Présenté comme le Soft Reboot de la catastrophe sidérale que fut le Suicide Squad de 2016, The Suicide Squad se veut être le renouveau de l’univers étendu de Warner.
Il m’aura fallu des années pour me remettre émotionnellement de ce que David Ayer nous avait infligé quant à l’adaptation de ce que je considère, à titre personnel, comme l’un des meilleurs comics de chez DC. Et c’est uniquement en voyant un seul et unique nom que l’espoir m’est revenu : James Gunn.
Le papa de l’adaptation live des Gardiens de la Galaxie est donc finalement passé du côté obscur du Comics ? Et pour son entrée chez Batman et ses potes, la Warner lui a confié le soft reboot de Suicide Squad ? Très bien.
Mais ce n’est pas pour autant que je me suis jeté à corps perdu dans le visionnage sans un minimum de réticence. Après tout, la Warner est connue pour charcuter le travail de ses réalisateurs jusqu’à ne laisser qu’un produit fini exsangue et dénué de toute substance ni vision artistique.
Pourtant, cette fois-ci, ils semblent avoir compris.
Réalisateur(s)
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James Gunn |
Sortie France
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28 juillet 2021
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PEGI
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+16 ans
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Société de production | Warner Bros |
Plateforme | HBO Max |
La vraie Suicide Squad
The Suicide Squad est un film sorti en 2021, écrit et réalisé par James Gunn. Tout comme son horrible préquelle, il vous raconte les aventures d’un groupe de super-vilains envoyés par une cellule ultra secrète du gouvernement américain dans une mission sans retour en échange d’une remise de peine.
Si le premier avait choisi de se concentrer sur des figures “iconiques” et très reconnaissables, cette suite non assumée a clairement décidé tout autre chose. Outre Harley Quinn, qui a l’air d’avoir été imposée par le studio, tous les autres font clairement partie de l’équipe B… pour ne pas dire de la Z.
Menés par Bloodsport, on retrouve donc Peacemaker, King Shark, Ratcatcher 2 et Polka-Dot Man dans une expédition pour empêcher que de vilains petits secrets ne soient dévoilés au grand jour.
Faire cette chronique sans le moindre spoil tiendrait de l’exploit et ne serait pas très pertinent. Vous voilà donc prévenu.
Car le film a le génie de s’ouvrir sur une tout autre équipe, bien plus cinématographique. À savoir Javelin, Weasel, Blackguard, TDK, Captain Boomerang, Mongal, Savant et Harley Quinn.
Le fait de retrouver deux noms du casting d’origine a le mérite de placer le spectateur en terrain connu. On est bien devant la suite à moitié assumée du premier Suicide Squad. Harley et Boomerang se connaissent et plaisantent, le principe même de l’escadron leur est familier et visiblement bien rodé. Les détenus sont habitués à remplir ce genre de fonctions.
Et les premières minutes font indubitablement craindre le pire. Bien que Gunn ait choisi de se séparer de l’emphase putassière de la présentation de l’équipe pensée par David Ayer, le gimmick reste cependant le même. Amanda Waller liste un à un les supers, qui se rejoignent dans un hélicoptère en partance pour leur mission.
Mais, tel un immense majeur tendu à cet étron fumant que fut Suicide Squad, Gunn… les faits tous mourir dans un déluge de sang, de larmes et de tripailles. Vous voilà prévenu : on n’est pas ici pour enfiler des perles dans un film pour toute la famille. C’est une Suicide Squad, on a dit ! Alors les morts seront nombreuses et très, TRÈS graphiques.
Le choix de tuer jusqu’à Boomerang, icône du premier film et figure récurrente des Comics, est une véritable catharsis. Enfin… Suicide Squad, c’est fini ! Place maintenant à The Suicide Squad.
Retour sur la véritable équipe de bads guys. Et là encore, Gunn tient à bien mettre les choses au clair. Vous avez détesté Will Smith en Deadshot ? L’image de ce sociopathe transformé en gentil père de famille victime d’une terrible injustice vous donne la nausée ? Pas de soucis !
