En novembre 2022, soit il y a un peu plus d’un an, la Pokémon Company livrait sa copie de la toute dernière génération en date de sa célèbre licence de capture de monstres : Pokémon Violet Écarlate.

Après un 8e épisode qualitativement discutable et un excellent opus « Légende » apportant un vent de fraîcheur à la série ; il est temps de passer au test complet de cette nouvelle génération.

Le jeu dont vous n’ÊTES PAS le héros

Commençons tout de suite par ce qui constitue non pas un point négatif, mais bel et bien un aspect particulièrement frustrant de Pokémon Violet : son scénario.

Vous y incarnez un jeune protagoniste (customisable) nouvellement admis dans la célèbre Académie Raisin de Paldéa. Très vite, vous allez faire la rencontre de trois personnages « non joueurs » qui vont s’avérer être au cœur du « scénario » : Menzi, Pania et Pepper.

À peine arrivé à l’Académie, votre protagoniste va participer à une Chasse au Trésor, sorte d’activité extra-scolaire lui permettant de découvrir librement la région tout en pourchassant un rêve qui lui est propre. S’il y parvient, il peut alors bénéficier du rôle de « Maître ».

Parallèlement à cela, vous avez faire la connaissance d’un Pokémon « légendaire » : Miraidon. Ce dernier, fortement diminué, va vous accompagner tout au long de vos pérégrinations.

Ce qui motive votre personnage ? Eh bien tout et rien à la fois. Car pour atteindre le terme de l’aventure, ce dernier va simplement se laisser guider sur trois voies différentes, chacune guidée par l’un des PNJ précités. La première, initiée par Menzie, consiste à visiter l’ensemble des arènes et à vaincre les différents champions ; comme dans n’importe quel autre opus de la saga. Un cheminement très classique et qui est, malheureusement, symptomatique de cet épisode : sur le fond excellent, mais dans la forme totalement discutable.

Car cette première quête est également l’occasion de découvrir le principal point négatif de cet opus : les niveaux des adversaires (qu’ils soient Pokémon sauvages, dresseurs ou champions) sont fixés à l’avance, selon des zones prédéterminées ; et qui ne s’adaptent pas à l’évolution de votre propre équipe.

En résulte très rapidement le sentiment de ne pas réellement être libre de ses mouvements ni de son exploration ; puisqu’en choisissant un autre chemin que celui pensé par le jeu, vous allez irrémédiablement vous heurter soit à des ennemis trop puissants… soit trop faibles.

Malgré tout, le scénario de Menzie demeure particulièrement plaisant, d’autant que cette dernière fait (enfin) office de rivale à la hauteur. Pas dans les combats ni la stratégie, mais bel et bien dans son comportement. Menzie est une battante, hargneuse et cherchant à tout prix à devenir la meilleure.

Le second pan scénaristique se concentre autour de la team Star, nouvelle équipe d’antagonistes spécifique à cette génération, via les personnages de Pania et de Clavel.

Et là encore, le résultat est discutable. L’histoire globale de cette nouvelle équipe est particulièrement impactante, traitant d’une bande d’élèves ayant préféré fuguer et s’unir dans le crime plutôt que de continuer à subir le harcèlement scolaire dont ils étaient victimes ; le tout avec une belle dénonciation d’un système scolaire qui préfère fermer les yeux et maintenir l’illusion de la réussite et de l’union.

Problématique : le personnage de Clavel, soit le principal de l’Académie, utilisé ici comme un ressort comique traitant par-dessus la jambe ces notions pourtant essentielles et désacralisant totalement la peine et la souffrance de ces personnages, ainsi que le message qu’ils sont censés véhiculer.

Une décision « compréhensible » d’un point de vue marketing, sans doute dans l’optique de ne pas rendre le titre trop sérieux et ainsi de continuer à séduire un public jeune ; mais particulièrement délétère pour quiconque le remarque.

Enfin, la troisième partie suit les aventures de Pepper, qui cherche un moyen de soigner son Pokémon en récoltant des épices. Celle-ci reprend le principe des boss déjà initié dans Soleil et Lune et s’avère particulièrement prenante… mais met en exergue le principal problème de ce Pokémon Violet plus encore que les autres scénarios : vous n’êtes pas le héros de cette histoire.

