Test de Farrel

     Meet Your Maker est la toute dernière production du studio Behaviour Interactive, une entreprise de développement canadienne qui se qualifie toujours d’indépendante malgré ses 1 200 employés ; mais qui a, il est vrai, conservé son autonomie.

     Notamment connu pour le célèbre Dead By Daylight, il prend le pari de sortir un tout nouveau titre n’ayant peu ou prou rien à voir avec sa plus importante production (qui accuse déjà quelque six années d’existence et continue à avoir autant de succès).

     Sorti le 4 Avril 2023, Meet Your Maker est donc un jeu multijoueur en ligne (disposant également d’un « mode » solo) proposant une expérience très originale. Un investissement indubitablement osé et risqué ; mais finit-il par payer ? C’est ce que je vous propose de découvrir tout de suite.

La diégèse, c’est bien aussi

      Meet Your Maker vous propose d’incarner un gardien, entité immortelle reprenant vie dans un monde postapocalyptique au sein d’une forteresse abritant une créature singulièrement glauque capable de mettre au point un antidote au virus qui ravage le monde.

      Pour ce faire, votre Gardien devra piller la plus précieuse ressource de ce monde

décati : le GenMat. Cette substance est en réalité l’ADN de cadavres immunisés à l’infection qui a causé la destruction du monde. Car en injectant suffisamment de cette ressource à la Chimère qui vous guide, cette dernière sera capable de synthétiser un vaccin…

      Extrêmement rare cependant, cette dernière est précieusement gardée dans des avant-postes construits par d’autres gardiens ayant le même objectif. Le vôtre est donc très logiquement de piller cesdits avant-postes, puis de mettre à l’abri le génome le temps que votre acolyte monstrueux, sobrement nommé « la Chimère », réalise son objectif.

      Premier constat particulièrement affligeant : scénaristiquement Meet You Maker tient plus du canard boiteux que du chef-d’œuvre littéraire. L’intégralité de l’intrigue vous est narrée via une cinématique, certes relativement bien mise en scène (et doublée en français) ; mais également terriblement bancale.

      Sans aucune cohérence scénaristique, le titre se perd dans des circonvolutions faussement philosophiques pour tenter vainement de justifier son avarie de profondeur. Pourquoi les gardiens ne mettent-ils pas en commun le GenMat afin d’accélérer le salut du monde ? Pourquoi cette ressource si précieuse doit-elle être protégée dans des avant-postes et non au sein de la forteresse imprenable qui vous sert de QG ? Tout cela et plus encore n’a que peu d’importance. Vous êtes venus ici pour souffrir, OK ?!

      Le pire étant que régulièrement, au gré de dialogues aléatoires avec les PNJ qui vous servent d’acolytes, des éléments d’intrigue vous seront distillés avec la plus grande parcimonie… Tout en complexifiant encore le scénario, sans pour autant le rendre cohérent !

      Ainsi apprenez-vous par hasard que d’autres gardiens seraient « passés à l’ennemi », raison pour laquelle vous devez piller leurs avant-postes. Mais, vu que cesdits gardiens sont en réalité d’autres joueurs qui eux-mêmes tentent de piller le vôtre, cela ne fait-il pas de vous également… un ennemi de l’humanité ?

      Le propos est lénifiant, cherchant vainement à endormir tout substrat de réalisme et

de cohérence diégétique.

      Comprenons-nous bien : je n’ai rien contre l’absence volontaire de scénario. Doom, dans sa version 2016, dispose toujours selon moi de l’une des meilleures intrigues et mise en abyme du petit monde du FPS. Mais dans sa veulerie narrative, le jeu d’ID Software avait au moins la décence de justifier sa quasi-inanité scénaristique.

      Ici, tout au contraire, Meet Your Maker se veut profond en nous livrant un récit qui s’essouffle lamentablement au bout de quelques minutes à peine… Et, comble de la supercherie, n’essaie pas même de vous renseigner sur les termes censés vous permettre de comprendre et d’intégrer les enjeux qui, pourtant, sont au cœur du gameplay.