Le nouveau leader, Bloodsport, incarné par un Idris Elba tout juste débauché de chez Marvel ; est un petit plaisir à découvrir. Tout comme Deadshot, il vit une relation conflictuelle avec sa fille. Mais lui, c’est tout sauf un bon père. Il l’envoie chier, arguant même à Amanda Waller “qu’un petit séjour en prison lui ferait du bien”.
Et ce côté totalement sans limites des dialogues est un soulagement. On retrouve, jusque dans les tripes du scénario, la pâte de James Gunn. C’est gore, violent et totalement imprévisible. L’héritage de ses jeunes années à la Trauma est bel et bien présent.
Après l’introduction et avec la mort de Boomerang, pourtant centrale dans le premier film, on en vient à douter jusqu’à la fin. Chaque protagoniste peut périr, aucun n’est à **l’**abri. Ce qui de facto crée une tension vraiment plaisante.
Tous, ai-je dit… ? Vraiment… ?
Le problème Harley Quinn
Bien entendu, aucun film n’est parfait. Et si je gage que vous avez déjà un petit aperçu de mon ressenti global sur l’œuvre, il faut bien entendu mettre en exergue ce qui ne va pas.
Pour autant, et je le détaillerai plus tard, le film frise vraiment l’excellence… sauf en ce qui concerne Harley Quinn.
Soyons clairs : j’adore Margot Robbie. Je la considère comme la meilleure incarnation cinématographique (courage à Lady Gaga) de la Quinn; et je ne verrais personne d’autre reprendre le rôle. Elle EST tout simplement Harley Quinn. Du moins son incarnation récente, moderne, résolument ancrée dans le présent et très éloignée de celle de l’animé de 92.
Le problème, c’est que pour l’heure elle a eu droit à deux films pitoyables (Suicide Squad et Birds of Prey). Sous la direction de Gunn, elle brille et à enfin la mise en scène qui lui correspond le plus. Oui, elle est impeccable. Oui, l’interprétation est folle. Oui, j’ai adoré à la fois son personnage et son incarnation.
Alors où est le problème ? Eh bien… c’est qu’elle n’a rien à faire ici. Déjà concernant la cohérence scénaristique du film (pas des comics, je précise), Harley Quinn n’a littéralement rien à faire dans la Suicide Squad. Pour rappel, cette équipe était l’occasion pour DC Comics de faire le ménage dans le catalogue de ses vieux personnages bas de gamme et oubliables, en leur donnant une dernière incarnation dantesque et souvent des morts marquantes.
Sauf que personne ne veut tuer Harley Quinn. Surtout pas Warner. Et ça, ça se sent dès les premières minutes du film. Sans en être l’héroïne, elle est clairement la protagoniste principale. Bien plus encore que Bloodsport, dont elle vole totalement la vedette.
Avec son armure en scénarium renforcé, elle passe au travers de toutes les épreuves sans la moindre petite égratignure. Là où **l’**ensemble du cast risque sa vie, finis blessé ou pire ; elle semble survoler l’ensemble en ayant uniquement droit à des instants héroïques débridés.
Alors oui, c’est cool et James Gunn a su saisir à la perfection l’essence de son incarnation actuelle… mais il en résulte qu’à aucun moment le spectateur n’éprouve le moindre doute quant à sa survie.
Pour résumer plus simplement : Harley Quinn ne joue clairement pas dans le même film que les autres et devient rapidement le plus gros problème de l’ensemble de **l’**œuvre.
Pour aller même dans la partie spoil : la première équipe que nous suivons dans l’introduction est un leurre, un sacrifice, envoyé se faire tuer par Waller pour laisser le champ libre à la seconde. Et pourtant, Quinn en fait partie. Pourquoi ? Pourquoi elle ? Personne n’y croit une seule seconde. Mais cela lui permet de se faire capturer et donc d’avoir un pan entier du film en solo.
