À quel âge puis-je laisser mon enfant découvrir les jeux vidéo ?

Dossier de Farrel

     Pour tout parent, la découverte du monde vidéoludique est une question centrale dans l’éducation des enfants. Aujourd’hui, il n’est en effet guère possible d’y échapper : publicités, rayonnages conséquents dans les supermarchés, copains d’école…

     En une vingtaine d’années, le médium est passé du stade de « divertissement pour adolescent attardé » à « première source de divertissement mondial », avec pas moins de 4 milliards de joueurs à travers le globe. Ce chiffre, bien que vertigineux, est en constante progression.

     Et les questions sont nombreuses pour quiconque ne connaît pas (ou peu) les plaisirs vidéoludiques. Ce dossier, sans être exhaustif, va tenter de vous apporter un éclairage sur les bonnes pratiques à adopter pour une découverte en douceur de ce médium incontournable.

Rien avant 6 ans

     Voilà un premier point qui est déjà soumis à débat (et pour certains, à polémique). Bien que les organismes de classification européens affichent un glorieux « 3 ans et + » sur les jaquettes de nombreuses productions, la première chose à savoir est que le jeu vidéo n’est pas un médium comme un autre.

     Car, contrairement aux livres et autres dessins animés, le médium dispose d’un niveau supplémentaire d’immersion via une mécanique qui lui est propre : le gameplay.

     Eh oui, lorsque l’on joue aux jeux vidéo, on est acteur de l’action. Les mouvements effectués via la manette se répercutent immédiatement à l’écran, ce qui brouille un peu plus les frontières entre réel et virtuel pour les plus jeunes.

     Avant 6 ans, l’enfant n’a pas encore la maturité cognitive nécessaire pour faire une distinction prégnante entre réalité et virtuel. Les conséquences, si elles ne sont pas immédiatement visibles, peuvent être dramatiques sur le long terme : perte de sommeil, addiction, troubles du comportement, difficulté d’attention, etc.

     Et même si votre enfant semble en avance sur ses camarades, gardez en tête que ce n’est pas une raison pour brûler les étapes : entre ce qu’il est capable de faire au quotidien et la construction de sa psyché, il y a une différence fondamentale : la seconde n’est pas clairement visible.

     Pourquoi prendre le risque, alors qu’il a toute la vie devant lui ?

     Bien entendu, je n’évoquerai pas en détail les problématiques liées aux organismes de catégorisation ni aux conséquences sur la santé. Je réserve cela pour des dossiers ultérieurs.

À 6 ans, enseignez les bonnes pratiques

     L’âge fatidique est arrivé et, immédiatement, vous vous posez la question : par où commencer ? Une console « pour enfant » type Vtech ? Une Nintendo Switch ? Plutôt une Xbox ou une PlayStation ?

     Pour nombre de parents, la réponse est évidente : l’hybride de Nintendo dispose de tous les avantages. La firme nippone jouit en effet

d’une image familiale, et donc sécurisante. De plus, son mode portable permet à l’enfant de jouer en silence, sans déranger toute la maisonnée. Parfait, n’est-ce pas ?

         Eh bien… pas tant que ça.

     Concrètement, aucune machine n’est à privilégier par rapport à une autre. Aujourd’hui, la majorité des jeux (sauf exclusivités et titres propriétaires) sont disponibles sur toutes les plateformes. Vous n’aurez donc aucun mal à trouver de quoi divertir votre enfant.

     Ensuite, la relative sécurité héritée de l’image de la firme a pour fâcheuse conséquence de baisser la garde des parents. Et c’est sans doute la plus grosse erreur, mais nous y reviendrons plus bas.

     Pour l’heure, il faut respecter la règle d’or : enseigner la bonne pratique. Dès l’instant où votre enfant est en âge de jouer aux jeux vidéo, que ce soit par l’achat d’une console ou en lui permettant de jouer avec celle déjà présente dans votre foyer, pensez à lui apprendre ceci :

La console est un jeu de société.

     Jusqu’à ses 10 ans environ, l’enfant ne doit surtout pas être laissé seul pour jouer. La console doit être considérée comme un jeu de société, un divertissement familial. Laissez-la dans le salon, branchée à la télévision. Dès que votre enfant veut jouer, accompagnez-le dans sa découverte. Soyez présent, que ce soit en participant vous-même (via des jeux multijoueurs) ou en étant physiquement assis à côté de lui et en

commentant ce qu’il découvre (dans le cadre des jeux solo).

