Soul Hackers 2 est la suite de Devil Summoner: Soul Hackers et le cinquième volet de la série. Débuté en 1997 sur Saturn et PlayStation, cette licence se veut être un spin-off des Shin Megami Tensei.

Malgré un succès somme toute relatif en dehors du Japon, l’éditeur tenta en 2003 de revitaliser le premier titre avec une sortie sur Nintendo 3DS à l’international, sans parvenir à trouver son public.

Atlus laissa donc fort logiquement cette série de côté, préférant se concentrer sur les Persona, bien plus vendeurs. Pourtant, ce 24 août 2022, un nouvel opus a vu le jour sur toutes les plateformes modernes.

Au programme : un JRPG immense dans une société cyberpunk empruntant grandement à un certain Persona 5 Royal. Mais n’est pas Royal qui veut…

Editeur(s)
SEGA
Sortie France
25 août 2022
PEGI
+16 ans
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Support de test Xbox Series

Les hackeurs d’âmes ne sont pas de retour

Comment reprendre une licence à l’arrêt depuis pratiquement 20 ans ? Sans doute était-ce le principal défi de l’équipe de développement. Si d’autres se seraient contentés de sortir un Remastered au rabais du premier opus avant d’embrayer sur la suite ; Atlus et SEGA ont pris un parti radicalement différent.

Fi du passé malgré son titre, Soul Hackers 2 reprend sur des bases neuves en vous proposant une intrigue totalement originale, loin des canons usuels du genre. Particulièrement dense, riche et intense ; le scénario du jeu tente d’abbatre toutes les cartes qui sont à sa disposition pour séduire.

Vous y incarnez Ringo, une entité numérique créée par une intelligence artificielle particulièrement développée, répondant au nom d’AION. Elle et sa sœur Figue sont envoyées en mission dans le monde des hommes afin d’en sauver deux bien particuliers.

D’après les prévisions de l’I.A., la mort de ces deux personnes pourrait provoquer une série d’événements catastrophiques menant à l’extinction pure et simple de l’espèce. Malgré ses prérogatives, AION décide donc de quitter son rôle d’observatrice et d’agir via ses deux créations.

N’importe quel JRPG se serait sans doute contenté de cette intrigue principale pour dérouler son scénario. Mais vous n’êtes pas devant n’importe quel jeu. Vous êtes devant une production signée Atlus.

Rapidement, Ringo et Figue découvrent que si ces deux individus étaient menacés de mort, ce n’était pas sans raison. Une organisation est à l’œuvre dans l’ombre, à la recherche de cinq personnes dont l’âme héberge un Covenant, sorte de fragment divin. Et si quiconque parvient à absorber l’ensemble de ces fameuses entités, il obtient la puissance absolue.

Votre héroïne, accompagnée d’une belle brochette d’autres compagnons de route, va donc parcourir la ville et ses alentours en quête des Covenants afin de coiffer au poteau cette fameuse organisation.

De nouveau particulièrement complexe et lourd, l’intrigue de ce Soul Hackers 2 se digère bien difficilement. Trop d’informations sont martelées dans un laps de temps très court, ne permettant pas au joueur de s’y retrouver ni d’éprouver une quelconque implication.

Pis encore, l’exécution est d’un manichéisme effarant. D’un côté, vous avez le groupe de gentils qui vont tenter de sauver le monde ; de l’autre, les méchants qui veulent le détruire.

C’est d’autant plus troublant que les bases scénaristiques auraient aisément permis aux développeurs de proposer tout autre chose. Figue et Ringo n’étant pas humaines, elles sont spectatrices des événements et ne s’y impliquent que sur demande d’AION ; sans pour autant se sentir particulièrement concernées.

Avec ce regard, froid, apathique et impavide ; elles auraient pu apporter une neutralité fort bienvenue dans le récit. Leur implication est au contraire très prononcée, surtout du côté de Ringo.