La Marvelisation du DCU
Parmi les critiques qui reviennent souvent sur ce The Suicide Squad, j’entends de partout que l’intégration de James Gunn est là pour rapprocher le ton du DCU de celui du MCU.
Oui… et alors ? Gunn est parvenue à l’exploit de faire d’une franchise totalement inconnue (Les Gardiens de la Galaxie) une licence phare du MCU. De même, il a littéralement sauvé Thor du Monde des Ténèbres. Un parcours sans faute dans l’écurie concurrente qui lui vaut ici une place de choix, pour ne pas dire de roi.
Parce qu’une chose est certaine en sortant du visionnage de The Suicide Squad ; c’est que Warner n’a pas cherché une seule seconde à entraver la liberté créatrice du réalisateur. On ne sent aucune intervention marketing, sinon pour la présence (et les scènes) d’Harley Quinn. Tout le reste semble avoir été laissé à la discrétion de Gunn, qui s’est lâché plus que jamais.
Aussi gore que fun, le film part dans tous les sens et déborde d’un humour noir omniprésent. On est loin de la petite phrase censée désamorcer une situation épique comme chez Marvel ; mais plus dans du comique de situation sans aucune limite morale.
Et tout ceci se traduit à l’écran par une mise en scène très habituelle chez Gunn : ça pétarade de couleurs, de plans stylisés magnifiques (dont une scène avec Harley Quinn reprenant les codes du beat’m’all 2D ou le sang est remplacé par des gerbes de fleurs), sans jamais se prendre au sérieux. Oui, James a compris qu’il adaptait d’anciens vilains ubuesques et oubliés de chez DC. Il a donc choisi littéralement les pires en termes de pouvoirs ou de costume, uniquement pour la beauté de la chose.
Très généreux dans son fond comme dans la forme, l’amateur de comics comme le néophyte se sent tout simplement respecté et face à une vision d’artiste. Et ça, ça n’a pas de prix.
Comme toujours, le bonhomme sait tenir une caméra également. Ici, point de shaky cam comme seul ressort. Les idées fusent, certaines morts sont dignes des fatalités de Mortal Kombat ; et jamais le film ne laisse le spectateur sur le carreau. Des idées de réalisation originales (pour ne pas dire jamais vues) sont également là tout au long de **l’**œuvre pour vous tenir en haleine.
La finalité, c’est un film totalement débridé, drôle et plaisant qui se laisse dévorer sans la moindre limite.
Les Gardiens du Colto Maltes
Reprenant peu ou prou la trame scénaristique des Gardiens de la Galaxie, vous suivez les pérégrinations d’une équipe uniquement composée de nouveaux acteurs (sinon Quinn, Waller et Boomerang). Et… dieu que c’est bon !
Tout comme dans le film Marvel, chacun a le droit à un temps d’écran équivalent. Aucun n’est laissé de côté ou sous-exploité. Mieux encore, on ressent une véritable dynamique entre eux, de même qu’une progression dans leur lien qui n’est pas sans rappeler celle de l’équipe de Star Lord.
Côté acting, c’est également un sans-faute. La toute jeune Daniela Melchior incarne une Ratcatcher 2 magnifique, avec ses moments de gloire et de tristesse, dans un personnage tout en nuance.
David Dastmalchian, lui, a quitté Marvel pour camper un Polka-Dot Man dépressif et paradoxalement hilarant, dans ses réactions comme dans son PTSD envers sa mère.
Les figures de proue sont bien entendu les stars, à savoir Stallone en King Shark (qui tient plus du Groot qui mange les gens), Idris Elba en excellent Bloodsport et Robbie en Harley Quinn.
En aurais-je oublié un ? Oui, et c’est volontaire : je vous ai gardé le meilleur pour la fin. Car The Suicide Squad introduit également dans son équipe Peacemaker. Incarné par… John Cena. Et… c’est franchement très bon !