     N’hésitez pas à lui expliquer ce qu’il voit, à l’aider à lire les termes un peu complexes, à le féliciter lorsqu’il parvient à progresser. Mais surtout, proposez-lui des alternatives. Il doit voir la console comme un jeu de société : il est possible de s’amuser seul, mais c’est encore plus amusant à plusieurs !

     Ainsi, vous lui servirez de « point d’ancrage » avec le réel, le ramenant continuellement à sa place de joueur assis sur un canapé par votre présence et vos commentaires. Et surtout, vous serez là pour veiller à ce qu’il ne soit pas confronté à des contenus non adaptés, voire pour arrêter la partie plus simplement.

     Le côté addictif des jeux vidéo n’est plus à démontrer, surtout pour les plus jeunes. Surveillez son temps, ne le laissez pas trop déborder, tout en comprenant qu’un jeu vidéo n’est pas un divertissement comme un autre. Laissez-lui le temps de terminer son niveau ou de sauvegarder avant, pour éviter une trop grande frustration, clairement délétère.

     La console ne doit pas pour autant devenir une habitude. Une fois, vous jouez à un jeu ensemble ; une autre fois, vous sortez un jeu de société. Les deux doivent être placés sur le même plan ; et toujours de manière sporadique.

     À cet âge, le monde est encore à découvrir. Privilégiez donc des sessions courtes, familiales et réservées à des temps consacrés. Par exemple, en cas de mauvais temps ou durant le week-end, mais toujours d’approximativement 30h une fois par semaine, pour les plus jeunes.

     Ce faisant, votre enfant va rapidement considérer la console comme un loisir équivalent aux jeux de société, et donc s’en désintéresser plus facilement.

À partir de 10 ans : le début des grandes aventures

      Premier âge pivot dans la découverte des jeux vidéo, le cap des 10 ans revêt une importance toute particulière. C’est l’âge où la plupart de ses camarades ont déjà une console à la maison, voire rien qu’à eux. L’âge où il va découvrir des jeux sans vous, par le bouche-à-oreille, dans les publicités ou les magazines spécialisés. L’âge où sa culture du médium va se développer rapidement, sans que vous ne puissiez rien y faire, sinon

via des méthodes contraignantes limitant son périmètre évolutif.

      C’est également là que vous allez devoir faire des concessions, tout en respectant certains points essentiels afin de le protéger.

      Si ce n’est pas déjà fait, mettez en place un contrôle parental. Désormais obligatoire sur toutes les consoles modernes, ce dernier va vous permettre de brider la navigation sur Internet, de l’empêcher de parler avec de parfaits inconnus, voire de bloquer l’âge maximum des jeux (selon les classifications officielles). Une fois encore, ce n’est pas parfait, mais il s’agit là d’un point de départ indispensable.

      Cela étant fait, il va falloir désormais vous renseigner plus activement sur les jeux disponibles dont il ne manquera pas de vous parler. Gardez en tête la maxime suivante :

Ce n’est pas parce que tout le monde y joue que c’est adapté à votre enfant.

      Les univers vidéoludiques sont nombreux et différents. Aussi différents que les enfants entre eux. L’un pourra s’amuser librement et sans contraintes sur Pokémon, un autre souffrira de les voir se battre entre eux. Certains s’amuseront sur Minecraft, d’autres développeront des comportements violents en subissant continuellement le stress et la tension des parties du mode « survie ».

      Dans un premier temps, renseignez-vous sur le jeu dont vous parle votre enfant. Et pas uniquement via les tests sur Internet, effectués avec un œil critique d’adulte dans la majorité des cas. Qu’en pensent les autres parents ? Que propose cet univers ? Quelles fonctionnalités ? Pour quel but ?

      Comparez cela avec les difficultés de votre enfant. S’il a du mal avec la gestion du stress ou s’il est arachnophobe, peut-être vaut-il mieux lui éviter de voir son personnage mourir contre des araignées géantes !

      Une fois la réflexion établie et le jeu acheté, soyez présent. Du moins pour les premières parties, puis revenez régulièrement observer ses réactions. Soyez à l’affût du moindre signe de changement de comportement chez votre enfant et, surtout, pensez que le retour en arrière est possible. Il est encore à un âge où l’avis de ses parents compte. N’hésitez pas à lui proposer un autre jeu adapté pour le remplacer ; rappelez-lui que la console est un jeu de société comme un autre.