Par chance, le jeu s’étoffe au fur et à mesure de votre progression via pléthore de sous-intrigues et autres réflexions sur le monde bien réel. Parfois très profond et aux faux airs de pamphlet, Soul Hackers 2 séduit bien plus par ses non-dits que par son scénario.

Ce sont des pans entiers de notre mode de vie actuel qui sont ici pointés du doigt, allant du consumérisme en passant par la surabondance de technologie ou la croyance comme seul horizon.

La métaphore de la ville, s’agrandissant au fur et à mesure de votre progression tel un miasme envahissant, est d’ailleurs particulièrement bienvenue. Cette dernière semble vivante, bouillonnante ; son cœur battant au rythme effréné des événements qui s’enchaînent et dont la majorité des habitants n’ont pas conscience.

Tout comme dans Cyberpunk 2077, Soul Hackers 2 place l’intégralité de son intrigue au sein de cette mégalopole tentaculaire. Malgré la crainte de se retrouver devant des incohérences à outrance à cause de ce cloisonnement de l’espace, vous serez sans nul doute agréablement surpris par le nihilisme profond qui s’en dégage, autant que par la logique qui se tisse au gré des heures.

Atlus vous livre ici un récit réalisé avec brio, fort de nombreux messages particulièrement éclairés… pour peu que vous preniez le temps de sortir des sentiers battus, de vous intéresser aux différentes quêtes secondaires ainsi qu’aux PNJ qui vous entourent.

Comme dans la plupart de leurs productions, c’est par l’intermédiaire des protagonistes que tout se joue. C’est autour d’eux que gravitent les sous-intrigues les plus intéressantes, que le lore prend réellement son envol, avec une qualité d’écriture proche de ce que vous pouviez retrouver dans un certain Persona 5 Royal.

Il est particulièrement surprenant de constater cette différence de traitement entre le scénario principal et les annexes, comme si les développeurs redoutaient de proposer une intrigue trop sombre, mature ou ancrée dans le réel.

Soul Hackers 2 dispose de qualités indéniables, et c’est notamment le cas de sa traduction française. Riche en vocabulaire désuet, en tournures particulièrement douces à l’oreille, d’une diversité lexicale simplement exceptionnelle ; le titre d’Atlus vous livre ce qu’il convient de classifier comme l’une des meilleures localisations de JRPG.

Malgré tout demeure un point particulièrement négatif concernant tant à la fois l’intrigue que le gameplay du titre : le concept même de « hack » des âmes. Le titre est intégralement construit comme une enquête, sorte de « whodunit » cyberpunk magistrale dont le point d’orgue est cette fameuse compétence propre à Ringo et Figue.

Pourtant, les développeurs ont pris le parti de se contenter de vulgaires cinématiques pour illustrer ces passages, sans même prendre la peine d’envisager de les transformer en réelles séquences de jeu. Un choix étrange, pour ne pas dire singulier, qui nuit grandement à l’immersion. Systématiquement, vous vous attendez à découvrir une nouvelle mécanique ; qui malheureusement n’arrive jamais.

N’est pas Royal qui veut

Comment revenir après une si longue absence et, surtout, après le succès incontestable de Persona 5 Royal ? Sans doute était-ce la principale interrogation d’un studio qui, pour ne surtout pas déplaire à son nouveau public, a simplement pris la pire décision possible : singer pratiquement toutes les mécaniques de ce dernier.

Ne vous attendez pas à la moindre nouveauté ou originalité de gameplay. Soul Hackers 2 est tout simplement une pâle copie de Persona 5… en moins bien.

Vous allez de fait retrouver l’ensemble des compétences usuelles de la série, la même progression au sein de donjons, les mêmes enchaînements lors des combats ; sans jamais proposer d’alternatives ou d’idées neuves.

Pis encore, la redondance va jusqu’à toucher au cœur du scénario ou des diverses mécaniques propres au titre. De fait, pour n’importe quel habitué des jeux signés Atlus, la surprise est tout simplement aux abonnés absents.