Bien plus second degré que The Rock, il incarne son personnage à la perfection. L’essence du Comics, sans aucune retenue. Malgré son costume ridicule et ses catchphrases totalement ubuesques ; il parvient à rester cool tout du long et à ne jamais sortir du rôle… sinon dans une scène de combat à main nue ou très clairement son passif de catcheur ressort. On reconnaît ses coups, sa posture, ses déplacements. Certes troublant, ce n’est guère pour autant gênant et ne sort pas de la narration.
En résulte une équipe plaisante à suivre et diablement attachante.
Mais quand même…
Eh oui. Comme je l’évoquais tantôt, Harley Quinn ne catalyse pas à elle seule l’’ensemble des problèmes du film (seulement 90%). On pourra pinailler sans doute sur pas mal de points. Mais d’autres sont, en revanche, de vraies critiques à émettre contre le film.
Ce The Suicide Squad se base en effet sur pas mal de facilités scénaristiques très mal dosées. Les Deus Ex Machina sont nombreux et malheureusement très malvenus.
On citera déjà bien entendu (encore) l’armure d’immortalité d’une Harley Quinn qui, rappelons-le à toutes fins utiles, n’est qu’une simple humaine sans le moindre super pouvoir. Et pourtant elle parvient seule à se débarrasser d’une armée entière sans le moindre petit bobo… Pour avoir compté, il y a trois passages précis où elle aurait dû y passer sans le moindre petit espoir. Mais nul ne tue la poule aux œufs d’or de Warner, visiblement…
Ensuite vient l’utilisation desdits protagonistes. On peine souvent à croire qu’ils sont issus du DCU, tant ils semblent disproportionnés. À plusieurs moments, je suis sorti du film en me demandant “mais dans quel univers Batman est parvenu à le vaincre, lui ?”.
Et les superhéros, parlons-en. Ils brillent par leur absence… Pourtant, l’ennemi choisi par Gunn n’est autre que Staro, soit le premier antagoniste de la Justice League. Alors pourquoi Superman, Wonderwoman et les autres n’interviennent jamais ? Certes, ce grief est justifié par le côté « géopolitiquement instable » de l’île… Sauf qu’on ne parle plus ici de simple déjouer les plans de quelques terroristes. Il en va du destin du monde.
Mais laissons là de côté ces considérations. Ce sont les points de détails. Concernant les réels griefs qu’on pourrait émettre à l’encontre du film, quelques scènes sont capilotractées. Je pense à celle de l’intervention de la Squad dans un camp de guérilleros rebelles. Certes très plaisante, elle tient plus du jeu vidéo que du cinéma. Peacemaker et Bloodsport massacrent à tour de bras les gardes, dans des gerbes de sang et des hurlements tonitruant… sans alerter personne. J’ai ri, mais pour de mauvaises raisons. J’ai ri, parce que j’avais la sensation de me retrouver sur un Assassin’s Creed à l’.I.A. déplorable.
Certes peu nombreuses, ces scènes sont des tues l’amour dans un film qui frôlait pourtant le sans-fautes. Maintenant il faut remettre l’église au milieu du village et admettre que ce ne sont là que des points de détails une fois encore.
Au niveau des griefs, j’ajouterais que la V.F. est tout sauf incroyable. Je… je n’en peux plus de Dorothée Pousséo. Oui, elle fait le café ; mais j’ai tellement l’impression de l’entendre absolument partout (ce qui n’est pas loin d’être le cas) et sa voix est tellement reconnaissable ; qu’il m’est difficile de ne pas la reconnaître instantanément.
Les autres… ne sont guère plus convaincants. Mention spéciale à Alain Dorval qui, malgré son âge, parvient toujours à garder la voix iconique de Stallone… la plupart du temps. On le sent malgré tout fatigué et, parfois, ses inflexions de voix partent dans une direction très différente ; comme si deux doubleurs avaient travaillé sur King Shark.