Gothic Classic est le remaster du tout premier jeu des développeurs allemands de chez Piranha Bytes. Initialement sorti en 2001 en exclusivité sur PC, le titre avait pour ambition de révolutionner le jeu de rôle moderne… et il l’a fait. D’une manière que bon nombre d’entre vous n’imaginent même pas.

C’est bien simple, sans Gothic, nous n’aurions sans doute jamais eu la vague des Open World qui a cherché à égaler sa superbe sans jamais y parvenir. Two Worlds, Les Royaumes d’Amalur, Dragon’s Dogma… sans compter même sur les titres suivants de l’entreprise.

Car non content de leur succès, l’équipe a continué à enchaîner les suites d’exception avec Gothic 2 et 3, avant de créer une nouvelle série : Risen puis, enfin, Elex. Si pour beaucoup chacun de ces titres est anecdotique ; ils sont pour mon petit cœur de gamer synonyme systématiquement de chef-d’œuvre révolutionnaire, ayant permis au genre tout entier de faire des bonds de géants dans le médium via des propositions systématiquement originales et diablement novatrices.

Aujourd’hui j’ai l’honneur, à l’occasion de la ressortie de ce classique indémodable sur Nintendo Switch, de pouvoir vous en livrer un test complet. Espérons seulement que ce portage soit à la hauteur de la superbe de la licence.

Une intrigue très classique

Gothic Classic vous met dans la peau d’un héros anonyme qu’il n’est pas possible de personnaliser. Ce dernier est envoyé au sein de la Colonie, un complexe minier composé d’anciens bagnards s’étant soulevés contre les autorités pour prendre leur indépendance.

Vous êtes accueillis par Diego, un homme bourru et endurci par une vie de labeur et de combats. Ce dernier vous explique la situation ainsi que quelques bases du scénario avant de, à l’image de ce que vous retrouverez dans les prochains jeux de la firme, vous laissez totalement libre.

Les faits sont simples : dans sa guerre éternelle contre les Orcs, le roi Rhobart II de Myrtana a créé une colonie minière afin d’extraire des quantités importantes de fer, nécessaire pour forger armes et armures afin de soutenir le conflit.

Pour éviter une quelconque forme d’insurrection populaire, Rhobart II pensait avoir trouvé l’idée parfaite : tous les condamnés, quelque soit leur crime, devraient purger leur peine en faisant des travaux forcés dans le complexe. Pour éviter toute tentative de fuite, il a également demandé aux mages d’ériger une sorte de dôme protecteur autour de la colonie.

Malheureusement, à la suite d’une erreur dans le processus, la barrière ne fonctionna pas correctement. S’il est toujours possible d’entrer dans la Colonie, quiconque tente d’en sortir… meurt. Bien entendu, les prisonniers désormais condamnés à perpétuité dans cet endroit se sont rebellés et sont parvenus à prendre la tête de la Colonie.

Pour ne rien arranger à la situation, trois camps distincts se sont formés parmi les prisonniers : le Vieux Camp a choisi de négocier avec le roi et de continuer le travail en échange de vêtements, objets et vivres ; le Nouveau Camp est plutôt du genre rebelle ; et le troisième… composé de fanatiques.

C’est dans ce contexte excessivement tendu que vous avez été envoyé dans la colonie, pour un crime qui restera inconnu durant l’ensemble du titre. Mais avant d’entrer, un mage vous a remis une missive à remettre au Cercle des Magiciens du Feu.

Comme dans l’intégralité des jeux de la firme, Gothic Classic vous propose une expérience immersive et totalement libre. Outre cette base scénaristique, c’est à vous d’écrire votre histoire et de parvenir à démêler les (nombreux) fils narratifs afin d’en atteindre la conclusion.

Quel camp allez-vous rejoindre ? Parviendrez-vous à accomplir les quêtes nécessaires à gagner la confiance des locaux, ou plutôt tenter de passer par la force ?

S’il ne faut pas vous attendre à la profondeur scénaristique des opus suivants de la série (ni des jeux plus récents de la firme), Gothic Classic sait tenir le joueur en haleine en proposant cette immense liberté d’exploration, de même que ces embranchements narratifs uniques qui ont forgé la légende du studio.

