Ah Prince of Persia… Pour tout trentenaire un peu boomer ayant fait ses armes dans les années 90, cette licence est tout bonnement légendaire. On parle ici d’une saga ayant tout simplement révolutionné le médium à trois reprises. Rares sont celles à pouvoir en dire autant.
De sa première itération en 1989 (par Jordan Mechner) qui posa les bases du jeu d’aventure moderne et dépassa toutes les attentes par son utilisation astucieuse de la rotoscopie, jusqu’à la trilogie des « sables du temps » redéfinissant les codes du genre ; Prince of Persia est tout bonnement un héritage à choyer.
Et pourtant, la série revient de loin. Après être passée entre les mains de plusieurs studios ; c’est finalement Ubisoft qui fait l’acquisition des droits afin de proposer sa propre vision du titre inspiré des mille et une nuits.
Et même là, beaucoup l’oublient, mais on retrouve pour l’opus « Les Sables du Temps » (le meilleur pour beaucoup, dont moi) le fameux Jordan Mechner au scénario.
Fort de ce succès (mérité), Ubisoft enchaîne avec la production de deux suites : l’Âme du Guerrier et Les Deux Royaumes. Des jeux radicalement différents surfant sur cette volonté à l’époque si prégnante de proposer des univers plus « matures » et « sombres », au grand dam d’une génération de joueurs bercés par l’onirisme dont la série baignait jusqu’alors.
Conscient de cette différence de ton, Ubisoft propose en 2008 un reboot complet de la série avec le sobrement nommé Prince of Persia, titre voulant renouer avec l’exploration, la magie et l’onirisme des origines… et l’accueil fut plus que mitigé (pour des raisons qui m’échappent totalement).
Face au succès du tout jeune Assassin’s Creed, reprenant peu ou prou les idées développées dans la série qui nous intéresse aujourd’hui, Ubisoft la met en pause. Durant seize longues années.
Mais le temps n’est que déraison dans l’univers de Prince of Persia. Cette fois-ci, le titre est intégralement développé par Ubisoft Montreal. Et il est temps (justement) de découvrir si ce dernier est fait pour vous.
Deux épées, un royaume à sauver
Prince of Persia : The Lost Crown se présente d’emblée comme un reboot complet de la série, faisant fi de l’ensemble des autres opus (que ce soit dans sa construction, sa narration ou même ses personnages). Fi donc des Sables du Temps, du Prince anonyme devant sauver son royaume ou de la belle Farah.
Vous incarnez Sargon (et les dieux savent que les laves-linge durent du plus longtemps avec Sargon), dernière recrue des Immortels, considérés comme l’élite des guerriers Perses.
Et les choses vont de mal en pis, puisqu’en plus des sécheresses et des pénuries, le royaume est en proie à une invasion de la part des Kushans. Persépolis, la capitale, est cernée de toute part. C’est donc à vous et à vos amis de vous unir pour la libérer.
Ce prologue, sous forme d’immense niveau tutoriel, vous enseigne les bases du jeu ; et plus particulièrement son système de combat. Et à ce titre, Prince of Persia : The Lost Crown met les petits plats dans les grands pour tenter de séduire toutes les générations de joueurs.
Certes, vous ne retrouverez pas les mécaniques qui faisaient le sel des opus précédents ; mais ce dernier n’est pour autant pas à prendre à la légère. Quel que soit le niveau de difficulté sélectionné, le titre s’avère plutôt retors et exige une bonne dose de maîtrise.
Sargon peut attaquer avec ses deux sabres dans toutes les directions, mais également déclencher des combos dévastateurs en jouant habilement sur l’angle de votre stick analogique droit. Une parade est également de la partie, indispensable pour vous défaire de certains adversaires. En maintenant appuyée la touche d’attaque, Sargon charge une technique différente en fonction du nombre de coups initiés. Enfin, une jauge se charge au fur et à mesure des affrontements et permet de déclencher une sorte d’attaque ultime dévastatrice.
Il en résulte un titre particulièrement nerveux et agréable à prendre en main lors des affrontements, demandant un minimum d’investissement pour vraiment en maîtriser tous les codes.
Le Temple du Temps
Ubisoft Montreal n’a bien entendu pas oublié l’origine de la saga, et le temps joue toujours un rôle particulièrement important dans cet opus. Certes pas dans son gameplay, du moins pas de manière aussi prégnante que dans les autres opus ; mais bien plus dans l’intrigue.
Ainsi, une fois la cité libérée, le fils de la reine Thomiris va se faire enlever. Le vrai jeu prend place dans une ancienne citadelle en ruine, vestige d’une époque oubliée datant du règne de Darius 1er.
Prince of Persia : The Lost Crown peut se targuer de disposer d’une narration particulièrement agréable, totalement en français (textes et voix), portée par des comédiens particulièrement impliqués qui parviennent à donner vie aux différents protagonistes que vous allez être amené à côtoyer.
Contrairement à d’autres productions du studio, il faut reconnaître au jeu de moins souffrir de facilité d’écriture. Le scénario, tout en nuances, parvient à se doter de quelques moments particulièrement épiques et de retournements de situations plutôt inattendus.
