Le studio japonais Marvelous est décidément en odeur de sainteté ces derniers temps. Malgré le schisme de leur principale production (Harvest Moon) laissant place à Story of Seasons et des productions moins soignées comme Rune Factory 5 ou le tout récent Trinity Trigger, ce dernier ne semble pas vouloir baisser les bras et multiplie au contraire les concepts originaux et les projets d’envergure.

C’est ainsi que les joueurs ont pu découvrir des titres comme Daemon X Machina, Deadcraft, Sakuna, No More Heroes 3… ou le jeu qui nous intéresse justement aujourd’hui, Loop8: Summer of Gods.

Mais si cette profusion de productions peut laisser pantois, c’est généralement au détriment de la qualité. Ou, du moins, à un clair manque de finitions. Est-ce le cas encore une fois ici ? C’est ce que nous allons découvrir tout de suite.

Editeur(s)
Marvelous
Sortie France
12 juin 2023
PEGI
+12 ans
Liens Site Officiel
Support de test Xbox Series

Cinq jours sans fin

Loop8: Summer of Gods se déroule dans un Japon dystopique. Les humains sont, depuis toujours, confrontés à des créatures monstrueuses ravageant tout sur leur passage.

Afin de pouvoir survivre, ces derniers ont construit d’immenses stations spatiales dans lesquelles s’entasse la majeure partie de la population.

Malheureusement, celles-ci ne sont pas autonomes. Une poignée de gens sont donc contraints de continuer à vivre sur Terre, cherchant à se protéger des Kegai. Par chance, il existe de rares Sanctuaires étonnamment épargnés de l’invasion de ces créatures.

Votre héros, Nini, est banni de l’une de ces stations pour une raison inconnue ; et se retrouve par la force des choses dans un sanctuaire : Ashihara, petite bourgade japonaise côtière où il fait bon vivre.

Recueilli par des membres de sa famille éloignée, Nini va devoir réapprendre à vivre dans un environnement très différent, se faire des amis et trouver sa voie.

Mais les Kegai ne sont pas loin. La protection, qui jusqu’alors entourait le village, est sur le point de céder. Pour être plus précis, dans 5 petites journées, la ville sera rasée et tous ses habitants éliminés.

Nini n’a que peu de temps pour trouver un moyen de sauver la population d’Ashihara, mais aussi pour découvrir tous les secrets dissimulés en ville. Par chance, cette dernière est protégée par des dieux et enfermée dans une boucle temporelle.

Un long pitch pour poser les bases de ce qu’est réellement Loop8: Summer of Gods, mais nécessaire à la compréhension de cette structure scénaristique tout à fait surprenante.

Si l’idée de placer le joueur dans une boucle n’est pas nouvelle (et rarement une bonne idée), force est de constater que la réalisation met tout en œuvre pour se démarquer des autres productions de cet acabit.

La grande force du titre réside essentiellement dans les mécaniques mises en place pour concrétiser cette idée, mais j’y reviendrai tantôt. Pour l’heure, je vous parle uniquement du scénario.

Sur ce point, Loop8: Summer of Gods parvient sans peine à éviter la majorité des pièges inhérents à ce genre de narration. Très loin du désastre qu’a été Little Witch Academia: Chamber of Time en son temps, le jeu de Marvelous « triche » en vous faisant revivre toujours la même période temporelle sans pour autant vous imposer sans cesse les mêmes scènes.

Certes, quelques passages sont identiques et des dialogues se répètent. Ainsi, le premier jour de Nini est systématiquement peu ou prou le même… Mais les développeurs ont eu la sagacité de l’introduire en accéléré, allant directement à l’essentiel.

De même, il est possible de passer les dialogues déjà lus d’une simple touche ; évitant ainsi de vous contraindre à revivre sans cesse les mêmes présentations.

Car forcément, votre héros étant un nouvel arrivant en ville, il doit bien rencontrer encore et encore les mêmes protagonistes, souvent dans des scènes identiques.

Pour le reste, la grande liberté d’action permet au joueur de choisir assez facilement la manière dont il va aborder chaque boucle, vous permettant ainsi de choisir un angle tout à fait différent.

Éviter l’école le premier jour pour aller à la plage vous empêche certes de rencontrer votre professeur ou de voir l’avertissement de Beni, mais en contrepartie, vous en apprenez plus sur Machina ou Ichika.

L’idée originale (et surprenante) de Loop8: Summer of Gods vient du fait que, contrairement aux productions similaires, votre héros ne se souvient pas des boucles précédentes. Le joueur est donc « désincarné » de son avatar et en sait plus que le protagoniste principal, ce qui vous octroie la liberté de lui faire vivre des situations totalement différentes à chaque fois.

