Chronique de Misha

     Encanto : La Fantastique Famille Madrigal est un film Disney, le 60ème Classique d’animation de leurs studios.

     Ce long-métrage nous présente une famille peu commune : chacun de ses membres dispose d’un don. Isabela fait éclore des fleurs dans son sillage. Luisa possède une force herculéenne. Pepa fait la pluie et le beau temps. Dolores peut entendre une personne parler à plusieurs kilomètres grâce à son ouïe extraordinaire. Camilo est un métamorphe. Bruno un devin. Et… notre personnage principal n’a aucun talent particulier !

     Mirabel, donc, n’a pas réussi à ouvrir sa porte lors de la Cérémonie. Chaque membre vit à l’étage des enfants le temps de révéler son plein potentiel. Le jour J, la porte de Mirabel s’est désintégrée à son contact. Une véritable déception pour son Abuela (grand-mère) Alma, qui la renie sans dissimuler son dépit. Bien qu’elle-même ne dispose d’aucun don, la mort de son époux a créé ce miracle et il lui est inconcevable que ses descendants soient dénués du talent inhérent à son cierge magique.

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     Mirabel grandit donc dans cette atmosphère délétère. Chaque jour en présence de miracles qu’elle-même ne peut produire. Et cette aigreur s’ancre en elle de longues années. Le pire, c’est que son triste quotidien aurait pu perdurer jusqu’à sa mort, dans le déni le plus total de sa famille… Mais, fort heureusement, tout bascule lorsque leur Casita (maison) se fissure… Ce qui amène de grands bouleversements…

Coloré mais pas assumé

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     Visuellement, c’est beau, chatoyant. Le film s’est inspiré de la Colombie pour créer des paysages vraiment magnifiques. La Maison en elle-même avec ses couleurs typiques donne envie de voyager. Les fleurs, les plantes, le mélange de bleu, de jaune, de rose, d’orange… L’agencement du mobilier, le pavage dans une zone désertique, les vêtements… Même les spécialités culinaires sont intéressantes. Les fameux Buñuelos figurent aussi dans Dreamlight Valley ! Des beignets de fromage qui se mangent avec un chocolat chaud ! Je trouve ça très

original !

     Les textures m’ont plu. Les grains de sable ont été travaillés, notamment quand ils maculent la peau de Mirabel. Les personnages sont, comme toujours avec Disney, très expressifs. Les émotions se déchiffrent au premier coup d’œil et cette exagération permet aux plus jeunes de mieux les discerner.

     Les comédiens sont impliqués, en revanche, concernant les chansons… Elles essaient de coller à la situation, toutefois… La qualité laisse à désirer, et pire, il y a un problème identitaire qui n’est pas assumé. Certes, les instruments utilisés sont conformes au pays. Mais les airs, bien souvent dénués de rimes, ne m’ont pas du tout évoqué la Colombie.

     On parle ici des racines de la Famille Madrigal, ils en sont fiers et ont bâti leur maison après avoir été chassés de leur terre d’origine. Un message très fort qui se fait balayer par la chanson de Luisa… « La pression qui fait clic, clic, clic quand les gouttes tombent, oh oh Pression qui fait bip, bip, bip comme le bruit d’une bombe, oh oh oh oh » On n’est pas loin du niveau de Jules là, attention…

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     Du reggaeton… Alors, d’accord, Medellin est la capitale du reggaeton à l’heure actuelle, mais je ne sens pas la modernité des années 2020 dans ce film. La seule chanson qui m’a touchée, c’est l’ending en espagnol, Dos Oruguitas de Sebastián Yatra, mais aucun membre des Madrigal ne la chante… Elle passe pour accompagner les événements du passé. À croire que leurs racines ont réellement été abandonnées… La remettre à la fin ne m’a pas donné pour autant l’impression que leur identité était enfin assumée, au contraire. Il s’agit de la même chanson, ils auraient pu en choisir une seconde avec un message plus fort pour parler des liens familiaux. À titre d’exemple, Miguel dans Coco, est le personnage central et chante en espagnol. Un très bel hommage qui assume ses origines.

Une maison qui se fissure autant que la cohérence

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     L’élément déclencheur du film arrive assez tardivement : la maison se fissure, ce qui affecte les dons de chacun de ses membres. Sauf Mirabel puisqu’elle n’en a pas. Bruno la voit dans sa vision et la met en garde. Loin de se laisser décourager, Mirabel est pleine de bonne volonté et essaie malgré tout de restaurer leur Casita par tous les moyens. Mais, en dépit de tous ses efforts, sa grand-mère persiste à la considérer comme un chien galeux, responsable de la

déliquescence de sa demeure. Alma refuse de l’accepter comme une Madrigal à part entière puisqu’elle ne possède pas de don. Ce rejet va aller croissant, les fissures sont un corollaire aux brisures internes de cette famille, qui vit dans les faux-semblants, sous le joug d’une matriarche tyrannique.

     Même si Encanto est beau et sympathique, il n’en demeure pas moins incohérent au possible. Pour commencer, Alma met au monde des triplés qui ne se ressemblent paaaaas du touuuut ! Même les faux jumeaux ont un air de ressemblance… Là, on dirait de parfaits inconnus…

     Dolores prétend qu’il n’y a pas de fissure, que Mirabel ment. Sauf qu’elle a entendu le tic nerveux de Luisa toute la nuit. Si elle l’a entendu, elle a aussi capté la confession de leur Abuela qui évoquait justement le déclin de leur maison… Son don marche aux jets de dés, on dirait… Et comme ça lui chante…

     La disparition de Bruno pendant des années ne semble pas inquiéter sa mère, l’Abuela de la famille. OK, elle est odieuse, mais là, elle tire le pompon !

     Mirabel s’exprime à cœur ouvert, prend du recul et… pardonne tout la seconde suivante, comme si tout ce qu’elle avait enduré ne pesait pas plus lourd que du vent ! Eh bien, non… Le pardon c’est bien, mais il ne s’obtient pas comme ça. D’autant que les dégâts qu’Alma a infligés à Mirabel ne vont pas s’évanouir comme par Magie. La mauvaise image d’elle-même, sans cesse comparée aux autres membres de sa famille ; l’inciter à se tenir à l’écart pour laisser faire les autres, lui rappeler combien elle est quelconque… Non, désolée, ça laisse des cicatrices profondes.

     La famille est nombreuse, on les oublie vite en dépit de leurs pouvoirs. Parce qu’à part lors des chansons, on les voit en retrait. Ils sont là comme des invités durant une soirée. On tape la causette quelques heures et on repart, sans se rappeler des noms parce qu’il y avait trop de monde. Alors on se rappelle de la personnalité la plus importante, celle qui occupait le devant de la scène, en l’occurrence Mirabel.

     C’est du gâchis. Ils ont réuni des dons, un lieu intéressant, pour bâcler l’ensemble…