Fin 2020, un nom venait faire trembler la petite sphère des amateurs de Roguelite : Hades.
Considéré comme une pépite du jeu indépendant, il a su trouver grâce aux yeux d’un public pourtant considéré comme particulièrement difficile à convaincre.
Développé par Supergiant Games, studio connu pour ses titres de qualité (Bastion, Transistor), Hades a subi l’effet pervers des éloges dont il était inondé. Considéré par certains comme « la nouvelle valeur étalon du genre », le titre a généré une hype à laquelle les développeurs n’étaient clairement pas préparés.
Survendu partout, Hades a engendré une certaine incompréhension de la part d’un public qui n’était que peu coutumier de ce type de production. Aujourd’hui pourtant, nul ne peut contester les qualités indéniables de ce titre d’exception.
Editeur(s)
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Supergiant Games |
Sortie France
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17 sept. 2020
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PEGI
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+12 ans
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Web | Site officiel |
Support de test | Nintendo Switch |
Beauté infernale
Si on devait juger objectivement de la qualité d’Hades au regard des standards de l’époque, le résultat serait assez mitigé… pour ne pas dire cinglant. Sans être laid (tout au contraire), les environnements sont terriblement redondants. Le titre ne propose que quatre biomes différents, forts de textures réutilisées ad nauseam et remplis d’ennemis relativement peu nombreux.
Manquant clairement de diversité, conçu selon une boucle de gameplay contraignant le joueur à revoir encore et toujours les mêmes zones, Hades ne séduit clairement pas par la qualité de ses graphiques.
Pourtant, ce qui fait l’une des forces principales du titre est clairement lié à son aspect visuel ou, pour être plus précis, à sa direction artistique. Véritable bonbon pour les yeux, Hades pétarade d’effets et de particules, utilise un style très marqué avec des décors particulièrement originaux.
Ce qui surprend surtout, ce sont les dessins des différents protagonistes. Le talent des designers n’est clairement pas à remettre en cause, tant ils sont parvenus à donner vie à leurs personnages via une patte reconnaissable et incroyablement réussie.
Cette D.A. de folie annihile totalement le sentiment de lassitude que vous pouvez retrouver dans des productions au style plus conventionnel, vous permettant d’apprécier chacune de vos runs sans jamais avoir cet étrange sentiment de refaire encore et toujours la même chose.
Mais que serait un style visuel irréprochable sans une bande-son du même acabit ? Et sur ce plan-là encore, Hades s’approche dangereusement du sans-faute.
Le titre est intégralement doublé en anglais par des comédiens de talent et totalement impliqués. La plupart sont désabusés, flegmatiques, parfois taquins; mais toujours dans le ton et le respect de la personnalité de leur avatar.
Côté musique en revanche, le résultat est un peu plus mitigé. Certes, cette dernière est indubitablement d’une qualité inimitable. Cependant, force est de constater que le mélange anachronique et diamétralement opposé entre des thèmes lyriques inspirés de la Grèce antique et des riffs métal endiablés peut poser question ; notamment lorsque ces derniers s’enchaînent rapidement.
Il en résulte une forme d’incompréhension auditive, comme si vous étiez face à deux productions différentes superposées. De plus, si l’ensemble colle parfaitement à l’intrigue ou aux phases d’action ; aucune n’est « mémorable » (sinon celle de fin).
Le fils d’Hades écrit son Odyssée
Hades est un jeu qui, étrangement, porte bien mal son nom. Vous n’y incarnez en effet pas le seigneur des Enfers, mais son fils : Zagreus. Ce dernier, las de vivre au sein du domaine de son père, cherche à fuir pour retrouver sa mère à la surface. Durant son périple, les dieux de l’Olympe lui portent assistance, espérant ainsi qu’il les rejoigne une fois sa mission accomplie.
On passera rapidement sur le choix singulier de la part des développeurs de donner au principal protagoniste le nom d’une des incarnations de Dionysos pour se concentrer sur le scénario en lui-même.
Bien que post-it, comme souvent dans les Roguelite, Hades brille par une écriture particulièrement riche et précise. La narration, au cœur de l’expérience, distille avec parcimonie des informations concernant le lore et l’intrigue lors des échanges entre votre héros et sa famille éloignée.
C’est donc par le biais des personnages que le jeu étoffe son histoire, se concentrant bien plus sur leur personnalité et les liens qui les unissent que simplement sur une trame principale unilatérale, à l’instar des tragédies grecques dont le jeu s’inspire largement.
Les habitués du genre seront même particulièrement surpris par la quantité pharaonique de dialogues et autres scènes optionnelles, nécessaires à une compréhension parfaite de l’ensemble des enjeux entremêlés au sein d’une histoire complexe. C’est là chose assez rare dans un genre qui, d’ordinaire, se focalise avant tout sur son gameplay pour séduire.
Et concernant ce dernier point également, Hades ne fait pas la moindre concession.
Le Rogue-lite parfait ?