      Alors certes, vous pouvez toujours vous consoler en acceptant le contrat tacite du jeu qui n’est autre que d’offrir un divertissement « sans prise de tête ». Mais quiconque, à l’instar de votre serviteur, a besoin de se sentir immergé dans une œuvre pour pleinement en apprécier le contenu ; n’en sera que plus dérangé.

      Mais bien entendu, une fois n’est pas coutume, vous comprenez déjà que si j’insiste autant sur cette partie qui est très loin d’être primaire dans le titre ; c’est tout simplement parce que le reste est réellement exceptionnel.

Doom By Minecraft

     Cette base étant posée, il est temps de vous présenter en détail le concept très original de Meet Your Maker. Votre Gardien, donc, doit explorer divers avant-postes dans le but de récupérer le précieux GenMat.

     Pour ce faire, vous pouvez choisir différents « niveaux » à la fois générés par l’ordinateur (si vous jouez hors ligne) ou par d’autres joueurs, chacun permettant de

récupérer un GenMat différent nécessaire pour améliorer les capacités de vos acolytes et, de fait, vous offrir plus de possibilités  (comme de nouvelles armes et tenues, pièges, gardes, etc.) ; tout ceci dans le but de piller des avant-postes toujours plus conséquents et, par corollaire, intéressants en termes de butin.

     Lors de ces excursions, il vous est possible de récupérer des matériaux d’amélioration et de construction, ainsi que l’objet de votre convoitise. Une fois ce dernier entre vos mains, il vous faut fuir afin de le rapporter chez vous.

     Ensuite, libre à vous de construire vos propres avant-postes à l’aide des ressources accumulées, en les remplissant de pièges et de gardes afin de protéger le GenMat.

     Premier constat : l’idée de base est incroyablement bonne, novatrice et originale. Il est particulièrement rare et ardu de tester un jeu disposant d’une base de gameplay à la fois neuve et rafraîchissante ; et sur ce point Meet Your Maker est l’exemple même que non, tout n’a pas encore été fait dans l’univers vidéoludique.

     Sans être pour autant une claque, le concept proposé par Behaviour Interactive a le mérite d’être particulièrement neuf, d’autant que les bonnes idées ne s’arrêtent pas là.

     En effet, la partie exploration est très réussie. Votre Gardien, en tant qu’entité immortelle, est également fragile. Le moindre coup ou piège vous tue instantanément, exigeant donc de vous d’être particulièrement attentif.

     Très loin du « fast FPS », Meet Your Maker demande un certain doigté, ainsi que de prendre le temps d’explorer chaque pièce afin d’en découvrir les chausse-trappes et les éléments de décor parfois retors, placés par vos ennemis.

     Pour amplifier cette notion de danger mortel immédiat, vos armes disposent de munitions en quantité ultra limitée, qui doivent être ramassées après utilisation. Ainsi, le fusil de base ne dispose que de deux cartouches, qui restent collées à l’emplacement visé.

     Il faut donc se mettre régulièrement en danger dans l’optique de récupérer ces précieuses munitions, si vous ne souhaitez pas finir l’aventure uniquement armé de votre épée… et de fait, augmenter les risques.

     Certes, dans un souci d’égalité, les différents monstres positionnés sont soumis aux mêmes restrictions que vous, que ce soit en termes de munitions ou de résistance. La majorité d’entre eux peut être défaite en un seul et unique coup. Cependant, ils ont le mérite du nombre à défaut d’une intelligence artificielle convaincante.

     Encore un bon point pour le titre : vous ne remarquerez que peu l’apathie de vos

ennemis, puisque les affrontements durent rarement plus de quelques maigres secondes et se font tous dans des environnements confinés.

     Particulièrement frustrant cependant, Meet Your Maker n’est clairement pas un jeu tout public conçu pour plaire au plus grand nombre. Vous progressez dans chaque niveau au gré de vos multiples trépas, apprenant systématiquement l’emplacement des pièges et des antagonistes, développant des stratégies afin de maîtriser les passages les plus retors.

