Dragon Quest Treasures, le dernier spin-off en date de la célèbre licence de Square Enix, est arrivé sur PC via Steam ce 14 juillet 2023 après une exclusivité temporaire sur Nintendo Switch.

Et si le jeu a été particulièrement bien accueilli à sa sortie, les raisons de son succès me laissent perplexe. Mais peut-être cette nouvelle version vaut-elle le coup de s’y replonger ?

Editeur(s)
Square Enix
Sortie France
14 juil. 2023
PEGI
+7 ans
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Support de test PC

Erik et Mia sont dans un bateau

Spin-off de Dragon Quest XI totalement assumé, cet épisode « Treasures » vous met dans la peau du plus charismatique de tous les pseudo-Végéta : Erik (l’un des héros secondaires de l’épisode principal). Ce voleur au grand cœur vit avec sa sœur Mia sur un drakkar appartenant à une bande de Vikings ayant deux passions dans la vie : la fête et les trésors.

Au retour d’un pillage particulièrement fructueux, ces joyeux lurons décident de se mettre minables à l’hydromel, tandis que votre fratrie se prend des envies de Thelma et Louise en sautant par-dessus bord à la tête d’une barque, bien décidée à ne revenir qu’une fois la frêle embarcation chargée de butin.

En chemin, Mia est prise de pitié par deux créatures capturées par la bande de Ragnar, prisonnières d’une cage attachée au mât. Car qui ne tomberait pas immédiatement sous le charme d’un chat rose à paillettes et d’un cochon vert fluo qui vole ?

N’écoutant que son courage, elle enjoint son frère à s’occuper du sale boulot en faisant tomber la prison, libérant au passage les deux créatures. Mais les Vikings, attirés par le bruit, déboulent toute hache dehors.

Mia et Erik choisissent donc, logiquement, la fuite. Pourquoi ne pas simplement avoir expliqué la situation à leurs amis ? Que comptent-ils faire une fois seuls en mer sans vivres ni eau potable ? Toutes ces questions (et bien d’autres) demeureront bien entendu sans la moindre réponse.

Bref, vos deux comparses débarquent sur une île mystérieuse et y découvrent un temple où les attendent bien sagement deux dagues. L’une est rose, l’autre est bleue… et ça tombe bien, puisque vos héros semblent totalement à l’aise avec l’idée de ne surtout pas bousculer la bienséance sociétale. Tels les Power Rangers qu’ils rêvaient sans doute d’être, chacun s’empare de l’arme de sa couleur et… peut désormais communiquer avec les monstres.

Alors, armes légendaires ou drogue dure ? La question se pose. Vous n’avez guère le temps de vous inquiéter des morceaux de scénario qui semblent vous exploser au visage, que vos nouveaux compagnons ouvrent un portail qui vous aspire ! Erik se sacrifie pour permettre à Mia de rester saine et sauve dans le temple, mais cette dernière n’a visiblement aucune considération pour son geste héroïque et décide de se jeter tête la première à sa suite. Sait-on jamais, des fois que cet étrange vortex invoqué par, on le rappelle, un chat fuchsia et un cochon vert fluo, serait sans danger.

Elle se réveille dans une clairière, entourée de monstres endormis. Il lui faut retrouver son frère, mais sa progression est bloquée par une porte verrouillée d’un énorme cadenas. De l’intérieur. Par chance, la magie du cliché scénaristique est également là, sous la forme d’une gluante rose ayant perdu son précieux trésor.

Mia se lie à elle par le pouvoir de l’amitié, et peut désormais avoir une vision claire de l’emplacement du butin astucieusement enfoui et indiqué par un énorme X rouge. Subtilité, où es-tu ?

Blabla bla, Mia rend le trésor à la gluante, blablabla, elle se retrouve dans un camp de pirates, blablabla, elle va chercher son frère et découvre qu’ils sont tous deux dans un autre monde.

Cette interminable introduction achevée, il est temps de passer au vrai jeu !

Soyons clairs dès à présent : j’aime Dragon Quest. J’ai toujours aimé Dragon Quest. Je préfère même largement Dragon Quest à Final Fantasy. De très, très loin. J’ai fait la quasi-intégralité des opus et des spin-offs, même en VO lorsque ces derniers n’étaient pas encore disponibles en Occident.

La déception est d’autant plus grande que le concept de cet épisode est intéressant. Véritable héritier des Monsters: Joker, Dragon Quest Treasures aurait pu devenir la nouvelle référence d’un genre tout entier… Mais tout est toujours une question de conditionnel et, avec des si, on peut couper du bois. Mais pas faire un bon jeu.