Oui, tout ce qui fait le sel des productions plus récentes de Piranha Bytes est bel et bien présent. En cela, le jeu demeure une expérience riche et plaisante en 2023. De plus, les amateurs de la firme seront ravis de découvrir l’origine de personnages récurrents, tels que Lee, Diego, Gorn, Milten ou encore Xardas.

Malgré l’âge du titre, vous serez agréablement surpris par une écriture de qualité (et en français), des dialogues entièrement doublés et bon nombre d’options très originales qui viendront émailler votre aventure. Dommage qu’il s’agisse là du portage de la version internationale, vous empêchant de découvrir le concert exclusif du groupe de métal In Extremo, enregistré à l’époque uniquement sur les versions allemandes du titre.

Ou est ma souris à boule ?

À l’époque, les deux premiers Gothic ont été chaleureusement accueillis par la presse autant que par les joueurs… du moins, parmi ceux qui pouvaient se permettre de les faire tourner. Car oui, les spécificités nécessaires pour ne serait-ce que lancer ces titres étaient tout simplement monstrueuses.

Petit moment de nostalgie, je me souviens avoir été à l’époque particulièrement chagriné de ne pouvoir lancer le troisième, à cause d’un ordinateur trop ancien ; et n’avoir découvert les deux premiers que des années plus tard, lorsque j’avais enfin à ma disposition un PC suffisamment puissant. Et je ne regrette pas, encore aujourd’hui, d’avoir conservé les jeux dans leur format physique tant ceux-ci sont incroyables.

Pourtant, relancer les deux premiers opus de ces jeux iconiques sur PC est, en 2023, un véritable calvaire. Outre les problèmes de compatibilité, il faut compter sur un gameplay particulièrement éculé, directement inspiré d’Ultima IX (l’un de mes jeux favoris). Eh oui, ne gardons pas le suspense plus longtemps : à l’époque, Gothic se jouait intégralement… à la souris. Vous pouviez ranger votre clavier, même les déplacements de votre héros s’effectuaient avec ce satané mulot.

Quid de cette version « Gothic Classic », donc ? Eh bien, les équipes ont tenté d’adapter ce gameplay atypique de nos jours aux Joy-Cons… avec plus ou moins de succès, il faut l’avouer.

Il est toujours délicat de parler de maniabilité, mais dans ce Gothic Classic, votre héros se déplace comme un camion-benne. Le stick analogique gauche vous permet certes de vous mouvoir, mais avec grande difficulté.

Pour mieux comprendre, il faut assimiler le fait que les appuis gauche et droit font avancer votre personnage tout en le faisant tourner. Si vous souhaitez vous retourner sans avancer, il faut utiliser… le stick droit, qui gère également la caméra verticalement.

Le moindre petit déplacement devient rapidement ingérable, d’autant que les limitations de l’époque ont également été reprises telles quelles, sans une quelconque amélioration ni correction. Ainsi, il est impossible de ramasser quoi que ce soit avec une arme en main, ou encore de simplement interrompre une action tant que l’animation n’est pas totalement achevée.

À l’identique, ne vous attendez pas en combat à pouvoir enchaîner rapidement les coups, ou à déployer votre bouclier / parade sur une durée relativement grande comme c’est habituellement le cas aujourd’hui. Via le bouton Y, votre héros se met en défense pendant quelques petites secondes, avant de revenir à sa position de départ… le tout en subissant bien entendu cette petite latence liée à l’animation.

Il en résulte un jeu particulièrement difficile qui ne fait aucune concession. Et si à l’époque il était commun de se heurter à ce genre de titre ; en 2023, l’apprécier à sa juste valeur est bien plus délicat, il faut le reconnaître.

Jeu Piranha Bytes oblige, Gothic Classic mise plus sur son ambiance, son exploration et la liberté de son action que sur ses combats. Ne vous attendez donc pas à enchaîner les affrontements avec maestria ; mais plutôt à les redouter et à chercher à les éviter le plus possible.