     Vous n’êtes pour autant pas en présence d’un « Soulborne ». Les sensations sont plus proches d’un Super Meat Boy croisé avec Super Mario Maker, tant le jeu vous demande d’apprendre des séquences par cœur, où chaque petite progression est une gratification en soi ; tout en augmentant en même temps l’angoisse de se faire prendre par défaut et de devoir tout recommencer. Inutile de vous dire que pour quiconque n’est pas averti, les ragequits peuvent s’enchaîner rapidement.

     Même moi qui, d’ordinaire, suis d’un calme olympien lorsque je joue et apprécie particulièrement les titres les plus corsés et retors ; je dois avouer avoir coupé court plusieurs fois.

     Et pourtant, vous y revenez… Au départ, sans réellement comprendre pourquoi. Vous persistez. Vous relancez une partie. Vous mourez. Vous apprenez. Vous recommencez. Et c’est là, la principale force du jeu.

     Particulièrement addictif et généreux, Meet Your Maker insuffle au joueur un sentiment de gratification rapide, où la moindre avancée au sein d’un niveau (et a fortiori sa réussite) apporte une exultation incroyable.

     Dernier point positif sur cette partie : récupérer le GenMat n’est en réalité que la moitié de la progression au sein de l’avant-poste. Car à cet instant, une deuxième vague se déclenche. Il faut donc parcourir le niveau en sens inverse (ou trouver des échappées) tout en esquivant de nouveaux pièges et créatures mises sur votre route.

     Il est important d’insister sur le fait que le choix du gameplay FPS n’est là que pour amplifier le sentiment claustrophobique du titre ; et que ce dernier s’éloigne énormément des canons du genre. Ne vous attendez pas à parcourir les niveaux à toute vitesse en tirant des salves déchaînées. Meet Your Maker est un jeu lent, qui demande de la concentration et du tact.

On va jouer à un jeu

     Une fois le GenMat en votre possession vient, bien entendu, la partie construction d’avant-poste. Comme dit plus haut dans ce test, c’est à l’aide des matériaux récupérés que vous pouvez développer votre propre niveau. Il est, de fait, parfois nécessaire de prendre des risques inconsidérés dans l’optique d’obtenir plus de ressources, afin de pouvoir mieux protéger le précieux génome.

     Cette dernière phase vous permet de laisser libre cours à vos pulsions et de vous transmuer en véritable Jigsaw vidéoludique. Savoir que d’autres joueurs viendront essayer de vous piller ne renforce que l’envie de concevoir et de placer les pièges les plus retors possibles, surtout après avoir passé une heure entière à périr en boucle dans ceux d’un autre.

     Si les pièges en question ne sont (pour l’heure) pas particulièrement nombreux et les possibilités limitées, le potentiel du titre laisse présager le meilleur pour l’avenir ; d’autant qu’en l’état, il est parfaitement possible de créer à loisir l’avant-poste le plus frustrant possible (certaines créations laissent d’ailleurs pantois d’admiration).

     On déplorera peut-être un certain manque de variété dans les décors proposés, ainsi que les limitations dues au peu de gardes et de pièges disponibles. Loin d’être rédhibitoires cependant, ces défauts seront corrigés au gré des futurs patchs et mises à jour déjà annoncés par le studio.

     Cette dernière phase vous permet de laisser libre cours à vos pulsions et de vous transmuer en véritable Jigsaw vidéoludique. Savoir que d’autres joueurs viendront essayer de vous piller ne renforce que l’envie de concevoir et de placer les pièges les plus retors possibles, surtout après avoir passé une heure entière à périr en boucle dans ceux d’un autre.

     Si les pièges en question ne sont (pour l’heure) pas particulièrement nombreux et les possibilités limitées, le potentiel du titre laisse présager le meilleur pour l’avenir ; d’autant qu’en l’état, il est parfaitement possible de créer à loisir l’avant-poste le plus frustrant possible (certaines créations laissent d’ailleurs pantois d’admiration).

     On déplorera peut-être un certain manque de variété dans les décors proposés, ainsi que les limitations dues au peu de gardes et de pièges disponibles. Loin d’être rédhibitoires cependant, ces défauts seront corrigés au gré des futurs patchs et mises à jour déjà annoncés par le studio.