Il est d’autant plus dommageable que le studio est connu pour la diversité de ses expériences. Notamment via certains concepts novateurs. Par exemple, un certain dungeon crawler sorti en 1997 sous le nom de… Soul Hackers.

Excessivement différent du premier opus, ce Soul Hackers 2 n’a peu ou prou rien à voir avec son aîné, au point qu’il est difficile de croire qu’ils fassent partie de la même licence. Tout au contraire, il aurait été plus à sa place en tant que spin-off de Persona.

Et si seulement les problèmes s’arrêtaient là… Toujours dans cette optique de singer leur titre à succès, les développeurs ont choisi d’imposer une interface particulièrement sobre, entièrement écrite en blanc sur fond noir, sans autres options disponibles. Une tare qui touche de plus en plus les jeux du studio et qui est grandement préjudiciable à une partie des utilisateurs.

Si ce choix était particulièrement logique et justifié dans l’homogénéité colorimétrique d’un Persona 5 Royal, ici il contraste totalement avec l’ambiance neopunk synthwave mise en avant. Une décision discutable et discriminante.

Et les incompréhensions s’enchaînent lorsque vous découvrez certains choix de gameplay fort discutables, comme l’impossibilité d’afficher la moindre carte dans les donjons, l’obligation de quitter une zone si vous affichez ladite carte en ville (sans retour en arrière possible), ou encore le design uniformisé des ennemis hors des combats.

Ce dernier point, clairement inspiré de Tokyo Mirage Sessions, est totalement inapproprié dans Soul Hackers 2. Car s’il était logique de retrouver cette sobriété dans un jeu WiiU ou Switch ; ici vous êtes sur la toute dernière génération de consoles et rien scénaristiquement ne le justifie non plus. Même Shin Megami Tensei V a su évoluer sur ce point.

Mécanique particulièrement frustrante, elle impose de plus d’engager un combat pour découvrir quel ennemi vous allez affronter. Une tare qui rend les quêtes particulièrement longues et fastidieuses.

Punk à I.A.

Soul Hackers 2 se veut être un jeu se déroulant dans un Japon futuriste cyberpunk. Si l’idée est bonne, force est de constater que les développeurs n’avaient tout simplement aucune idée de ce qu’est en réalité le genre ni la moindre connaissance de ses codes esthétiques.

Particulièrement beau et fort d’une ambiance synthwave, le moteur du jeu ose un Cell Shading réussi et immersif. Les divers environnements sont agréables à parcourir, les biomes diversifiés et l’exploration toujours aussi prenante.

Vous allez de surprises en découverte, sans jamais vous ennuyer. Certaines incohérences viennent cependant frapper le titre de plein fouet. Comme l’utilisation des labyrinthes à outrance. Si dans la majorité des productions du studio cette structure se justifie, il est ici particulièrement difficile de l’accepter eu égard de son côté « réaliste ».

Pour mieux expliciter ce point, disons que les différents bâtiments que vous allez explorer ne peuvent, en toute logique, pas proposer de chemins de traverse et autres allées biscornues se finissant en cul-de-sac ; puisque ce sont des lieux utilisés quotidiennement par les habitants de la cité et non des dimensions annexes ou univers parallèles.

Visuellement réussit et disposant d’une direction artistique vraiment prenante, Soul Hackers 2 aurait eu tout à gagner à peaufiner ses finitions (et surtout son gameplay) pour espérer atteindre la superbe de ses ainés.

J’aime

L

Un excellent scénario…

L

Un gameplay très plaisant…

L

Un sous-texte terriblement nihiliste

L

Excellente traduction française

L

Des personnages impactants et attachants

L

Une très bonne D.A. synthwave

J’aime moins

K

… mais particulièrement lourd

K

… mais qui imite beaucoup trop ses aînés

K

Les « hacks » d’âme ne sont que des cinématiques

K

Un level design injustifiable