Chronique de Farrel

     Après la claque que fut The Suicide Squad, James Gunn et John Cena coréalisent une série centrée autour du personnage désormais iconique de Peacemaker.

     Terminée en Décembre 2022, en exclusivité sur Prime vidéo dans un format de 8 épisodes et d’ores et déjà renouvelée pour une seconde saison ; tous les voyants étaient au vert pour passer un excellent moment.

     Ayant très sincèrement adoré le film, je me devais de me jeter sur la série en toute confiance… Et parfois, c’est quand même mieux de n’avoir strictement aucune attente…

The Boy

     Faisant immédiatement suite aux événements du film The Suicide Squad, on retrouve (attention Spoiler) un Peacemaker rétabli après avoir reçu la balle de Bloodsport. La série n’a pas encore commencé que les premiers problèmes sont déjà là. Dans The Suicide Squad (tout comme dans les Comics), le mercenaire incarné par Idris Elba tire pour tuer et ne manque jamais sa cible… sauf là. Si encore son personnage faisait ne serait-ce qu’une brève apparition dans la série pour justifier ce point (comme je l’espérais lors de la scène post-générique du

film), par exemple en nous expliquant que son tir non létal était volontaire… Mais non. Même pas.

     Enfin… Passons là-dessus. Contrairement au film de James Gunn, il n’y a pas que des points de détail qui rendent la série très, très imparfaite.

     On suit donc les pérégrinations d’un Peacemaker sous liberté conditionnelle, chargé par Amanda Waller de pourchasser des super-criminels menaçant la sécurité de la nation.

     Pourquoi lui plutôt qu’un autre ? C’est une grande question à laquelle la série ne prend pas la peine de répondre. On se contentera donc d’un “Et pourquoi pas” ? On pourrait justifier cela en se disant que Peacemaker est le seul à avoir réellement suivi les ordres de Waller jusqu’à sa mort sans jamais la trahir, à avoir une telle conception de la justice qu’il remplit chacune de ses missions “avec plaisir”… et sans doute est-ce le cas, car il tient finalement plus ici le rôle d’anti-héros que de super-vilain.

     Encore une fois, c’est déjà un reproche qu’on pourrait émettre contre la série avant même son début : le traitement de Peacemaker est très éloigné de celui du film (ou des comics). Certes, il a toujours été du côté des “héros décalés », mais là on est à la limite du paladin par moments…

     On le rappelle, c’est son serment : il désire la paix de tout son cœur et est prêt à tuer femmes et enfants jusqu’à ce qu’elle règne. C’est littéralement un Batman qui a fini de vriller. Représentant de l’Amérique profonde, Peacemaker est un personnage profondément raciste, sexiste, misogyne, homophobe… Bref, une caricature volontairement outrancière du gros beauf texan. Et c’est pour ça qu’on l’aime. Pour tout ce que le personnage incarne, ou plutôt dénonce, par sa seule existence. Pour l’ensemble des messages véhiculés contre ce connard, autant que pour la violence exacerbée dont il fait preuve pour protéger la paix.

     Sauf qu’ici, ce rôle est tenu par son père, Augie Smith (alias… non je ne vais pas spoiler) à qui il doit entre autres ses gadgets.  Peacemaker a certes droit à quelques répliques assez limites, mais elles sont toujours désamorcées par les dialogues. Finalement, le héros est plus maladroit que véritablement méchant.

 

   Un exemple type dans le premier épisode : alors qu’il est au restaurant, il alpague une serveuse en l’appelant “Belle paire”. Tout le monde le reprend en lui disant combien sa remarque est déplacée et sexiste… Et lui ne comprend pas. “Belle paire”, ce n’est pas pour la poitrine de la serveuse. Mais pour ses yeux.

     N’ayant franchement pas eu le courage de m’infliger un second visionnage en VO, je ne pourrais dire s’il s’agit d’un problème de localisation ou de maladresse

d’écriture. Je laisse donc le doute aux scénaristes…

     Mais dans un cas comme dans l’autre, la série est gangrénée par ce genre de maladresses. Oui, c’est drôle lorsque je fais ce genre de blague en partie de JdR autour d’une table avec des amis. Mais de là à retrouver ce type d’humour dans une série HBO…

     Et les problèmes ne font, bien malheureusement, que commencer. Que dire de la violence décomplexée de la série ? C’est gore… mais pas comme The Suicide Squad pouvait l’être. Ici, on est plus proche d’un “The Boys”. Les gerbes de sang et les corps explosés sont légion, à la limite du déplacé et, surtout, sans la moindre justification.