     J’ai été particulièrement surpris par la prise en main de ces phases de construction. S’il est d’ordinaire assez complexe, dans la majorité des Minecraft-like, de placer correctement nos créations ; ici, tout se fait avec une déconcertante facilité. L’aide à la visée est excellente, les raccourcis très pratiques et bien positionnés sur la manette ; et des indications de couleurs viennent régulièrement vous informer si vous créez un niveau impossible.

     La progression dans le titre se focalise d’ailleurs sur cette partie de construction, puisque vos différents avant-postes (vous pouvez en construire jusqu’à 100 différents) gagnent du prestige lorsque vous parvenez à tuer les mécréants qui osent vous défier. En progressant, il devient possible d’agrandir vos niveaux, mais aussi de placer plus de pièges et de gardes.

     Et cette partie est également très utile, puisque vos avant-postes « récolteront » du GenMat tous seuls au gré du temps (même lorsque vous n’êtes pas connecté) ; vous permettant ainsi de mieux progresser et de gagner des bonus sans même avoir besoin de jouer.

Le multijoueur idéal ?

     Que serait un test complet de Meet Your Maker sans évoquer sa partie multi ? Une chose est certaine, l’expérience acquise sur Dead By Daylight a bien servi au studio Behaviour. Ces derniers sont parvenus à un entre-deux particulièrement satisfaisant, pour ne pas dire idéal.

     Commençons par réitérer ce que je disais tantôt : oui, il est tout à fait possible de jouer seul à Meet Your Maker, que ce soit avec ou sans internet. Non, vous ne vous

retrouverez jamais bloqué ni dans l’incapacité de progresser si vous n’avez pas d’amis avec qui partager votre expérience.

     Cependant, je vous recommande très fortement d’avoir a minima une connexion (et un abonnement si vous jouez sur console) afin de profiter au maximum des possibilités offertes par le jeu.

     Car tout le principe, l’ADN de Meet Your Maker, repose sur un environnement de jeu conçu par les joueurs eux-mêmes. Concrètement, et pour synthétiser, si le titre dispose certes de niveaux conçus par l’équipe de développement, ce sont les joueurs qui lui donnent toute sa substance.

     Ainsi, les premiers niveaux vous sembleront rapidement ridicules, une fois que vous vous serez confronté à des bijoux d’ingéniosité et d’inventivité. À l’instar de Mario Maker, oui.

     De plus, vos propres créations seront visitées et notées par la communauté, vous permettant, par là même, de gagner en réputation et en récompense.

     Tout le jeu est bâti autour de cette structure très simple : plus les joueurs avancent, plus les niveaux sont complexes et retors… De fait, plus l’intérêt se renouvelle. Et à la vue de la progression de certains en à peine quelques jours, nul doute que d’ici un an ou deux, Meet Your Maker sera à même de proposer, si le succès est au rendez-vous, une expérience réellement impressionnante.

     Mais quid du « vrai » multi ? Eh bien, si votre volonté est de partir à l’aventure avec vos amis, sachez que oui, c’est tout à fait possible ! Que ce soit lors des pillages ou de la construction, vous pouvez fonder votre petit clan et ainsi permettre à vos amis de jouer et de progresser avec vous, renforçant encore ce sentiment d’unicité contre le reste du monde.

     Certes, il aurait été de bon aloi d’ajouter un PvP (à l’instar de celui de Dark Age of Camelot, dans lequel vous êtes averti lors des tentatives d’invasion afin de défendre vous-même votre forteresse) ; mais en l’état, le titre se dote d’un multijoueur coopératif particulièrement solide et jamais contraignant. Un bel exploit, une fois encore.

J’aime

J’aime moins

L

Un concept original et rafraîchissant

L

Deux types de gameplays maîtrisés

L

La possibilité d’explorer les avant-postes des autres joueurs

L

Un multijoueur particulièrement solide

L

Le plaisir de créer une forteresse imprenable

K

Scénaristiquement décevant

K

Contenu finalement assez pauvre (pièges, gardes, armes et armures) au lancement

K

Peu de diversité dans les décors