Pour tenter de singer le système de l’époque, les équipes de développement ont tenté sur cette version Switch de vous proposer deux « sets » d’armes différents. Le premier s’équipe avec ZL, l’autre avec ZR. Ensuite, vous attaquez avec A et rangez avec X. Du très classique, donc, qui se comprend aisément.

Jeu de rôle oblige, vous allez glaner au gré de vos pérégrinations divers points d’expérience. À chaque montée de niveau, un point de compétence vous est octroyé. Pour les utiliser cependant, il est nécessaire d’aller à la rencontre d’un maître de compétence. Un système peu ou prou identique à celui des jeux suivants, et qui ne dépaysera pas les joueurs de Risen et d’autres Elex.

Un portage un peu trop « classic »… ?

Il faut reconnaître à ce Gothic Classic une certaine dose de nostalgie… mais pas forcément dans son acception la plus positive. Certes, il est logique que cette version Switch soit un simple portage du jeu initialement sorti en 2001, eu égard des capacités limitées de la machine et du prochain remake à paraître.

Cependant, l’équipe aurait pu, à minima, chercher à améliorer ce titre culte afin de faire profiter de l’expérience dans des conditions optimales. Car en l’état, ce Gothic Classic n’est clairement à conseiller qu’à ceux ayant déjà connu l’opus de base à l’époque ; et qui souhaitent revivre cette aventure exceptionnelle sur un support moderne (et, de surcroît, portable). Pour eux, la claque est au rendez-vous, et le plaisir inégalé. J’en fais bien entendu partie, d’où la note finale de ce test.

Pour tous les autres, la déception risque d’être particulièrement grande. Nonobstant les problèmes déjà cités plus haut, vous constatez rapidement que le « travail » effectué pour adapter le jeu sur ce support moderne s’est limité à… écraser la résolution, pour mieux la faire coller aux standards actuels.

Oui, un peu comme quand vous regardez une série pensée au format 4:3 sur un écran 4k dans un mode « plein écran ». L’image est ratatinée, les proportions étranges. Et tout ceci saute aux yeux dès l’écran d’accueil, sans même avoir encore atteint la cinématique d’introduction…

Cette dernière est, d’ailleurs, sans nul doute la plus grande marouflerie de l’histoire. Uniquement disponible en anglais, sans le moindre petit sous-titre… et en 360p. Pourtant, en 2001, cette dernière existait sur le CD du jeu en allemand, russe et espagnol (et avec textes en français). Le pire étant qu’il est possible de trouver, en quelques clics sur internet, cette fameuse cinématique upscalée en 720p par des fans. Il est particulièrement délicat, de fait, de pardonner cette errance sans fondement qui gâche totalement le plaisir de la découverte de cet univers si riche.

À l’identique, rien n’a été fait pour une fois en jeu pour sublimer le moteur, ni rendre le titre plus agréable à la rétine. Certes, c’est un portage… mais un minimum d’effort aurait pu rendre le jeu mille fois plus agréable pour ceux qui n’ont pas eu la chance de s’y plonger il y a plus de 20 ans.

Graphiquement, il semble de fait tout droit sortir de l’âge sombre de la 3D (ce qui est le cas), sans la moindre animation faciale et avec des modèles polygonaux à l’extrême. Les textures bavent, aliasent ; les décors sont particulièrement vides… en bref, le titre vient clairement d’une époque révolue et difficilement acceptable en 2023, même sur Nintendo Switch.

Certes, de nouveau, vous êtes devant un portage qui n’est clairement pas à destination du plus grand nombre… mais un minimum d’effort aurait pu être fait pour rendre l’expérience bien plus agréable au plus grand nombre.

J’aime

L

Le retour de Gothic

L

Un morceau d'histoire enfin accessible sur des supports modernes

L

Une grande liberté d'actions

L

En français !

L

Une aventure vraiment intense, riche et bien écrite

J’aime moins

K

Un simple portage, sans plus de travail

K

Des cinématiques en 360p sans sous-titres

K

Une maniabilité...délicate