     De nouveau, cette problématique est étroitement liée au traitement même du personnage. Voir un King Shark arracher la tête d’un gars et en manger des bouts, OK. C’est logique. C’est un monstre décérébré. Voir un Captain Boomerang trancher en deux le visage de ses ennemis, OK. C’est logique. C’est un malade. Mais Peacemaker est un héros, ni plus ni moins. Il est traité comme un gentil, iconisé comme un défenseur de la liberté et de la paix… Donc rien ne vient justifier cette débauche de violence outrancière. Sinon le succès de The Boys.

     Et je ne dis pas ça à la légère. L’aura de l’immonde série Prime plane sur l’ensemble de celle-ci tout du long. Ça baise, ça explose des gens, ça insulte, ça fait des blagues de cul à foison ; sans autre justification que de vouloir être toujours plus faussement impertinent.

     Non, je suis désolé c’est non. Tout comme pour The Boys, soit dit en passant (on en parlera le jour où j’aurai le courage de voir la suite). Et c’est malheureusement totalement symptomatique des séries modernes. Soit on a droit à du cul et du sang, soit à du sang et du cul. Au choix.

     Eh non, bordel, non ! On ne peut pas simplement justifier l’existence même d’une série autour de sa violence et de ses blagues de prout !

     Gunn était parvenu à toucher du doigt à la perfection cette limite sans jamais la franchir dans The Suicide Squad. Mais ici, on est clairement tombé dans l’outrance à deux pieds.

     Et tout en trahissant l’essence du personnage. Chapeau bas. Mention spéciale au troisième épisode (troisième, pas dernier) où le héros au casque en cuvette de chiotte… renie tout simplement son propre serment en refusant de tuer des aliens parce qu’ils ont l’apparence d’enfants. Alors oui, je suis contre la violence gratuite. Surtout lorsqu’il s’agit de gamins. Mais là… c’était totalement justifié par le scénario ET le personnage.

L’aura du Rock

     Il est rare que je structure une chronique en faisant deux parties autour d’un point particulièrement similaire, mais il faut que je continue de parler du scénario.

     Au moment où je rédige cette chronique, je termine la série en m’étant enquillé les six derniers épisodes. Oui, c’est beaucoup et franchement indigeste. 

     Mais cette continuité m’a sans doute permis de découvrir des petites choses que je n’aurais pas remarquées dans des conditions différentes.

     Contrairement à The Suicide Squad, je suis prêt à parier que James Gunn n’a pas eu les mains libres quant à la production de Peacemaker. C’est surtout visible quant à l’écriture même du personnage principal.

     Dans le film, pour rappel, Peacemaker est juste un psychopathe avec un casque bizarre. Excellent soldat, formé à tuer et ne manquant jamais sa cible, c’est une brute décérébrée doublée d’un sérieux complexe d’infériorité.

     Va faire une série avec ça… Vous êtes prévenus, je vais devoir allégrement spoiler pour développer mon propos.

     Pour éviter les écueils et les répétitions, Gunn a choisi de donner à Peacemaker une histoire sordide où son père, suprémaciste blanc, membre du KKK, l’a formé. Et pour cause, ce dernier n’est autre que “White Dragon”… Et je connais White Dragon, vu que je suis fan d’Iron Man ! Sauf qu’à la base, ce n’est pas du tout ça ! C’est un Chinois !

     Bon… On va éviter tout « fanboyisme » inutile. J’accepte le changement sans aucun souci. Après tout, c’est une série et on parle là d’un méchant purement secondaire…

     J’accepte. Le problème vient, bien entendu, de l’évolution du héros. Vu son passif, vu qui est son père (une légende parmi les racistes qui s’agenouillent sur son passage, tout de même) ; j’aurais souhaité qu’il soit la pire ordure possible au début de la série et qu’il évolue progressivement au cours de celle-ci.

     Mais Gunn a choisi un tout autre parti. Dès le début, Peacemaker est juste niais, mais clairement pas méchant. L’évolution de son arc est donc assez étrange, surtout lorsqu’il tente de se dégager de l’emprise de son père. Oui, tous les éléments étaient là pour nous écrire un très bon scénario fort de sous-entendus… mais non. Tout est gâché uniquement par la paresse et la maladresse…

     Le titre de cette section n’est pas là pour rien. Rappelons que la production de Peacemaker a été faite en parallèle de Black Adam. Et à plusieurs moments, j’ai eu l’impression que Cena… jouait comme The Rock. Ou plutôt que l’écriture des deux personnages était étroitement liée ; comme si les marketeux de chez Warner s’étaient dit : “Si la série fait un carton, on fera des campagnes de pub en disant que les deux sont pareils.”

     Une grosse déception sur ce plan.

Un Super Problème

     James Gunn n’en est pas à sa première adaptation de héros. Eh non, ce n’est pas Les Gardiens de la Galaxie dont je vais parler ici, mais d’un autre grand film signé du bonhomme assez méconnu : Super.