Ne vous attendez cependant pas non plus à un chef-d’œuvre littéraire ; mais Prince of Persia : The Lost Crown se situe clairement dans la moyenne des anciens jeux de la licence. Il aurait sans doute mérité un traitement un poil plus exigeant de la part du studio, se heurtant régulièrement à des anachronismes assez gênants, surtout en ce qui concerne le niveau de langage et les expressions employées.
Quelques maladresses et facilités sont également à noter, mais qui n’entachent jamais la qualité du travail effectué… Sinon en ce qui concerne les Immortels. Ces derniers, pourtant dépeints comme de simples humains particulièrement puissants, sont rapidement iconisés via un code couleur pétaradant et assez risible. Quelques cinématiques tentent de les iconiser, mais s’échouent face au ridicule donné par une esthétique trop proche des Power Rangers.
Les Montagnes Perses
Graphiquement, Prince of Persia : The Lost Crown se situe pile au cœur d’une vallée dérangeante relativement préjudiciable. Si les protagonistes disposent tous d’illustrations absolument magnifiques, si les décors sont particulièrement inspirés et le level design vraiment intense ; force est de constater une partie technique qui dessert rapidement son propos.
Plutôt que de proposer uniquement un jeu en 2D, Ubisoft a en effet choisi… la 2.5D. Entendez par là que tous les éléments sont modélisés en 3D, mais que Sargon se déplace sur un plan purement horizontal.
Et si ce genre de décision artistique peut faire sens dans certains titres, le studio semble avoir totalement oublié sur quel terrain il jouait. Car Prince of Persia : The Lost Crown est avant tout un métroidvania, genre sur-représenté par des cadors indétronables.
Graphiquement donc, Prince of Persia : The Lost Crown se positionne sur un segment pris par… Metroid Dread, oubliant purement et simplement des chefs-d’œuvre visuels comme Hollow Knight, 9 Years of Shadow, Sea Rats ; ou le tout récent Afterimage (dont je ne cesserai jamais de chanter les louanges).
Par bien des aspects, Prince of Persia : The Lost Crown semble s’appuyer sur l’expérience du studio acquise avec Assassin’s Creed Chronicles. Et si ces titres sont particulièrement bons, ce serait oublier qu’ils sont sortis initialement… sur PsVita. Des jeux issus d’un autre âge, et qui déteignent clairement sur celui qui nous intéresse aujourd’hui.
À ce niveau-là, cette nouvelle itération des aventures du Prince semble avoir des années de retard et ne parvient jamais à tenir le rythme face aux nombreux Metroidvania qui ne cessent de sortir sur Nintendo Switch.
L’exploration à son paroxysme
Prince of Persia : The Lost Crown n’est certes pas le plus beau des Metroidvania, mais il peut se targuer de disposer d’une exploration absolument sublime.
Tout au long des 15 à 20 heures qu’il vous faudra pour en venir à bout, jamais vous n’allez vous ennuyer. Que ce soit via les puzzles, phases de parkour, combats de boss, etc. ; le titre sait tenir le joueur en haleine de la meilleure des manières.
Le level-design, également très inspiré, propose de revenir régulièrement dans des zones déjà explorées afin de débloquer divers secrets et bonus non négligeables. Et pour parvenir à donner l’envie au joueur de toujours aller plus loin, Ubisoft a fait un choix à la fois surprenant et ingénieux : ne pas proposer de système de niveaux.
Eh oui : dans Prince of Persia : The Lost Crown, il n’y a pas d’expérience à gagner. Vaincre vos adversaires vous rapporte des cristaux, nécessaires pour acheter diverses améliorations. D’autres sont débloquables uniquement en explorant le temple, ce qui vous entraîne toujours à vouloir découvrir le moindre secret afin de gagner en puissance.
J’aime
Un système de combat nerveux et exigeant
Des phases de plateformes vraiment agréables
Des illustrations magnifiques
Des comédiens de doublage totalement impliqués
En français (textes et voix)
Un excellent level-design
J’aime moins
Quelques facilités scénaristiques
Un ton global en décalage avec la période historique
Quelques visuels « power rangers » risibles
Techniquement daté
Conclusion : Un retour en force pour le Prince
Prince of Persia : The Lost Crown n’est certainement pas le meilleur opus de la série, se positionnant toujours derrière le merveilleux « Les Sables du Temps » qui pourtant accuse son âge.
Cependant, le studio Montpelliérain a eu la brillante idée de proposer ce reboot dans un genre jusqu’alors inexploré par la licence : le métroidvania. Nul besoin de comparaison, donc, sinon avec les ténors d’un genre qui compte déjà des dizaines de nouveaux représentants chaque année.
Avec son système de combat nerveux, son exploration réussie et son level-design absolument palpitant ; le titre parvient à se hisser parmi les meilleurs jeux du genre.
Souhaitons à ce Prince of Persia : The Lost Crown tout le succès qu’il mérite, ne serait-ce que pour motiver le studio à faire enfin revenir la licence sur le devant de la scène.