Zoeti est le premier jeu du studio taïwanais Dusklight. Initialement prévu exclusivement sur Steam, il a pu bénéficier d’un portage sur Nintendo Switch le 21 avril 2023. L’occasion rêvée de découvrir un jeu indépendant au concept à la fois commun et original. Paradoxe, pléonasme ou réalité complexe ? Aucun des trois. Il s’agit juste d’un mauvais jeu qui se rêve exceptionnel.
Editeur(s)
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Akupara Games |
Sortie France
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21 Avril 2023
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PEGI
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+7 ans
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Liens | Site Officiel |
Support de test | Nintendo Switch |
Au pays du cliché
Zoeti n’est, pour une fois dans ce genre de petite production, pas le nom de l’héroïne que vous êtes amené à incarner. Il s’agit d’une déesse qui, dans une époque antique, a combattu son pendant maléfique. Au terme d’un âpre combat, les deux furent laissés pour mort.
Du sang suintant de l’entité démoniaque émergèrent des monstres, avides de puissance et de massacres. Zoeti, elle, utilisa ses dernières forces pour bénir quelques élus afin de leur permettre de se dresser face aux séides du dieu obscur.
Le jeu vous fait incarner, au sein de plusieurs scénarios, trois héros justement touchés par la grâce de Zoeti. Valentina, Alvès et Nicora doivent entreprendre un voyage initiatique afin de développer leurs pouvoirs et de sauver le monde.
Une chose est sûre, c’est que le studio Dusklight ne s’est pas particulièrement foulé pour poser les bases de l’intrigue de son jeu. Scénario vu un milliard de fois, personnages archétypaux (une chevalière, un voleur et une magicienne ; tous disposant de la personnalité typique de ce genre de classes), PNJ sans âmes… tout y est incroyablement banal, plat, sans intérêt.
Rien ne vient jamais retenir l’attention du joueur, que ce soit par le prisme d’un retournement de situation ou du début d’un rebondissement. Et que dire des dialogues, qui virent souvent dangereusement en direction de la vulgarité décomplexée via des sous-entendus racoleurs ?
Dès le tutoriel, le jeu vous introduit à des personnages secondaires aux courbes galbées, engoncés dans des combinaisons de cuir moulantes. Sans doute était-ce dans l’optique de jouer le décalage entre Valentina, premier protagoniste jouable, et sa mentore ; une succube… mais cela ne fonctionne pas une seule seconde. Tout au contraire, vous serez rapidement pris du sentiment que le titre tente de vous retenir en vous agitant ses attributs sous le nez, comme pour masquer la vacuité crasse de sa pitoyable réalisation.
Les autres scénarios ne sont malheureusement guère mieux. Tous enchaînent des poncifs vus et revus, sans la moindre petite originalité ni once d’intérêt. Et n’attendez clairement pas que le jeu se rattrape sur le reste.
Droit dans la Rivière !
Zoeti est un roguelite à base de cartes. Genre sur-représenté ces dernières années, surtout dans le domaine des jeux indépendants, il ne parvient à trouver grâce qu’à l’aune de quelques pépites profondément enfouies sous des monceaux de titres pathétiques, dont Zoeti fait indubitablement partie.
Le jeu vous propose en effet des combats « originaux » en remplaçant les habituelles cartes personnalisées (généralement ornées de beaux artworks) par… un paquet classique. La raison en est extrêmement simple : tout le principe de Zoeti est de transposer les règles du poker à un roguelite médiéval fantastique. Certes, c’est original. Mais souvenez-vous toujours que ce terme n’est pas et ne sera jamais un synonyme de « qualité ».
Concrètement, au début de chaque tour, votre héros pioche cinq cartes. En fonction de sa main, il peut utiliser diverses compétences liées à une combinaison spécifique. Ainsi, faire une paire, une double paire, un full, une couleur ou une quinte débloque diverses techniques préalablement équipées. Il n’est, de fait, pas rare de se retrouver bloqué lors des affrontements à cause d’une mauvaise pioche ou, pire encore, de devoir enchaîner des capacités totalement inutiles dans une situation donnée.
C’est notamment le cas avec Valentina qui, chevalière oblige, dispose de nombreuses techniques de défense lui permettant d’augmenter son score d’armure temporaire et, de fait, de réduire les dégâts reçus. Utile dans l’idée, cette mécanique est malheureusement très mal exploitée et il arrive régulièrement que vous soyez contraint de passer des tours entiers à booster votre protection, au lieu d’achever un ennemi isolé et moribond, simplement à cause d’une mauvaise pioche.
Vous comprenez alors la nécessité de diversifier les compétences équipées, ainsi que le fait de les affilier à des combinaisons qui ont plus de chance d’être tirées. Et ces fameuses techniques sont nombreuses… trop pour le bien du jeu, puisque leur surnombre rend tout simplement illisible le côté stratégique du titre.
En effet, il n’est possible que de lier une seule compétence à une combinaison. Donc d’en avoir cinq au total… toutes les autres deviennent alors totalement obsolètes.
Roguelite oblige, vous allez récupérer des objets au sortir des combats, ainsi que certains artefacts augmentant vos statistiques de manière permanente. Les menus vous permettant de gérer ces derniers sont d’ailleurs particulièrement obscurs et mal pensés.
Enfin, divers chemins sont disponibles lors de vos expéditions. Chacun propose des défis et événements différents. Trop peu nombreux et redondants, ces derniers finissent cependant par lasser même les joueurs les plus patients.
Un jeu problématique
Bien entendu, je conclurais ce test avec un coup de gueule bien senti à l’encontre tant à la fois des développeurs de chez Dusklight que de l’éditeur Akupara Games… tout en éclaboussant au passage Nintendo et sa nouvelle politique très généreuse vis-à-vis du contenu que l’entreprise propose pour son eShop (sans le moindre contrôle).
Zoeti est catégorisé « PEGI 7 », soit accessible aux enfants à partir de 7 ans. Pour un titre mettant en avant des personnages hypersexualisés, des démones aux mœurs légères et des sous-entendus graveleux; c’est un scandale.
Même en considérant que rien d’explicite n’est clairement poussé par le jeu, est-il légitime de mettre entre les mains des plus jeunes un titre faisant l’apologie du poker via des mécaniques de divertissement sans conséquences ?
Cette normalisation d’un jeu ayant pour principal attrait le paris utilisant de l’argent bien réel, reconnu pour être dans les tripots et autres casinos réservés aux adultes, pour sa nocivité et son côté addictif; est ici tout simplement présentée sous un jour « fun et cool ».
Zoeti va donc tout simplement apprendre aux plus jeunes qui auront le malheur de s’y essayer que le poker, c’est amusant ; sans même chercher une seule seconde à les mettre en garde contre les conséquences bien réelles de ce genre de divertissement réservé à un public adulte.