Agatha Christie – Hercule Poirot : The First Cases est l’opus précédent « The London Case ».

Après le rachat des droits d’adaptation vidéoludique des œuvres d’Agatha Christie par Microids, l’éditeur est parvenu à livrer un premier jeu de grande qualité avec « The ABC Murders« . La suite de la licence est cette fois-ci confiée aux anglais de Blazing Griffin, déjà bien connus pour leur jeu d’enquête « Murder Mystery Machine ».

Le retour de Poirot sur ses terres d’origine se fait donc sous les meilleurs auspices. Et le résultat ? Tout simplement la meilleure adaptation des aventures du détective à ce jour.

Editeur(s)
Microids
Sortie France
28 sept. 2021
PEGI
+7 ans
Liens Site Officiel
Support de test Nintendo Switch

La jeunesse d’une légende

Agatha Christie – Hercule Poirot : The First Cases prend le parti de ne pas se contenter d’être une « simple » adaptation des romans. Tout au contraire, le studio a plutôt choisi un angle résolument original en proposant une relecture des origines du détective.

Vous y découvrez un Poirot jeune, faisant ses premières armes dans la Sûreté belge, de son intégration jusqu’à sa promotion fulgurante en tant qu’inspecteur.

Toute cette partie vous est narrée avec brio au sein d’une séquence d’introduction magistrale mise en scène avec un talent indéniable. Oui, ce n’est que l’intro, et pourtant tout est là, dans un sous-texte ingénieux, présenté sous forme de coupures de journaux reliées entre elles par ce que vous découvrirez plus tard être la fameuse « carte mentale », cœur du titre.

En quelques images, Blazing Griffin explicite tout : ce Agatha Christie – Hercule Poirot : The First Cases est une aventure originale, les différences avec l’œuvre littéraire sont posées, les capacités de déduction et l’intelligence du héros misent en exergue, de même que les bases du gameplay.

Mais je vous propose de passer à la suite rapidement. Cette intro est un cas d’école, tellement exceptionnelle que je pourrais en discuter pendant des heures… et clairement, vous n’êtes pas là pour ça !

Donc une fois celle-ci terminée, vous incarnez Poirot au tout début de son enquête. Portant un uniforme, ce premier contact avec le jeu vous propose de découvrir les principales mécaniques qui vous serviront tout au long de l’intrigue, tout en résolvant un « premier cas » relativement simple : un vol de collier.

Rapidement embarqué dans la véritable aventure, Poirot troque son uniforme contre une tenue plus convenable et peut désormais briller de mille feux. Pour les débuts du détective, Blazing Griffin n’a pas choisi la simplicité de « La Maison du Péril » ni de « La Mystérieuse Affaire de Styles » ; mais plutôt de prendre en compte les quelques références que Poirot fait parfois à ses premières enquêtes. Celles qui n’ont jamais été retranscrites, avant qu’il ne prenne sa retraite de la police.

Une idée ingénieuse et diablement maligne, puisqu’elle offre aux développeurs toute liberté quant au déroulement ou même à la finalité de cette dernière.

C’est donc au sein du Manoir de la famille Van Den Bosh, où un crime est commis, que Poirot fait ses premières armes.

Retour aux sources du « Whodunit » dans un huis clos tout simplement parfaitement dans le ton des écrits d’Agatha Christie, excessivement respectueux de l’univers et du personnage.

Si l’on peut reprocher à The London Case ses libertés prises avec les protagonistes, cette critique est ici totalement hors de propos. Première enquête oblige, Poirot est encore formaté par les méthodes de la police dont il fait toujours partie. De plus, son aspect général, bien qu’éloigné de ce qui est décrit dans les romans, se rapproche de l’incarnation de Malkovich avec bien plus de justesse.

Exit donc les vestes roses et la démarche de pigeon. Poirot est ici représenté sous une forme certes différente, mais terriblement précise et respectueuse de ce que tout fan est en droit d’attendre. Un joli succès, qu’on espère revoir dans les prochaines productions du studio.

Revenons un instant au scénario. Bien entendu, rien ne sera spoilé de l’intrigue ici. Enquête oblige, vous allez fouiller au sein de ce manoir, interroger les suspects, confronter leurs versions et trouver des indices ; afin de faire la lumière sur les secrets de la famille.

Une jolie réussite, prenante et remarquablement bien écrite, dont les enjeux sont de plus au diapason des aventures du détective dans les romans et nouvelles d’origine.