Menzie poursuit son rêve de devenir la « meilleure dresseuse », Pania de sauver ses camarades tout en faisant changer les mentalités et Pepper… est tout simplement le protagoniste principal de l’aventure. Son père n’est autre que le professeur (qui l’a abandonné), il est le propriétaire légitime de Miraidon (le légendaire de cette génération), c’est lui qui parvient à débloquer les situations critiques et à déclencher la résolution finale…

Vous ? Vous êtes un PNJ, simple spectateur actif uniquement lors des combats, un suiveur qui constate les événements de l’intrigue sans réellement y prendre part. Et c’est sans doute là le principal défaut de cet opus.

Tout au long de l’aventure, vous n’avez de cesse de vous répéter que vous aimeriez en savoir plus sur ces simples personnages secondaires, dont l’histoire est à peine effleurée. Mais non, le titre ne vous laisse guère que l’illusion d’en être le héros, préférant sacrifier son intrigue au profit d’une « liberté » somme toute relative.

Fausse liberté

Déjà évoquée dans la partie précédente et particulièrement prégnante dans cet opus, le sentiment de liberté proposé par l’Open World de Pokémon Violet s’avère très rapidement incroyablement frustrant.

En cause bien entendu tout d’abord le leveling par zone, c’est-à-dire l’absence de « mise à niveau » de vos adversaires par rapport au vôtre.

Le titre basant son concept comme une version surdimensionnée des « terres sauvages » de Pokémon Épée et Bouclier ; il en reprend également tous les défauts : rapidement, le niveau de votre équipe va devenir plus élevé que celui de vos adversaires, rendant le titre particulièrement simple. Et si vous ajoutez à cela le manque flagrant de cohérence d’équipe ou de stratégie chez vos antagonistes ; il devient évident que cet épisode compte parmi les plus faciles disponibles à ce jour.

Mais le paradoxe vient également de cette acception, puisque si vous avez le malheur de vouloir explorer et de vous « perdre » dans les vastes terres… vous allez irrémédiablement finir par vous confronter à des créatures d’un niveau bien supérieur au vôtre. Pour profiter au mieux de l’aventure, il est donc conseillé de suivre à la lettre le chemin voulu par le jeu, sans jamais avoir l’outrecuidance de vouloir profiter de cette liberté pourtant promise.

Et cette vision étriquée et linéaire du monde n’est pas une mauvaise chose en soi (quoi qu’en disent certains). Tous les jeux ne doivent pas à tout prix vouloir se transformer en Open World… surtout lorsque l’équipe de développement ne comprend pas réellement quelles sont les plus-values pour leur série.

Car clairement ici, disons-le honnêtement, l’Open World ne sert à rien. Incroyablement vide, garni uniquement d’objets totalement aléatoires et de Pokémon sauvages, il ne récompense jamais le joueur pour sa prise de risque ou son exploration.

Pis encore, les différentes zones semblent bien souvent assemblées de manières totalement aléatoires et sans cohérence aucune. Comment justifier l’existence d’une forêt de bambous au pied d’une montagne enneigée juste à côté d’un désert ? Si dans un autre RPG plus modeste et zoné cela ne pose pas le moindre souci, dans un Open World ce genre d’anomalie s’avère particulièrement discutable… et, bien entendu, Pokémon Violet tombe allègrement dans le piège.

Techniquement scandaleux

Pokémon Violet est le dernier opus de la licence la plus lucrative de tous les temps, avec, en août 2021 (étude du laboratoire Statista), quelque 105 milliards de dollars de chiffre d’affaires généré. À titre de comparaison, c’est cinq fois plus que… Mario ou Harry Potter, ou encore plus du double de Star Wars.

Des chiffres hallucinants à faire perdre la raison et qui, à minima, devraient pousser les différentes compagnies impliquées dans la série à imposer des standards de qualité exceptionnels…

Ce n’est pas le cas. Du tout.

On peine à croire être sur un jeu first-party sorti cinq ans APRÈS Breath of the Wild… et pouvant potentiellement bénéficier de bien plus de budget (ou de l’assistance déjà proposée par les développeurs du dernier Zelda en date depuis Épée et Bouclier).

