Jem et les hologrammes est un film sorti en octobre 2015. Adaptation d’un dessin animé des années 80, ce dernier projet (totalement WTF, il faut l’avouer) a pris vie sous la houlette de Jon Chu. Un réalisateur parfaitement adapté, donc, puisqu’il a déjà eu en charge des « chefs-d’œuvre » tels que Sexy Dance 2, G.I. Joe : Conspiration ou encore un documentaire sur Justin Bieber.

Pour les milléniaux, Jem et les hologrammes était un dessin animé produit par Hasbro dans le seul et unique but de vendre une série de poupées censées concurrencer la Barbie de Mattel. D’une qualité déplorable, sans aucune ambition scénaristique ; cette série a été oubliée par beaucoup, sinon les plus nostalgiques.

Réalisateur(s)
Jon Chu
Sortie France
23 oct. 2015
PEGI
+12 ans
Liens Site Officiel
Plateforme de diffusion Canal+

 

Troll Over 9000

Mais que s’est-il passé dans l’esprit de celui qui, un beau matin, s’est dit « ce serait cool de faire un live de Jem 35 ans après sa mort » ? Soit nous avons affaire à un génie incompris, soit à un lendemain de soirée particulièrement difficile.

Outre le côté capillotracté d’adapter les aventures de la chanteuse, d’être parvenue à trouver des gens pour financer ledit projet et des acteurs acceptant d’y participer ; il faut avouer également que la « cible » de ce film est tout autant source d’incompréhension.

À qui est donc censé s’adresser Jem et les hologrammes : le film ? Aux fans de la première heure ? Cela semble fort peu probable, eu égard de leur nombre et de leur âge. Aux jeunes alors ? Visiblement. Tourné comme un « teenage movie », il tente d’utiliser une sous-icône tombée en désuétude pour… je cherche encore sa finalité, à dire vrai.

Pourtant, la première demi-heure peut laisser espérer autre chose qu’un charabia innommable. Le résultat est même… étrangement cool, bien qu’il s’éloigne grandement de toutes les bases scénaristiques du dessin animé.

Vous avez le sentiment de vivre dans une réalité alternative où Jem et les hologrammes aurait la notoriété de Pokémon, déchaînant les passions. Alors vous fixez votre écran, béat d’admiration autant que de stupéfaction, tandis que les événements se déroulent.

Jem, c’est la fièvre ?

Vous retrouvez dans Jem et les hologrammes : le film la fameuse Jerrica, vivant avec sa sœur chez sa tante et ses cousines. Cette dernière aime composer des chansons et philosopher sur la place des réseaux sociaux au sein de l’existence, autant que de l’importance de l’image renvoyée au travers des écrans.

Cette première partie est… excellente. Bien écrite, elle ose transposer l’intrigue du dessin animé à une époque moderne tout en s’appropriant des codes et des préoccupations actuelles. Les acteurs, bien dirigés, sonnent justes dans leur interprétation et leurs propos.

Et l’espoir est d’autant plus grand que le terrain de jeu initial de Jem et les hologrammes s’inclut parfaitement dans cette acception du réel. L’héroïne s’y crée un « double » qui finit par remplacer celle qu’elle est réellement. L’idée était donc fort à propos pour aborder l’ensemble de ces thématiques, y dérouler un regard acéré sur les dangers des réseaux et sur l’image retranscrite, bien loin des vicissitudes réelles de la vie.

Ce serait oublier la propension de Jon Chu à ne surtout pas aborder de sujets trop évocateurs. Le soufflé retombe rapidement, dès l’arrivée d’Erica (la productrice et principale antagoniste) qui souhaite faire signer un contrat à Jerrica.

Et déjà, le réalisateur vous hurle au visage de ne pas avoir du tout compris le message profondément féministe du dessin animé d’origine. Dans ce dernier, Erica est Eric. Un homme. Jerrica va, durant l’intégralité de la série, s’opposer à ce modèle archétypal du patriarcat pour sauver le label de son père (dont elle et Eric partagent les parts).

De « simple » chanteuse, elle va donc devoir s’imposer comme une figure forte et libre en s’émancipant pour finalement parvenir à déjouer les plans de son rival pour mieux prendre les rênes d’un empire.

Mais dans Jem et les hologrammes : le film, toute cette intrigue est totalement oubliée via une seule idée farfelue : faire d’Eric une femme. Après tout, c’est un film de filles, non ? Donc il faut des filles !

Dès cet instant, vous réalisez être face à la production d’un homme cherchant à surfer sur la vague féministe actuelle pour mieux vendre en enchaînant les messages progressistes mal compris et… qui s’effondrent rapidement.

Passée cette fameuse première demi-heure, Jerrica et ses sœurs font la rencontre de Rio, leur futur manager. Tout comme dans le dessin animé, vous comprenez rapidement qu’une histoire d’amour va se nouer entre les deux héros.