Découpé en neuf chapitres, Agatha Christie – Hercule Poirot : The First Cases est tout simplement ce qu’il convient de définir comme un monument du genre, qui sait prendre son temps et s’étaler sur plusieurs années, développer son protagoniste et sa légende au sein de situations complexes, allant d’une percée fulgurante au sein de la Sûreté à de cruelles désillusions en passant par sa démission. Un ascenseur d’émotions qui a pour objectif de forger la personnalité de Poirot, de définir ses objectifs et motivations.

Oui, Agatha Christie – Hercule Poirot : The First Cases est à prendre comme « l’Origin Story » du personnage, avec ses drames, ses échecs et ses succès.

Prenante de bout en bout, l’enquête principale n’est pas en reste et dispose d’une écriture à la fois profonde et réellement impactante. Les différents protagonistes, allant de deux frères Turcs à un commerçant Asiatique, proposent également une belle brochette hétéroclite parfaitement dans le ton des aventures conventionnelles du détective.

Les petites cellules grises !

Agatha Christie – Hercule Poirot : The First Cases n’est pas un jeu d’enquête comme les autres. Au lieu de se contenter d’un point-and-click traditionnel, le studio a opté pour une vision plus originale du genre en développant son propre style, unique et singulier (et qui sera repris dans The London Case avec quelques améliorations).

Ici, pour matérialiser l’intelligence hors norme du héros, l’équipe a choisi de vous proposer un système de « Carte Mentale ». Cette dernière permet de réunir, au sein des petites cellules grises de Poirot, tous les indices et autres informations que vous allez recueillir tout au long de l’enquête.

C’est à vous ensuite de les relier les uns aux autres, pour mieux résoudre les diverses situations et inconnus qui vous séparent de la résolution de l’enquête. Jamais punitif, le jeu va vous guider dans les cas les plus complexes et chaque échec de liaison passe simplement au rouge, sans plus de conséquences.

Ici, l’objectif n’est clairement pas de vous proposer un jeu dans lequel il est possible de perdre, mais plutôt de suivre une histoire interactive demandant un minimum de réflexion. Cette carte mentale n’est jamais réellement un frein et ne pose que rarement problème.

Bien entendu, vous incarnez Hercule Poirot. Et Poirot n’a connu que deux échecs dans sa vie, dont cette enquête ne fait pas partie. De fait, il est impossible de se tromper, même volontairement, tout au long de l’aventure. Vos recherches sont systématiquement guidées afin de ne jamais vous laisser bloquer devant une énigme insoluble.

Si les amateurs de ce type de jeux peuvent trouver cette fonctionnalité trop dirigiste, elle a pourtant le mérite de permettre au plus grand nombre de profiter de l’intrigue sans pour autant avoir besoin de chercher une solution sur internet et sans ralentir l’intrigue ni briser l’immersion.

Une technique inégale, mais une direction artistique inspirée

Agatha Christie – Hercule Poirot : The First Cases ne brille certes pas par sa technique ni par la qualité de son moteur graphique ; mais plus par l’ambiance qu’il parvient à instaurer dès les premiers instants.

Le jeu souffre sur Nintendo Switch d’une optimisation vraiment inégale et d’une maniabilité un peu rigide, sans pour autant sombrer dans l’injouable. Tout au contraire, la prise en main se fait avec aisance, que ce soit en mode docké ou portable.

Par contre, l’ambiance du début des années 20 est ici retranscrite avec une passion impressionnante et parfaitement adaptée des romans. Rien ne semble hors de propos ni anachronique. Le travail réalisé par Blazing Griffin est au diapason du reste : qualitatif et prenant.

Certains décors savent être chauds et cosy, d’autres au contraire froids et mornes ; sans pour autant dénoter.

Lors des échanges, les différents protagonistes disposent d’illustrations vivantes mettant en exergue leurs émotions et sont intégralement doublés en français. Les comédiens qui prêtent leur voix aux personnages, sans être exceptionnels, sont dans le ton attendu et donnent un réel plus à cette aventure incroyablement riche.

J’aime

L

Une enquête incroyablement prenante…

L

Une narration d'une richesse rare dans ce genre de productions

L

Intégralement doublé en français

L

Le système de Carte Mentale

L

Parfaitement dans le ton et respectueux des romans

L

Très inspiré et inspirant

J’aime moins

K

…mais un poil trop dirigiste

K

Une technique un peu en retrait