversifier au maximum l’expérience via de nombreuses fonctionnalités… en omettant complètement de calculer le nombre de boutons disponibles sur une manette !
Ainsi, toutes les combinaisons de touches possibles et imaginables sont mises à contribution… Et comme si cela ne suffisait pas, certaines sollicitent le même bouton !
La pire idée du titre vient du fait de mapper sur « maintenir X » deux éléments essentiels : interagir avec les objets (ouvrir des portes ou des coffres par exemple) et… l’utilisation des pierres de mana. Ces dernières, relativement peu nombreuses et particulièrement utiles, sont à consommer avec la plus grande parcimonie.
Vous l’aurez compris : il n’est pas rare de vouloir ouvrir une porte mais, pour une raison ou une autre, d’utiliser en lieu et place une de vos précieuses pierres de mana.
Il est assez difficile d’expliquer pourquoi cela interfère si souvent, mais pour aller au plus simple, disons que lorsque vous maintenez X pour ouvrir une porte, si d’aventure vous échouez (en reculant par exemple pour éviter un tir ennemi, ou simplement parce que vous n’avez pas maintenu assez longtemps) il faut attendre deux (très) longues secondes avant de pouvoir recommencer. Durant ce laps de temps, vous allez consommer une pierre de mana.
Croyez-moi, c’est fréquent. Très fréquent. Trop fréquent pour que les développeurs soient passés à côté de cette problématique sans s’en rendre compte… À moins, bien entendu, que les phases de test ne se soient contentées de la version PC et d’une prise en main au clavier / souris, sans même prendre la peine de vérifier si la maniabilité à la manette était bonne.
Je ne vois aucune autre explication logique à ces décisions saugrenues, qui sabotent le jeu sur consoles. Et comme Immortals of Aveum demeure malgré tout un bon titre, pétri de l’envie de bien faire ; en conséquence, il n’est (est-il utile de le préciser ?) pas possible de remapper manuellement l’attribution des boutons…
Hit the road, Jack
Votre héros va, bien entendu, pour les besoins du « scénario », voyager à travers le monde. Ici, pas d’open world (comme on aurait pu s’y attendre), mais une succession de zones reliées entre elles de manière plutôt intelligente, entrecoupées de missions couloirs.
Les phases hors missions principales permettent d’explorer quelque peu les environnements très variés d’Aveum, de découvrir des zones secrètes ou des défis. Ces passages, très agréables, constituent l’intérêt principal du titre. Plus calmes, ces moments sont également idéaux pour expérimenter simplement diverses combinaisons, améliorer vos équipements à la forge ou encore vous balader.
Lors des missions principales, le côté « Call of Duty » reprend drastiquement ses droits. Ultra scriptées, pétaradantes dans tous les sens, ces phases plairont incontestablement aux amateurs de la licence phare d’EA.
Reste tout de même à faire un point sur la technique. Immortals of Aveum est, à l’échelle des triples A, en bas du panier. S’il ne souffre d’aucun bug ni de la moindre chute de FPS, vous ne pourrez que vous étonner du manque de soin apporté aux textures ou aux divers protagonistes avec lesquels vous interagirez.
Relativement statiques, cernés d’aliasing, ces derniers sombrent très vite dans l’Uncanny Valley dès qu’ils ouvrent la bouche.
Graphiquement, ce n’est guère mieux. Le jeu est certes beau, mais pour un triple A de cette envergure, il fait pâle figure face aux mastodontes qui l’entourent, surtout en ce moment.
Enfin, un point VF s’impose. Entièrement doublé en français, le jeu dispose d’un casting vocal convaincant et impliqué. Un gros plus.
Je ne peux également que saluer les nombreuses options d’accessibilité ajoutées au titre : tremblements de caméra, balancement, taille des sous-titres et mode daltonisme.