Modifier ainsi ses actions a de réelles conséquences sur le futur, sans pour autant imposer un chemin unique. Entendez par-là qu’il n’est pas possible de « speedruner » le jeu en connaissant par avance les actions idoines pour sa résolution. Vous devez revivre les boucles, en apprendre plus, développer vos relations, pour espérer vous en sortir.

Via ces truchements scénaristiques, Loop8: Summer of Gods est une réelle réussite, prenante et haletante. Bien entendu, un bon scénario n’est rien sans une mise en scène adaptée. Et là encore, le jeu surprend agréablement en mélangeant deux genres très différents : le Visual Novel et le RPG.

Digne des meilleurs animés ?

S’il est une chose que l’on ne reprochera pas à Loop8: Summer of Gods, c’est bien sa réalisation. Visuellement magnifique, le titre ose une approche graphique originale et surprenante en mettant en scène des modèles de personnages en 3D sur des décors en 2D dessinés à la main.

Surprenante au début, cette direction artistique est dans la droite ligne de ce qui est proposé depuis quelques années par les studios d’animation. Mais contrairement à ces productions, ici l’effet fonctionne parfaitement.

L’intégration des protagonistes dans les décors est tout simplement impressionnante. Esthétiquement très proche de ce qu’on peut retrouver habituellement dans les VN, les décors sont chamarrés et chatoyants, un régal pour la rétine baignant dans cette ambiance si typique des shōjo estivaux.

Loop8: Summer of Gods évoque l’amour à la plage, les balades le long des voies ferrées et les rencontres fortuites au temple, le tout sous une pluie de pétales de cerisier. C’est une vision magnifiée du Japon, sans une once de tristesse ni de perdition.

Par chance, le studio a eu l’excellente idée de conserver des modèles 2D pour les phases de dialogues, avec cette mise en scène si typique des VN (personnage centré, grande fenêtre de dialogues, textes très gros), renforçant ainsi ce sentiment d’être simplement devant une production classique.

Bien que la ville ne soit pas imposante, chaque décor y est travaillé avec le plus grand soin, d’autant qu’il est possible de tous les visiter à différents moments de la journée.

Une belle réussite, vraiment agréable à parcourir, mais qui souffre malheureusement de quelques écueils que je détaillerai plus bas. Pour l’instant, il est temps de voir comment le studio est parvenu à concrétiser cette production hybride…

Final Doki Doki Fantasy

Pour concrétiser la vision du studio et éviter que le joueur ne lâche trop rapidement la manette de frustration, Marvelous a réussi un savant mélange des genres parfaitement maîtrisé.

Vos cinq jours vont donc être jalonnés de découvertes, de rencontres et de combats.

Pour matérialiser cette narration singulière, Nini et ses amis doivent améliorer leurs relations via un système inspiré des Visual Novels, simple et pourtant profond.

En résumé, les différents protagonistes disposent de deux « caractéristiques » qui sont conservées au-delà des boucles : le niveau de relation et les bénédictions.

Divisés en trois catégories, les sentiments des héros les uns envers les autres sont simples à comprendre : tendresse, haine ou amitié. Ces jauges augmentent grâce aux actions réalisées ensemble. Ainsi, il est possible de discuter, taquiner, complimenter ou encore inviter à sortir tous les habitants d’Ashihara.

Bien entendu, de nombreux facteurs sont pris en compte dans la réussite ou l’échec de ces propositions. Si un personnage passe une mauvaise journée, il réagira sans doute assez mal à une pique. Si un autre a très envie d’aller à la plage, lui proposer cette activité peut avoir des effets très positifs sur votre relation.

L’idée particulièrement intéressante du titre vient du fait qu’il n’y a pas de « bonne » manière d’aborder le jeu. Ainsi, la haine n’est pas forcément une mauvaise option, puisqu’une fois en combat, les dégâts infligés sont boostés… au détriment de l’entente, forcément.

Au contraire, allumer la flamme de la passion entre deux individus va minimiser leur efficacité en combat, mais augmenter drastiquement les chances de soins ou d’entraide.

C’est donc un savant mélange qu’il faut parvenir à maintenir afin d’augmenter ses chances de sauver le monde, parfois aux dépens d’un avenir radieux.

En combat, cette partie Visual Novel est exprimée par des types d’attaques spécifiques. Vous avez à tout moment la possibilité de voir les relations entre les membres de votre groupe, mais aussi de choisir ceux qui vous accompagnent. Les affrontements s’avèrent donc particulièrement stratégiques et doivent être appréhendés au prisme des situations.