Par où commencer ? Graphiquement, le jeu oscille entre le laid et le franchement immonde, ayant perdu depuis fort longtemps toute once de magie et d’onirisme au profit d’une direction artistique se voulant plus « réaliste »…. Et qui, paradoxalement, n’hésite pas une seule seconde et sans ciller à vous montrer sur la carte du monde des Pokémon censés mesurer 5 ou 6 mètres de moins que votre héros. Un écueil déjà présent sur le précédent opus, mais qui n’a pas changé le moins du monde…

Et pour cause, cette 9e génération utilise le même moteur que son prédécesseur, avec quelques améliorations notables cependant. Il en résulte un univers excessivement creux, sans la moindre cohérence, et qui échoue à simplement proposer le moindre diaporama un tant soit peu original ou surprenant.

Et que dire des assets ? Les modèles de personnages sont drastiquement limités, au point où il n’est pas rare de croiser des clones lors des différentes cinématiques…

Bien entendu, ne comptez plus non plus visiter les intérieurs. Les quelques villes disséminées sur la carte ne disposent que de quelques bâtiments explorables, tous soumis à des temps de chargement absolument… surprenants.

Fi également des centres Pokémon, désormais remplacés par des sortes de stations-services offrant soins, boutique et création de CT. Une déshumanisation pratiquement totale à l’image de la perte de magie de cet univers initialement construit autour de l’invitation au voyage.

Nonobstant la partie purement graphique, force est de constater que le reste est également une honte sans nom. Pokémon Violet est pétri de bugs, malfaçons, textures baveuses, problèmes d’aliasing, d’une distance d’affichage famélique, de chutes fréquentes de FPS…

Des problèmes qu’il est usuel de retrouver sur des productions d’ampleurs… venant d’éditeurs tiers. Mais pour un titre comme celui-ci, disposant d’autant de budget, il est tout simplement inexcusable de se retrouver devant un résultat moins convaincant que Breath of the Wild ou Monster Hunter Rise.

Mais il y a de l’espoir

Malgré tous les points négatifs que je viens d’aborder, il faut reconnaître à ce Pokémon Violet un point indubitablement positif : sa prise de risque.

Plutôt que de se contenter de continuer sur sa formule initiale, la Pokémon Compagnie a en effet pris le risque de proposer de nombreuses améliorations et de sortir de leur zone de confort. Bien que le résultat soit clairement en demi-teinte, cette volonté de se renouveler sans tomber dans l’écueil du copier/coller est clairement à saluer.

Ce n’est, bien entendu, pas le seul aspect particulièrement brillant du titre. Car à cela doit s’ajouter le design des nouvelles créatures présentes. Je passerai une nouvelle fois outre le scénario, au risque de retomber dans une critique particulièrement cinglante, pour me concentrer uniquement sur les parties artistique et compétitive.

Ainsi, vous allez découvrir des monstres particulièrement inspirés et originaux, de Tag-Tag à Miascarade en passant par Carmadura et Malvalame. Les légendaires ne sont pas en reste, s’inscrivant parfaitement dans cette dualité passé/futur. Les Pokémon Paradoxes, nouveautés de cet opus, sont également particulièrement réussis et inspirés ; tout en apportant de nouvelles possibilités stratégiques fort intéressantes.

Ce point précis est d’ailleurs le plus réussi de cette génération. La nouvelle mécanique remplaçant le Dynamax, à savoir la Téracristallisation, s’avère particulièrement plaisante et plus juste ; à mi-chemin entre « Z-Move » et Méga-Évolution.

Elle permet à un Pokémon de prendre un type différent (ou de booster les dégâts de son type d’origine). ET c’est tout. Point de vie supplémentaires ou de dégâts démesurés capables de briser les abris ; fi des capacités rendant inutiles les stratégies les plus retorses. C’est enfin le retour d’une méta plus saine et permettant quelques excentricités.

Une décision fort plaisante, d’autant que l’accent a particulièrement été mis sur cet aspect compétitif. Vous allez, également, découvrir de nouveaux objets, talents et capacités capables de changer totalement le cours d’un affrontement.