Sans doute aurais-je été moins critique à son égard si ce dernier n’était pas directement issu du meilleur opus de la saga (après le 4, Alina de Zamoksva reste inégalée). Car, et c’est là l’un des principaux écueils que vous ferez au titre : il ne respecte pas du tout l’univers de son épisode d’origine.

Outre concernant les héros, l’univers dans lequel se déroule le jeu n’est pas celui de Dragon Quest XI. Cette préquelle emmène en effet vos héros sur Draconia, un archipel composé de cinq îles volantes elles-mêmes posées sur le dos d’un dragon mort. Ce qu’ils y cherchent ? Les sept pierres… du dragon. Parce qu’ils sont les… enfants du Dragon de la légende.

Dragon, dragon, dragon, dragon. Dragon ? Vous avez dit dragon ? Vous êtes sûr de ne pas vouloir, je ne sais pas… essayer d’être un poil plus original ? Non ? Suis-je bête, il y a « dragon » dans « Dragon Quest ». Il ne faudrait surtout pas perdre le joueur, n’est-ce pas ?

Écrit sur un post-it déchiré un soir de pleine lune lors d’une tempête en hiver la veille d’un départ en vacances, le « scénario » de ce Dragon Quest Treasures est très clairement un prétexte au reste de l’aventure…

Suis-je trop vindicatif à son égard ? Certainement. Ai-je de bonnes raisons à cela ? Oh combien.

Depuis 1986, la saga des Dragon Quest n’a jamais cherché à faire dans le subtil. Dans la première trilogie, vous incarniez le descendant d’Erdrik devant sauver Yore du vil Dragonlord. Simple, basique, clair. Et la majorité des opus suivants ont simplement suivi cette voie, avec quelques variantes.

Et systématiquement, la force des différents opus était bel et bien là : un scénario certes simpliste, mais qui va droit à l’essentiel. Ici, à l’instar de World of Final Fantasy, les auteurs semblent avoir voulu ajouter une surcouche inutile de Lore à un concept diablement simple et qui se suffit à lui-même. La série a toujours su compter de plus sur deux énormes piliers qui la soutiennent depuis ses débuts : une écriture impeccable et un humour bien dosé.

Cette introduction décrite en début de test dure plus d’une heure. Une longue et interminable heure servant à la fois de base à l’intrigue et de tutoriel pour vous apprendre… un gameplay excessivement basique qui se joue avec deux boutons !

Tout ceci, sans exception, aurait pu être remplacé par une simple et courte cinématique. Mais non, il faut encore et toujours plus de complexité pour laisser penser que le titre dispose d’un quelconque semblant de profondeur. Et je suis las, aigri, fatigué de ce genre de mécaniques totalement iniques servant uniquement à gonfler l’ego de trois fans dénués de sens critique.

En bref, Dragon Quest Treasures n’a aucune histoire, aucune intrigue, aucune subtilité ; mais fais tout son possible pour vous y faire croire.

Rendez-nous Monsters: Joker…

Une fois cette déception passée, peut-être que le reste du titre parvient à hisser l’opus vers les sommets ? Non. Inutile de tourner autour du pot, Dragon Quest Treasures est un échec total, cuisant. Un ramassis de bonnes idées réalisées à la va-vite, un travail bâclé qui mise sur le nom de la licence et les 5.6 millions de ventes du dernier opus pour glaner quelques deniers de plus.

Certes, c’est de plus en plus ce à quoi nous habitue Square Enix… mais là, il est particulièrement difficile d’excuser à l’entreprise un tel gâchis qui nuit à la superbe d’une saga sans ombre depuis plus de 30 ans, surtout avec l’expertise des développeurs qui nous ont habitués à bien mieux, même dans des genres peu ou prou identiques.

Les défauts sont si nombreux que je ne sais même par où commencer. Alors je vous propose d’y aller dans l’ordre des « découvertes ».

Dès le départ (le fameux temple abandonné), le titre vous présente sa mécanique de coopération. Erik doit se tenir sur une plaque de pression afin d’ouvrir une porte que Mia traverse. Vous alternez entre les deux afin de progresser.

Premier contact de gameplay, première déception. Car si l’idée est bonne, une question brûle toutes les lèvres : où diantre est le multijoueur ? Tout au long de l’« aventure », vous ne pourrez vous empêcher de rager devant le potentiel totalement gâché du titre sur ce point précis. Pensé pour deux joueurs, Dragon Quest Treasures est conçu comme une aventure en duo. Alors pourquoi n’est-il pas possible d’y jouer en coopération ? Tout était là, prêt, n’attendant qu’une option (même facultative) pour décupler l’intérêt du titre. Mais non.