Car gagner ou perdre des points de relation est particulièrement rapide. Parfois, il suffit de dire « bonjour » au mauvais moment pour dégrader l’amitié. À d’autres moments, une tendresse naturelle va se créer.

Concernant les bénédictions, ces dernières offrent des améliorations de statistiques ou d’entente qui perdurent au-delà des boucles. Certaines sont simples à trouver (il suffit d’interagir chaque jour avec des éléments précis du décor), d’autres nécessitent des dialogues spéciaux ou d’améliorer l’entente des protagonistes.

Encore une fois, une merveilleuse idée qui pousse le joueur à vouloir en apprendre plus sur les quelques habitants de la ville afin de devenir plus fort et, de fait, pouvoir avancer dans le scénario.

Mais si ce système tout à fait original est très appréciable, il manque malheureusement une once de finalisation pour vraiment faire de Loop8: Summer of Godsun grand jeu…

L’empreinte Marvelous

Eh oui, vous l’aurez compris : Loop8: Summer of Gods dispose de bases extrêmement solides, d’un scénario vraiment passionnant et d’idées de réalisation sincèrement bonnes. Mais on ne change pas une équipe de développement, et le titre souffre des tares habituelles du studio nippon.

Loop8: Summer of Gods manque de travail. Ainsi, le système de combat est, la plupart du temps, incompréhensible ; d’autant que les affrontements sont fort rares.

Vous pouvez aisément passer des heures entières sans rencontrer le moindre Kegai, multiplier les boucles et pour autant ne jamais vous battre. Le corollaire est simple à comprendre : une fois au cœur de la bataille, il est aisé d’oublier les mécaniques si complexes mises en œuvre par le jeu.

La défaite est donc régulière, et chaque mort vous renvoie immédiatement au début d’une nouvelle boucle… vous contraignant à revivre encore et toujours ces situations pour parvenir à débusquer le Kegai et reprendre là où vous vous étiez arrêté.

Et parlons-en justement de ces combats… Pour une raison obscure, même sur Xbox Series, le jeu subit durant ces phases de très, très lourdes chutes de framerate, des lags, et souffre de problèmes de caméra. Si ces écueils sont compréhensibles sur Switch, ils ne devraient tout simplement pas avoir cours sur une console de dernière génération.

Une seule explication à cela : toutes les versions sont identiques. Plutôt que d’optimiser le titre console par console, Marvelous a choisi la voie de la simplicité en ne livrant qu’une seule version, quitte à sacrifier l’expérience de certains joueurs.

Par « chance », de nouveau, les affrontements ne sont pas légion et il est parfaitement possible d’arriver au bout du jeu sans trop rager. Cependant, j’espère un patch rapide afin d’offrir à Loop8: Summer of Gods les titres de noblesse qu’il mérite.

Continuons en évoquant le système de « journées » ou, pour être plus précis, le temps qui passe. Directement recopié des Story of Seasons où une seconde réelle correspond à une minute en jeu, ce dernier est totalement hors de propos.

Vous allez passer vos journées à courir, cherchant à optimiser vos déplacements avec cet étrange sentiment que votre héros est un grabataire flanqué d’un déambulateur. Il lui faut, en exemple concret, pas moins de 20 minutes pour traverser la cour de son minuscule lycée de campagne. Sachant qu’en prime, chaque action « coûte » une durée fixe (s’entraîner ou étudier prend 90 minutes), les journées passent comme un éclair.

Le nombre d’actions réalisables au sein de la même boucle est donc extrêmement limité, et il est rarement envisageable de tout faire sans sacrifier le plaisir de la découverte.

Enfin, est-il possible de passer sous silence le problème des bénédictions ? Comme dit précédemment, ces dernières sont la seule et unique manière d’augmenter les statistiques des personnages afin de s’en sortir en combat. Le problème, c’est que la majorité de ces dernières sont disposées à des endroits fixes.

De fait, vous allez rapidement vous planifier un trajet idoine entre chaque boucle, à répéter chaque jour, afin de maximiser vos chances de vous en sortir… une nouvelle fois au détriment d’une exploration plus apaisée et libre.

J’aime

L

Une Direction Artistique très Shōjo.

L

Des personnages attachants

L

Un mélange des genres qui fonctionne

L

Une intrigue vraiment intéressante

L

D'excellentes idées de mise en scène

L

Un système de relations réussi

J’aime moins

K

Une gestion du temps mal pensée

K

Un système de combat inutilement complexe

K

Des chutes de framerate et des lags en combat