Développé par le studio espagnol The Game Kitchen, Blasphemous est un metroidvania teinté de Soulborne, disponible depuis septembre 2019 sur plusieurs supports. Bien entendu, nous allons nous attarder sur la version Nintendo Switch du titre.

Editeur(s)
Team17
Sortie France
10 sept. 2019
PEGI
+16 ans
Liens Site Officiel
Support de test Nintendo Switch

Une Divine Comédie

Une femme fit un vœu. Genoux pliés, une statuette martelant encore et encore sa poitrine, elle demanda à Dieu de montrer les péchés de tous au grand jour. Et, tandis que l’icône se transforma en épée déchirant son torse, son vœu fut exaucé.

Le Miracle eut lieu. Les pécheurs devinrent difformes, monstrueux, courbés sous le poids de leurs transgressions. Les saints, eux, s’élevèrent et furent auréolés d’une divine lumière.

Vous incarnez le Pénitent, supposément décédé, il se relève d’entre les morts avec un seul objectif : l’Ultime Blasphème. Défier Dieu, arrêter le Miracle. Quel qu’en soit le prix.

Armé de votre fidèle épée dont la poignée est ornée d’une épine qui vous lacère la peau, votre visage masqué sous un capirote bardé d’une couronne tranchante ; vous entamez votre périple dans le silence, la solitude et la souffrance au cœur des terres de Custodia.

Blasphemous est… à mi-chemin entre le chef-d’œuvre narratif et l’abomination scénaristique. Fort d’une ambiance unique mettant en exergue toute la décadence religieuse, sans jamais tomber dans la simplicité de l’insulte gratuite ni, et c’est un comble, du blasphème ; le titre est avant tout un récit pseudo-biblique singulier et majestueux.

Certes excessivement obscur, il demande au joueur une grande dose d’abnégation et de volonté pour ne pas, tout simplement, laisser tomber. La majorité des dialogues et cinématiques sont cryptiques, narrés avec la prose hermétique du catholicisme antique.

Pour l’avoir intégralement parcouru deux fois, je peux le dire : Blasphemous ne laisse rien au hasard. Ce n’est qu’au prisme d’une seconde partie que tout devient plus clair, bien que toujours aussi complexe. Inadapté à notre époque, tout comme l’est le Pénitent durant son périple ; le titre de The Game Kitchen n’essaye jamais de prendre le joueur par la main, ni même de lui permettre de comprendre son propos.

C’est un chemin de croix qu’il faut faire seul, désemparé par la veule complexité de l’idiome religieux, cherchant à sortir de ce marasme incompréhensible de termes bibliques et de saintes références.

Tout comme l’est Mad God de Phil Tippett, Blasphemous vous embarque dans son intrigue tant à la fois gore et violente ; et pourtant teinté de repentance, d’espoir, de pardon.

Encore un Sanctuaire Salé ?

Blasphemous est un metroidvania. Entendez par là que le cœur du jeu consiste à faire de nombreux allers-retours dans une carte pseudo-ouverte afin de débloquer de nouvelles zones via des pouvoirs et compétences que vous découvrez au fur et à mesure de votre progression.

À ce titre, le jeu s’inscrit dans la droite ligne de tout ce qui a été fait jusqu’alors.

Ne cherchant pas à renouveler le genre, vous êtes en présence d’un side-scroller horizontal tout à fait classique dans sa forme. Que ce soit en termes de level design ou de capacités, la plupart des amateurs seront indubitablement en terrain connu.

Que reste-t-il donc pour lui donner cette petite touche d’originalité ? Eh bien, ce savoureux mélange avec le genre des Soulborne. Oui, Blasphemous est clairement un die & retry. Particulièrement difficile, pour ne pas dire totalement hardcore, le jeu va régulièrement vous mettre face à des boss capables de vous décimer en un ou deux coups, à des ennemis exigeant une bonne maîtrise de la riposte, ou à des pièges mortels.

Problème : Blasphemous arrive trois longues années après un certain Salt & Sanctuary, autre titre ayant déjà mixé ces deux genres si singuliers. Et si comparaison n’est pas raison, elle est parfois nécessaire.