      Dernier point et non des moindres : continuez à lui imposer des règles de temporalité. Une heure par semaine pour commencer, et hors période scolaire. Mais surtout. Surtout. SURTOUT :

Ne faites jamais du jeu une récompense

     Ce conseil est bien entendu valable pour tout. Si le principe de récompense et de confiscation est un élément clé pour beaucoup de parents, il est aussi paradoxalement totalement contre-productif dans la découverte du médium vidéoludique.

     Transformer le jeu vidéo en récompense, c’est le mettre sur un

piédestal par rapport aux autres divertissements. De fait, c’est également lui donner une importance disproportionnée qui résulte d’un accomplissement. Et le réflexe pavlovien qui en découlera nuira à l’évolution de votre enfant, aussi sûrement qu’un futur fumeur se dit devant sa première cibiche : « Je vais fumer, ça va me détendre » (ce qui conditionne son cerveau, mais n’est en aucun cas scientifiquement prouvé, causant ainsi un stress régulier lorsqu’il est en manque).

     Le jeu vidéo n’est pas une récompense. C’est un divertissement. Rien d’autre.

Vers 13 ans : les choses sérieuses commencent

     L’adolescence est la période durant laquelle votre enfant va explorer bon nombre de domaines. Et surtout, chercher à obtenir plus de liberté. En effet, c’est une période charnière dans son développement, puisque c’est là qu’il va se forger sa propre individualité.

     Eh bien, attendez-vous à ce que cela touche également le domaine des

divertissements. Selon chacun, il y a cette fois encore une donnée importante à garder continuellement à l’esprit :

Si l’adolescent veut quelque chose, il fera tout pour l’obtenir.

     Il faut en effet comprendre ce besoin quasi instinctif de s’approprier les codes d’un nouveau groupe, d’une communauté différente, d’une cellule extra-familiale. L’adolescent entre dans un âge où, via ses amis, ses recherches sur Internet ou encore ses propres découvertes, il a accès à toutes les informations qu’il désire avoir. Eh oui, cela inclut également les jeux auxquels il n’est pas censé jouer.

     C’est donc le moment idéal pour valoriser la communication et l’explication, déjà mises en place depuis l’enfance lors des sessions de jeux en famille. Interdire ou punir ne fera que rendre l’inaccessible encore plus attirant.

     C’est à cet âge que vous devez vous montrer particulièrement vigilant sur les contenus consommés par votre enfant. Il découvre Internet, les jeux en ligne et, surtout, les jeux dits « gratuits ». Je reviendrai sur ce dernier point dans un dossier spécifique, tant il y a à dire.

     Bien entendu, rester vigilant signifie également demeurer informé, afin d’éviter les pièges qui peuvent paver le chemin. Un très bon exemple à cela : Minecraft. Le jeu est parfaitement adapté aux enfants dès l’âge de 10 ans, dispose de solides bases pour apprendre la gestion (il est d’ailleurs utilisé en tant qu’outil pédagogique au sein de plusieurs écoles dans le monde) ; mais il inclut également un aspect multijoueur qui n’est, malheureusement, pas assez restreint par Xbox. De fait, il est possible que votre enfant tombe sur du contenu totalement néfaste à son développement (vidéos explicites, contenus ultra-violents, serveurs payants, etc.).

Conclusion

     Tout parent souhaitant prémunir son enfant des dangers des contenus vidéoludiques doit connaître ces quelques étapes clés dans son développement. Il est important de garder à l’esprit que c’est sur vos épaules que repose son épanouissement personnel. Les compagnies de jeux vidéo, comme toute entreprise, cherchent avant tout à faire du profit. Il est donc primordial de se renseigner au maximum et, surtout, dès le plus jeune âge ; de bien faire comprendre à l’enfant qu’un jeu vidéo est un divertissement au même titre qu’un jeu de société ou qu’une activité familiale.

     En me basant sur les travaux des professionnels, sur les nombreuses études qui ont été réalisées concernant les effets des jeux vidéo, couplés à ma propre expertise de rédacteur de jeux vidéo, j’en suis arrivé à ce constat très simple : aujourd’hui, le médium est partout. Je vous encourage de rester extrêmement vigilants.

     Le jeu vidéo est un médium magnifique, riche d’expériences enrichissantes pour petits et grands. Mais ils ne sont clairement pas destinés à tout le monde.