Et là encore, le message du dessin animé est réduit à néant. Dans ce dernier, Jerrica n’a pas besoin de Rio. Ce dernier est d’ailleurs totalement tiraillé entre ses sentiments pour Jerrica et Jem, son alter-égo. Et l’héroïne fait tout pour se préserver, parvient seule à déjouer les plans de ses ennemis et à se forger sans l’aide de personne. Surtout pas celle de Rio.

Mais en 2015, visiblement, cette idée semblait à Jon Chu bien trop pertinente pour être mise en image. Jerrica est une gourdasse potiche et indolente, incapable de réaliser quoi que ce soit par elle-même. Mais au moins, elle chante bien. C’est d’ailleurs tout ce qui la définit.

Rio fait ici figure de héros. C’est lui qui la tire vers le haut, la sauve à de nombreuses reprises, l’aide à se renforcer et même à développer sa carrière. Sans lui, elle n’est rien. À la toute fin du métrage, il interrompt même le concert de Jem pour l’embrasser.

Sans pour autant corroborer l’apologie féministe moderne, il faut avouer être ici face à une « œuvre » qui dénature totalement l’idéologie de base de son matériel. Irrespectueux au possible, il se permet de plus d’être incroyablement mal réalisé.

Un sacré manque de talents

Après avoir abordé le « fond » de Jem et les hologrammes : le film, il est grand temps de s’attarder sur sa « forme ». Et autant vous prévenir de suite : ce n’est guère mieux.

Dans la même idée que développée ci-dessus, la première demi-heure s’en tire plutôt avec les honneurs. Si la mise en scène ne brille pas particulièrement d’originalité, elle se permet malgré tout quelques petits sursauts d’inventivité ; notamment via l’utilisation des smartphones. Le résultat est propre, bien écrit, réfléchi.

Malheureusement, tout s’effondre très rapidement, une fois l’intrigue installée. La suspension d’incrédulité prend un sacré coup dont il est bien difficile de se remettre.

Tout commence par une vidéo que Jerrica (sous le pseudonyme JEM) publie sur YouTube et qui fait le « buzz » avec quelques 30 000 vues. Oui, vous avez bien lu. Erica, productrice mondialement connue, se déplace elle-même pour signer une adolescente sur son label parce qu’elle est parvenue à faire 30 000 vues.

Jon Chu et son équipe n’avaient visiblement aucune idée du fonctionnement d’Internet en 2015, ni des scores usuels des grosses chaînes musicales (même indépendantes).

La suite est un amalgame de poncifs resucés et autres macguffins capillotractés qui s’enchaînent sans vous laisser un instant de répit. JEM va à un concert mais il y a une coupure de courant ? Pas de soucis, elle s’empare d’une vieille guitare (qui n’est autre que celle de son père) toujours accordée pour se lancer dans un solo a capella… avant d’y découvrir un objet nécessaire à sa quête. Pratique, n’est-ce pas ?

Et que dire des enjeux ? Lorsque Jerrica trahit ses propres sœurs, tout est pardonné en moins de trente secondes sans la moindre petite justification ni ressentiment. L’écriture n’est bien entendu pas en reste, puisque le film est un amas d’inepties ubuesques et incompréhensibles.

C’est bien simple : à la sortie du visionnage de Jem et les hologrammes : le film, vous n’aurez toujours pas compris en quoi Erica était la principale antagoniste.

Il s’agit tout simplement d’une productrice qui cherche à faire émerger un nouveau talent. Certes, ses méthodes sont un poil abruptes, mais elle dépense sans compter pour une illustre inconnue : organisation de concerts, embauche de professeurs de chant, promotion, publicité, maquillage, vêtements… elle va même jusqu’à lui prêter sa villa !

Son seul tort ? Vouloir que JEM fasse une carrière solo parce que, selon elle, cette dernière est bridée par le manque de talent de ses sœurs. Oh, et elle refuse que Rio, son fils, reprenne les rênes de la maison de disque tant qu’il n’a pas fait ses preuves.

Jem et les hologrammes : le film est tout simplement la vision égocentrique d’un adulte des velléités de la jeunesse. Une œuvre écrite sans talent par une personne qui ne comprend pas son sujet et s’en moque éperdument.

Le pire ? Le métrage ne pourra même pas contenter les amateurs du dessin animé. Pas de Misfit, pas de messages engagés, rien qui ne puisse le recoller à l’œuvre d’origine sinon deux ou trois rares clins d’œil très, très obscurs.

Pour information, le film a été le premier qu’un distributeur ait demandé de retirer des salles, l’un des pires flops de l’histoire et les créateurs de la série n’ont pas été consultés ni même contactés en amont.

J’aime

L

La première demi-heure est sympathique

J’aime moins

K

Mise en scène sans talent

K

Intrigue capillotractée

K

Résolution bourrée au chausse-pieds

K

Messages très limites

K

JEM n'est pas l'héroïne de son propre film

K

Aucun antagoniste réel