Malgré mes (nombreuses) heures de « jeu », je peine à comprendre cette décision sinon à l’aune d’un flagrant manque de temps, de budget et de volonté de la part de l’éditeur. Rien, absolument rien ne justifie de ne pas proposer de multijoueur.

Vous voici désormais transporté dans le monde de Draconia (mais si, vous savez : les îles sur le dragon, où il faut trouver les pierres de dragon parce que vous êtes des dragons). Outre les questions qui s’enchaînent dans votre esprit telles que « Mais pourquoi y’a-t-il un cadenas en pleine forêt ? », « Pourquoi ledit cadenas est-il à l’intérieur et non à l’extérieur ? », « Pourquoi veux-tu l’ouvrir, sachant que ton frère disparu n’a clairement pas pu passer là, vu que la porte est TOUJOURS verrouillée », ou encore « Mais que suis-je en train de faire de ma vie ? » ; de nouveaux problèmes surviennent. Oui, déjà.

Et le premier vient indubitablement de la maniabilité. Si vous jouez à la manette, le bouton A vous permet d’interagir avec votre environnement, et le B de sauter. À prioris, il est difficile de rater quelque chose d’aussi simple.

Sauf que les développeurs ont eu la merveilleuse idée de faire sauter automatiquement votre protagoniste si vous vous approchez d’un endroit qu’il est possible d’escalader (ou de descendre).

Il n’est, de fait, pas rare de trouver un objet, de s’en approcher… et de regarder avec une pointe d’affliction son personnage sauter en contrebas avant même d’avoir pu interagir avec ce dernier, vous contraignant à tout recommencer.

La maniabilité est tout simplement un désastre, renforcée par un level design totalement aléatoire qui force à utiliser ce genre de mécanique et à tomber dans ce type de pièges. Impossible pour quiconque ayant essayé le jeu plus d’une heure de passer à côté de cette problématique. Il semble donc évident que même les développeurs (ou l’équipe qualité) n’ont pas pris la peine de tester leur produit avant de le vendre.

La mécanique des trésors vous est également présentée dans cette zone, via votre premier monstre de compagnie : la gluantine. Cette dernière veut retrouver un objet perdu avant de vous aider à… crocheter la serrure ? Une gluante ? Mais… c’est mou !

Via la combinaison de touches LB+A, vous débloquez une « vision » de l’emplacement du trésor, marqué par un X rouge. Il ne vous reste plus qu’à trouver l’endroit, puis creuser afin de récupérer le précieux butin.

Mécanique principale du titre, cette dernière est… agréable dans les premières minutes. Une bien belle idée, qui pêche malheureusement par une réalisation totalement foirée. En cause, un level design qui manque d’ingéniosité. Les décors, particulièrement redondants, vous obligent à de multiples allers-retours et recherches d’une vacuité crasse.

D’autant que, conscients de la difficulté à trouver les emplacements des trésors, les développeurs ont fait le choix de vous indiquer la position de ces derniers via une animation lumineuse lorsque vous êtes à proximité. Conclusion : très rapidement, vous allez tout simplement arrêter d’utiliser la vision, qui ne sert strictement à rien. Il vous suffit de déambuler au sein des niveaux jusqu’à découvrir cette fameuse animation.

Sea of Thieves est sorti il y a pratiquement 5 ans. Mais visiblement, les développeurs de Dragon Quest Treasures n’ont tout simplement jamais eu connaissance de ce dernier ni de comment mettre en scène une recherche de trésor réussit.

Mais ce test s’éternise, et je n’ai pas encore abordé les vraies critiques à l’encontre du jeu (si, si ; je vous assure).

Une fois l’introduction passée, vous allez pouvoir librement explorer l’open-world avec vos deux héros, ainsi que trois monstres de compagnie. Et là… Plus rien ne va.

Le bestiaire est minuscule. Durant l’entièreté de l’aventure, ce sont à peine une vingtaine de monstres différents que vous allez croiser, déclinés en d’innombrables variantes de couleurs. Des Vampivols violets, bleus, verts, rouges… Quelqu’un a visiblement menti sur son CV dans l’équipe des designers.

Ces derniers peuvent être dressés, puis utilisés en combat, mais également vous aider à progresser au sein des environnements.

Mécanique présentée dans les trailers comme la principale caractéristique du titre (celle qui fait tout son charme), c’est encore une fois une cruelle déception. En effet, ces différents monstres disposent, en tout et pour tout, de 5 malheureux   « pouvoirs » différents utilisables sur le terrain : sprint, saut, vol plané, furtivité et scan.