     Ne vous attendez pas à une critique complète, elle viendra bien assez vite. Mais je ne peux pas parler de Peacemaker sans évoquer ce dernier.

     En effet, pour les connaisseurs, l’ombre de Super plane sur l’ensemble de la série. Et pour cause, le synopsis de base est peu ou prou le même : un type sans pouvoir qui veut combattre le crime, le tout avec un traitement réaliste.

     Impertinent et second degré à l’extrême, Super est le Peacemaker que l’on n’aura jamais, dans lequel Gunn osait bien plus sans pour autant tomber dans la vulgarité. Alors certes, c’est violent et graphique également… mais bien mieux rendu justement par ce côté réaliste.

     Ici, et malgré les intentions du réalisateur, on a continuellement l’impression de flotter dans un entre-deux pas tout à fait maîtrisé. On ne craint jamais réellement pour la vie de nos héros, ni même de leurs acolytes…

     Quelle transition. Ne suis-je pas incroyable ? Car le vrai “fun” de Peacemaker ne vient clairement pas du héros, mais de son sidekick. Et qui de mieux pour remplir ce rôle que le justicier ultra violent sobrement nommé “Vigilante” ? 

     Moins bridé par la production concernant ce second visiblement, Gunn se lâche et nous en écrit une interprétation entre Super et Kick-ass… le côté sociopathe en plus. Oui, un grand oui. Par pitié Warner, laissez à Gunn le soin de nous offrir une série sur lui sans le brider !

GE CUI 1 CINEAST !

James… tu sais que je t’adore. Mais… est-ce que ça va ? Tu veux qu’on se pose autour d’un café et qu’on en parle ? Si tu as des problèmes, ça ne sert à rien de tourner une série, tu sais. Tu peux aussi te trouver un psy ou simplement sombrer dans l’alcoolisme. Ce serait mieux pour ta carrière. Et pour nous également.

 

     J’ai été… tellement surpris par ce que j’ai vu, que j’ai cherché encore et encore pour m’assurer d’être bien devant une série signée par James Gunn. Et bordel, oui. Alors je me suis dit qu’il en avait peut-être simplement écrit les contours mais laissé la réalisation à d’autres… Sur les huit épisodes, il tient la caméra dans cinq. Et c’est un carnage.

     James Gunn est un réalisateur que j’affectionne. Réellement. Je trouve systématiquement ses idées de mises en scène et ses trouvailles géniales. The Suicide Squad regorgeait littéralement de plans que je n’avais jamais vus ailleurs, très inspirés et totalement novateurs. Les Gardiens de la Galaxie est tout simplement mon second Marvel préféré. Même dans ses jeunes années à la Trauma, il a su nous offrir quelques pépites très inspirées.

     Donc je n’aurai qu’une seule question : qu’est-ce qui s’est passé ?

     Peacemaker est visiblement filmé par un type qui ne sait pas tenir une caméra. On a droit TOUT LE TEMPS à une Shaki Cam dégueulasse type docu-fiction ou Found Foutage, même durant les scènes de dialogues. Les affrontements sont filmés n’importe comment, parsemés de cuts et d’un montage à la limite de l’épileptique.

     Aucune idée de réal, aucun plan un peu original, aucune mise en scène épique ne viennent nous récompenser. Tout est plat, fade, et visiblement tourné à l’arrache avec un budget frisant le ridicule.

     Que dire également des effets visuels ? Aiglounet, le compagnon de Peacemaker, est fait dans une 3D à la limite de l’impardonnable. On est clairement devant une cinématique PlayStation 3. Alors que… c’est un aigle,

bordel ! Juste un aigle !  Et ses scènes sont peu nombreuses ! Vous n’aviez pas 50 balles à filer à un dresseur ?

     Certes, je sombre dans l’excès. Il y a un personnage qui a droit à un traitement bien plus soigné. Un seul : Émilia. Des lucioles dans la nuit, des flous artistiques, des plans stylisés, des angles dynamiques… La plupart de ses apparitions bénéficient d’une mise en scène qui se rapproche bien plus de la patte de James Gunn.

     Pourquoi ? Parce qu’elle est incarnée par Jennifer Holland. Sa femme. Alors certes, c’est mignon… Mais tu sais mec, tu aurais pu simplement lui offrir des fleurs, plutôt que nous infliger la série…

     Ces instants suspendus ont l’air de sortir d’une autre production. Oui, c’est plaisant et en même temps très étrange à voir. Comme si on effleurait brièvement par moments ce qu’aurait pu être la série dans son ensemble.

J’aime

J’aime moins

L

Les acteurs

L

Quelques plans stylisés

L

Bah finalement, j’aime bien quand même.

K

Outrancièrement gore

K

Un humour qui ne fonctionne pas

K

Le traitement foiré des personnages

K

Faussement impertinent

K

Des problèmes de logique et de cohérence