Gord est le premier jeu du studio polonais Covenant, une jeune entreprise très prometteuse, essentiellement composée de vétérans de l’industrie issus de CD Projekt Red (Cyberpunk 2077, The Witcher), 11 bits (This War of Mine, Frostpunk).
Et pour leur entrée dans la cour des grands, l’équipe basée à Varsovie a choisi de dépoussiérer un genre très codifié en livrant un jeu de gestion et de stratégie bigrement original et terriblement sombre.
Plongée dans l’horreur immédiate…
Editeur(s)
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Team17 |
Sortie France
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17 août 2023
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PEGI
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+18 ans
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Liens | Site Officiel |
Support de test | Xbox Series |
Après la nuit vient la lumière
Dans Gord, vous dirigez la Tribu de l’Aube, une colonie perdue dans un environnement hostile fortement inspirée de la mythologie slave. Après une cinématique d’introduction relativement sombre (et sans sous-titres automatiques, vous devez les activer manuellement avant de lancer votre partie), vous êtes accueillis par l’émissaire du Roi qui vous impose de guider les vôtres vers le Sud, tout en unissant les terres lors de votre progression.
Dans un souci d’immersion particulièrement réussi, Gord est avare dans sa narration et son intrigue. Les informations sont livrées avec parcimonie, renforçant la noirceur de l’univers et le désespoir qui étreint le cœur de vos unités.
Cette écriture retenue, pour ne pas dire minimaliste, met en exergue le ton particulièrement sinistre de l’œuvre. Les choix moraux, parfois délicats et difficiles, affermissent le côté mature d’un titre empruntant tous les codes de la Dark Fantasy.
En effet, votre colonie va être régulièrement acculée, à deux doigts de s’effondrer dans les ténèbres ; tandis que des quêtes annexes, événements catastrophiques et autres maladies viendront encore saupoudrer de sel les plaies béantes des habitants. Aventure purement solo, Gord ne cherche jamais à impressionner via une débauche d’effets visuels ni par une action trop frénétique. Tout est lent, calme, posé ; parfaitement au diapason du ton particulièrement dur des parties.
Avec deux modes de jeu différents (campagne et libre), Gord est une petite pépite à ne pas mettre entre toutes les mains.
The Color of Madness
Que ce soit lors des dizaines de missions qui composent la campagne ou via le mode libre, la boucle de gameplay se répète : vous devez établir votre camp de base, renforcer ses défenses, faire sortir vos unités pour explorer la zone alentour en quête de matériel et d’autres ressources, et enfin vous battre contre diverses menaces.
Le mélange de gestion et de stratégie fonctionne ici à merveille, bien que les commandes à la manette puissent sans nul doute en rebuter plus d’un. Commençons par-là justement : les joueurs consoles sont grandement pénalisés par la prise en main de Gord, contraints d’apprendre des combinaisons de touches assez complexes et malheureusement préjudiciables lors des affrontements.
Que ce soit pour poser un bâtiment ou diriger une unité, la lourdeur du gameplay se ressent à chaque instant et vous sortirez de chacune de vos sessions avec cette désagréable impression que vous apprécieriez plus le titre avec le confort d’un clavier et d’une souris.
Loin d’être rédhibitoire cependant, il faut simplement prendre le temps de bien assimiler les contrôles pour profiter d’une expérience satisfaisante.
À l’instar de Darkest Dungeon, la folie est au cœur de Gord. Vos unités flirtent régulièrement avec cette dernière, ce qui a, pour la petite anecdote, poussé l’éditeur à collaborer avec l’association caritative Safe in Our World afin d’assurer une représentation des déséquilibres mentaux de la manière la plus appropriée qui soit.
Chaque habitant de Gord dispose de sa propre personnalité, mû par ses désirs et ses craintes. Pour leur permettre d’être plus efficaces (et de ne pas sombrer dans la folie), il faut absolument en prendre soin et combler leurs demandes. Ce qui va vous contraindre, de nouveau, à des choix cornéliens.
Cette mécanique, au cœur de l’expérience de jeu, est particulièrement réussie, parfaitement en accord avec l’ambiance sombre et inquiétante du titre.
Explorez les ténèbres
Une fois votre base établie, place aux sorties ! Et si on pouvait redouter une exploration moins qualitative que la gestion, il n’en est rien : Gord est une réussite totale sur tous les plans.
Tout comme Darkest Dungeon (qui a visiblement beaucoup marqué l’équipe de développement), la lumière est la clé de vos expéditions. Chaque guerrier doit, de fait, être accompagné d’un porte-torche afin d’assurer une progression convenable, bien que ce dernier soit une proie facile pour les créatures qui hantent les landes désolées.
Si vous osez envoyer un éclaireur sans lumière, sa santé mentale ne fera pas long feu. Une fois aliénés, ils ne sont plus contrôlables et peuvent de fait s’en prendre à leurs alliés, voler vos précieuses ressources ou encore partir à tout jamais.
Mais revenons-en à l’exploration : Vos équipes sont indispensables à votre survie. Ce sont elles qui récoltent les ressources nécessaires au développement de votre camp, mais peuvent également trouver des ruines regorgeant de secrets et de butins : épées, or, nourriture… Les différentes cartes fourmillent de détails et de points d’intérêt de ce type, rendant chaque sortie plus palpitante que la précédente. Au gré de leurs missions, elles vont bien entendu se confronter à une faune particulièrement hostile et odieuse, allant du monstre amorphe à l’araignée géante.
Les combats se font en automatique. Si cet aspect stratégique manque de punch et de profondeur, il faut également reconnaître qu’au regard de la difficulté de prise en main du titre, il aurait été particulièrement ardu de s’en sortir autrement.
Enfin, lors de vos sorties, vous aurez la chance de trouver un survivant…
Car là est, s’il en fallait encore, l’une des forces de Gord : contrairement à un jeu de gestion classique, vous ne pouvez pas « produire » de nouvelles unités. Le nombre d’habitants est limité et risque de fondre comme neige au soleil en fonction de vos décisions, ou si vous ne parvenez pas à maintenir leur équilibre mental dans un état correct. Il faudra effectuer des choix. Souvent terribles. Comme donner la dernière ration de nourriture à votre principal chasseur ou à un jeune enfant. Car oui, vos habitants peuvent avoir des enfants.
Particulièrement dur, Gord n’est pas un jeu à mettre entre toutes les mains ; d’autant que régulièrement, des événements viennent ponctuer votre progression.
Ces derniers peuvent tout aussi bien être positifs que négatifs, mais sachez que jamais vous ne vous sentirez en sécurité ni n’aurez le sentiment d’exercer le moindre contrôle. L’accent a été mis tout particulièrement (à l’instar de Frostpunk) sur le fragile équilibre de l’écosystème que vous vous efforcez de bâtir. Et le monde n’est clairement pas votre allié…