Eu égard à leur nom relativement clair, je ne vais pas m’éterniser à les détailler. Sachez cependant que seuls saut et vol plané sont réellement utiles lors de l’exploration, afin de vous permettre d’atteindre des zones inaccessibles.

C’est peu. Bien peu. Trop peu pour être réellement un « atout majeur » à mettre au crédit du titre. L’idée était bonne pourtant, mais elle se fait balayer par un manque clair de finition et une pauvreté de contenu affligeante.

Je vous invite mille fois à vous pencher sur Cassette Beasts qui, sur ce point, fait bien mieux et avec beaucoup moins de budget.

Il est temps de parler des combats. Ces derniers sont en temps réels. Vous dirigez votre héros, tandis que le second personnage et les monstres vous assistent via une I.A. totalement dans les choux. Leurs sorts manquent une fois sur deux et ils décident régulièrement d’aller s’en prendre à une créature située à des kilomètres plutôt que la cible avec laquelle vous êtes aux prises.

Pis encore, il n’y a pas de verrouillage. En résultent des combats particulièrement brouillons qui consistent à marteler en boucle l’unique touche d’attaque, esquiver de temps à autre et attendre que vos monstres fassent le gros du job… s’ils y parviennent.

La boucle de gameplay consiste en une répétition sans saveurs : vous acceptez diverses quêtes (qui se résument généralement à aller chercher des objets et trouver des trésors), puis vous partez en expédition.

Une fois revenu, vous pouvez prendre un peu de repos dans votre propre château qui… ne sert à rien. Reliquat visible des velléités multijoueurs du titre (j’insiste), ce HUB particulièrement pauvre vous propose d’exposer vos plus belles trouvailles sur des piédestaux pour… flatter votre ego.

Aucune personnalisation n’est possible, aucune interaction avec le mobilier ou autre… cet endroit ne sert tout simplement, littéralement, à rien. Sinon à vous rappeler combien les autres spin-offs de Dragon Quest étaient bons.

De Monsters: Joker à Builders en passant par Sword ; la licence a été pour les développeurs systématiquement l’occasion de s’essayer à de nouveaux genres en leur apportant une  touche de nouveauté et d’originalité. Chacun, sans la moindre exception, a tenté des choses. Parfois avec succès, à d’autres moments non. Mais toujours avec l’envie de bien faire, de proposer au médium une réflexion et de tenter d’améliorer des concepts au point mort.

Tous ? Oui, jusqu’à Treasures. Bien que certains titres aient été mal reçus, ils ont tous été salués pour leur prise de risque. Treasures… est également pétri de bonnes idées. Selon moi, nous sommes face à un projet bâclé, sorti beaucoup trop tôt et en l’amputant d’une partie de son contenu initialement prévu. Sans doute pour être sûr d’être disponible avant Noël 2022, afin de capitaliser sur le nom de la licence et de s’assurer des ventes.

Un triste gâchis, mais qui n’est pas tout à fait terminé…

Un portage PC inutile ?

Vient maintenant la question de cette version PC. Avec quelques 7 mois de plus, il était logique de penser que Square Enix aurait pris conscience de ses erreurs et offert un budget supplémentaire à l’équipe de développement afin de terminer leur jeu, de pouvoir sortir une « Definitive Edition » à l’instar de celle de Dragon Quest XI apportant son lot de nouveautés bienvenues rendant l’expérience encore meilleure qu’elle ne l’était à la base.

Eh bien, non. Les joueurs PC vont devoir se contenter d’une vulgaire version HD du titre. Certes plus fine et moins aliasée que sur Nintendo Switch, le jeu n’en a pas pour autant bénéficié d’améliorations significatives.

Le pire étant au niveau des cinématiques, qui semblent avoir été upscalées puis affublées d’un filtre « flou » afin de masquer la misère de leur résolution.

Les options graphiques ne font pas non plus grande différence, n’apportant au niveau maximum que des ombres un poil plus fines et mieux rendues.

Voilà tout ce que propose cette version PC, pourtant vendue en dématérialisé au même prix que la version physique Switch…

J’aime

L

Les designs de Toriyama.

L

Les musiques de la série.

L

Les doubleurs japonais des monstres.

J’aime moins

K

Un gameplay bâclé.

K

L’absence surprenante de multi.

K

Un système de recherche de trésors barbant.

K

Un HUB inutile.

K

Des quêtes Fedex sans intérêt.

K

Un scénario qui se prend trop au sérieux mais qui ne raconte rien

K

Aucun réel lien avec Dragon Quest XI.

K

Très peu de monstres.

K

Des capacités de terrain incroyablement limitées.

K

Une maniabilité désastreuse.

K

Un portage PC aussi bâclé que le reste