Et force est de constater que cette analogie défavorise clairement Blasphemous. Le titre de The Game Kitchen est certes bon, mais il manque dans la forme d’originalité, de cette touche de singularité qui révélait le cœur et l’âme de Salt & Sanctuary.

Ici, vous êtes face à un titre peu ou prou identique à ce que propose un Dark Souls dans ses phases de combats, et à n’importe quel Metroidvania générique concernant l’exploration. Sans l’originalité de sa narration et la beauté de ses graphismes, nul doute qu’il aurait rapidement sombré dans l’oubli.

Oh, bien sûr, le titre est loin d’être mauvais. Très loin, même. Pour se défendre, le Pénitent compte sur un savoureux mélange de garde, de parade et d’esquive.

Ainsi, la touche R de votre Joy-Con active votre garde, réduisant grandement les dégâts subis. Si vous parvenez à appuyer au bon moment, soit durant l’impact, cette garde rend l’ennemi vulnérable et votre héros peut alors lui asséner un coup puissant. L’esquive, elle, se présente sous la forme d’une glissade avec ZR.

Un système simple en apparence, mais qui demande une bonne lecture du jeu et des réflexes à toute épreuve. Il n’est pas rare de se prendre un coup, et les dégâts infligés par vos ennemis font mal. Très mal.

Pour vous soigner, vous avez à disposition en début de partie deux potions de bile, capables de régénérer environ ¼ de votre barre de santé. C’est peu. De surcroît, vous êtes vulnérable lors de leur utilisation.

À l’image d’un Soulborne, des points de sauvegarde sont régulièrement disséminés sur la carte, restaurant l’intégralité de votre vie, rechargeant vos potions… et ramenant les ennemis. Plutôt bien conçus, ces derniers sont relativement éloignés et imposent une bonne dose de prudence lors de l’exploration.

Enfin, le Pénitent se bat avec une épée : Mea Culpa. Évolutive via un arbre de progression, cette dernière débloque rapidement de nouvelles capacités pour devenir de plus en plus puissante.

Si Blasphemous a bien un point négatif, outre ce manque d’originalité dans son gameplay et sa construction, c’est bel et bien son principe d’évolution. Le Pénitent ne gagne pas d’expérience, mais débloque des améliorations de plus en plus puissantes. Arrivé à la moitié du titre environ, entre la maîtrise des mécaniques et les techniques, vous allez rouler sur le jeu. Tout simplement.

Une courbe de difficulté qui aurait donc mérité d’être un poil plus travaillée pour conserver l’attrait et le plaisir du jeu jusqu’au bout.

De Goya à Hidetaka Miyazaki

Visuellement, Blasphemous est un jeu magnifique. Non content de disposer d’un pixel art du plus bel effet, d’animations vraiment réussies et d’une grande diversité de modèles ; c’est surtout sur son esthétique que le titre se démarque.

Clairement inspiré des peintres espagnols tels que Murillo ou Ribera, le jeu baigne dans une atmosphère religieuse réellement impactante, à mi-chemin entre la Procession des Flagellants de Goya et l’iconographie gothique de Dark Souls.

Là où la violence de son concept exacerbe les nuances de couleurs et les jeux d’ombres et de lumières ; les artistes à l’œuvre derrière Blasphemous savent comment sublimer l’horreur, la rendre poétique et magnifique.

Cette dualité exulte jusqu’au design grotesque des créatures qui hantent Custodia. Même les humains qui n’ont pas été transformés par le Miracle sont généralement montrés de manière totalement déshumanisée. Chaque PNJ, chaque créature, chaque endroit ; dispose d’une esthétique réfléchie et étudiée.

Blasphemous est un jeu tout simplement superbe, qui ne laisse personne indifférent.

J’aime

L

Le scénario, cryptique mais puissant

L

L’esthétique inspirée des peintres espagnols

L

Les animations

L

L’ambiance religieuse

L

Le mélange metroidvania / die & retry

J’aime moins

K

Un gameplay très commun

K

Une courbe de difficulté un peu faiblarde sur la fin