Le principe de base du genre, c’est de proposer aux joueurs une expérience volontairement ardue dans les premiers temps afin de les contraindre à recommencer encore et toujours l’ensemble du titre. Les zones, usuellement générées procéduralement, apportent des différences notables à chaque passage pour renouveler l’expérience tout en apportant divers bonus (temporaires ou permanents).
De Rogue (dont le genre tire son nom) à Children of Morta en passant par Dead Cells ou Star Renegades ; le Rogue-lite est sur-représenté, surtout dans les productions indépendantes. Avec les années, le genre a su évoluer, chaque titre apportant des modifications et améliorations notables pour enrichir la formule.
Pourtant, aucun n’a réussi à reproduire ni égaler l’exploit d’Hades. La force du titre est pourtant d’une cruelle banalité : un gameplay nerveux, exigeant et, surtout, différent à chaque run.
Les premières sont d’ailleurs particulièrement déroutantes. L’amateur est immédiatement surpris par le peu d’armes différentes. Au nombre de six, celles-ci proposent certes une maniabilité très originale, mais insuffisante pour justifier le succès du jeu. Vous vous dites alors, fort logiquement, que vous en ferez rapidement le tour. Et pourtant…
Rapidement, vous découvrez que chaque arme peut avoir quatre aspects différents. Vingt-quatre manières de jouer, qui se multiplient encore via pléthore d’améliorations à récupérer tout au long de votre périple.
Prenons un exemple pour mieux expliciter tout ceci. L’épée, comme toutes les autres armes, dispose de deux types d’attaques. Une principale (un coup unique) et une secondaire (permettant de faire des dégâts de zone).
Lors de votre première partie avec cette lame, vous comprenez aisément que l’attaque principale est plus puissante. Donc elle est utile contre les ennemis isolés et autres boss. La seconde, elle, est utile pour se débarrasser des groupes.
Là, vous rencontrez Athéna qui, pour vous aider dans votre quête, vous laisse le choix d’une amélioration temporaire (qui disparaît si vous mourez). L’une d’entre elles vous octroie des dégâts augmentés de 50% pour chaque coup principal effectué après une attaque de zone.
Fort logiquement, vous allez de fait instinctivement changer votre manière de jouer, surtout contre les ennemis les plus retors et les boss. Désormais, fini de simplement marteler sans fin le même bouton. Pour optimiser vos dégâts, il faut donc être un peu plus stratégique.
Nouvelle rencontre avec un autre dieu qui, cette fois-ci, vous donne un bonus contre les armures lors de l’utilisation de votre « élan » (une attaque effectuée en courant).
La partie continue, tandis que vous prenez vos marques avec une maniabilité bien spécifique. Si un ennemi est protégé, vous allez utiliser votre élan. Contre les boss, attaque de zone puis principale.
Par malchance, vous perdez. Vous voilà revenu au lobby, avec la ferme intention de reprendre. Mais lors de cette nouvelle run, fi des améliorations précédentes : la première amélioration augmente les dégâts des attaques de base contre les armures, votre attaque de zone, elle, peut désormais renvoyer les projectiles.
Et à chaque fois que vous relancez une partie, les améliorations proposées par les dieux changent, vous contraignant à systématiquement adapter votre style de jeu ; y compris avec les mêmes équipements.
Ces dons temporaires sont si nombreux qu’il est rare de pouvoir bénéficier deux fois des mêmes améliorations. En considérant uniquement mon exemple personnel, en quelque 200 heures de jeu, cela ne m’est arrivé qu’une seule fois.
Certes, il est parfois frustrant de trouver une amélioration dantesque pour une arme spécifique et de ne jamais plus retomber dessus… mais c’est bel et bien là ce qui place Hades au-dessus de ses concurrents. À chaque fois, vous allez devoir réapprendre le jeu, le redécouvrir sous un jour nouveau.
Ajoutez à cela des bonus aléatoires sur une arme au hasard au début de chaque nouvelle run, vous incitant à utiliser parfois celle avec laquelle vous êtes le moins à l’aise, la possibilité de déclencher des pièges sur vous et vos adversaires, ainsi que pléthore d’autres mécaniques ; et vous aurez un bref aperçu de tout ce qu’Hades propose.
Mieux encore : ces nouveautés de gameplay ne semblent jamais cesser. Lorsque la lassitude commence à poindre, le jeu vous surprend via une nouvelle mécanique originale à laquelle vous ne vous attendiez pas; que ce soit via des défis, de nouveaux boss, des zones secrètes, etc.
S’il fallait, malgré tout, mettre en exergue un seul point négatif ; ce serait concernant la durée de vie globale du titre. La première victoire contre le boss de fin nécessite un peu moins de trois heures, tant cette dernière est « simple ». Si ce n’est certes qu’une partie du voyage, pour ne pas dire l’introduction, il est assez désagréable d’avoir ce sentiment de terminer le jeu si tôt.
Assez simple lors des premières parties pour s’adapter à un public pas forcément coutumier du genre, il peut laisser un arrière-goût un peu amer aux amateurs habitués à pleurer des larmes de sang pour arracher la première victoire. Par chance, la difficulté augmente à chaque fois que vous parvenez à boucler une run.