Test de Farrel

     L’oracle. Ou le physicien. Ou Der Medicus. Ou… bordel, mais il a combien de titres ce film ?

   Qu’on se le dise avant même de débuter cette chronique : quand une œuvre réussit l’exploit de traduire son titre dans un nombre considérable de langues sans jamais parvenir à conserver le sens premier ; on part sur de très mauvaises bases.

C’est l’histoire d’un mec…

     L’Oracle est un film de 2013 de Philipp Stölzl, réalisateur allemand à la filmographie… existante. Adaptation du roman de Noah Gordon “Le Médecin d’Ispahan” sorti dans les années 90, il nous raconte l’histoire de Rob Cole, jeune homme découvrant à la disparition de sa mère qu’il possède le don de ressentir la mort par simple contact.

     Dans la rue, il rencontre un barbier ambulant. Et comme on est au XIème

siècle, c’est le genre de personne qui, en plus de vous tailler la barbe et les cheveux, est également le mieux indiqué pour, au hasard, procéder à des ablations, soigner des gangrènes ou arracher des dents.

     Mais le jeune Rob, il est certain que quelque part dans le monde, il doit bien exister des types capables de soigner une cataracte sans avoir à enlever tout le globe oculaire. Alors il prend son p’tit baluchon et il part en Perse pour étudier avec le plus grand médecin de tous les temps : Super Avicenne.

     Vous le comprenez aisément au ton quelque peu sarcastique que j’emploie ici, mais j’ai eu bien du mal avec l’intrigue générale du film. Si ce dernier est bien réalisé et dispose d’arguments en sa faveur, il y a un point qui m’a fait hurler de bout en bout et que je résumerai par une phrase simple : 

On ne peut pas réécrire l’histoire.

     Non, on ne peut pas. Qu’on adapte un roman clairement fantasmé, un biopic engagé ou qu’on cherche simplement à décrire une période historique précise ; il est juste impensable de changer des faits datés, documentés, sourcés, simplement par conviction politique, morale ou religieuse.

     Ce n’est tout simplement pas correct. Surtout quand on vend son « œuvre » comme étant historique ou simplement “basé sur des faits réels”. 

     Il y a tant d’incohérences, d’approximations et de partis pris dans ce film, que je ne saurais par où commencer. Mais peut-être allons-nous faire simple, quitte à nous attirer des problèmes : les juifs. Ce ne sont pas des bouddhistes. Ce sont des croyants. Et ils ont certes un passif très lourd qu’il ne faut ni négliger, ni minimiser ; ils n’en demeurent pas moins… des gens. Des gens qui, comme toutes les civilisations du monde, ont participé à des guerres. Activement. 

     Ici, ils tendent l’autre joue sans jamais prendre part à un conflit ou, historiquement de nouveau, ils ont été très, très impliqués.

     Autre point d’une importance capitale : Avicenne. Vous savez, le type qui prête son nom au film ? Il n’est pas mort lors d’une quelconque invasion de “méchants musulmans”. Il est mort de maladie. En plein voyage. Mais je suppose là encore que le propos était moins impactant que de simplement stigmatiser une population entière, de transformer le fond du film en vulgaire et gras message à la limite du racisme sur fond de guerre de religion.

     Oui, les musulmans ont tué des juifs. Oui, les juifs ont tué des musulmans. C’est le principe de la guerre. Et pour chaque camp, l’autre était le “méchant”. Mais vouloir réécrire l’histoire simplement pour rendre son récit plus “impactant” est un procédé malhonnête.

     Le monde… Le monde ne tourne pas comme ça. Il est légèrement plus complexe, tout en nuances de gris. Et dans chaque guerre, dans chaque conflit ; les deux parties sont convaincues de défendre le seul idéal qu’il faille protéger. Et je peine simplement à voir ici autre chose que 2h de propagandes orientées sans aucune autre intention derrière.

     Mais maintenant qu’on a parlé du fond, autant s’attaquer à la forme…

Un casting 2 étoiles (et demi)

     On retrouve donc en protagoniste principal un Rob interprété par Tom Payne (plus connu comme Jésus dans la série The Walking Dead). Si sa performance est certes agréable et parfaitement dans la norme, comme pour l’ensemble des autres acteurs ; il se fait malheureusement (pour lui) rapidement voler la vedette.

     Eh oui, il ne faut jamais prendre ce cher Ben Kingsley à la légère dans son

film, Philipp ; sous peine de voir l’intégralité du temps d’image lui être offert sans concession. Avec sa gueule unique, son talent incomparable et son charisme imposant ; il accapare tout. Sans la moindre exception. Jusqu’au point où, une fois encore, chacune de ses absences dans le film est remarquée.

     Il campe ici un Avicenne magistral, empreint d’une froide sagesse, comme lui seul peut l’incarner à l’écran. Rien que pour la performance de Kingsley, le film vaut la peine d’être vu. 

     Le reste du casting est au mieux anecdotique. Exception faite sans doute de Makram Khoury, campant un rôle de “méchant musulman” absolument impressionnant et parvenant à tenir tête à la superbe de Kingsley. 

Alors oui, c’est beau…

     Toujours en oubliant le fond du film et ses messages problématiques, il faut dire que l’Oracle en jette. Se la jouant tantôt Snyder, tantôt Scott ;  il dispose d’une esthétique léchée qui sait attirer le regard et dépayser.

     Non content de nous faire voyager en décors naturels de Londres à la Perse, Stölzl a

bien fait ses devoirs et nous livre une vision très esthétique de l’ensemble de ses paysages. Oui, il sait tenir une caméra, c’est certain…

     Maaaaaaais… eh bien, comme dit juste avant, je peine à y voir autre chose que l’enfant bâtard de 300 et de Kingdom of Heaven. Certains plans sont tellement copiés-collés que je défie quiconque de parvenir à les différencier au premier regard.

     Est-ce que ça fonctionne ? Indubitablement. Est-ce une réussite pour autant…? Le cinéphile patenté serait en droit de dire que non, puisque le travail premier du metteur en scène est justement de nous happer dans son intrigue, dans son film, sans jamais nous en faire sortir.

     Et outre, les moments où le scénario m’a donné envie d’envoyer un bouquin d’histoire à Stölzl (à la tronche) ; j’ai passé le plus clair du reste du temps à me dire “Tiens, ce plan on dirait exactement celui-là dans tel autre film’’.