Derrière Welcome to ParadiZe, il y a Eko Software, studio français fondé en 1999, longtemps abonné aux jeux sous licence à la réputation tiède. Jusqu’à la surprise Warhammer: Chaosbane en 2019, Action-RPG solide et trop souvent sous-estimé, qui montrait enfin un vrai savoir-faire.
Avec Welcome to ParadiZe, sorti le 29 février 2024 sur PC, Xbox Series et PS5, le studio change de cap. Plus de licence imposée : tout est fait maison, du concept au ton, du gameplay à l’univers. Une apocalypse zombie satirique, un Alan Tusk mégalomane parti sur la Lune, et des compagnons morts-vivants domestiqués — voilà leur promesse.
Ambitieux, bourré de bonnes idées, en coopération locale, le projet a tout d’un défouloir bien calibré. Mais à force de vouloir tout faire à la fois, Welcome to ParadiZe ne risque-t-il pas de perdre en route son propre objectif ?
La satire comme système de survie
Dans Welcome to ParadiZe, vous incarnez un survivant lambda, jeté dans un monde post-apocalyptique ravagé par une pandémie zombie depuis plus d’une décennie. Pas de nom, pas de passé, pas d’identité marquée : votre avatar n’est qu’un support, une silhouette interchangeable parmi douze modèles purement cosmétiques.
Mais cette absence d’attachement narratif n’est pas un défaut. Elle est même cohérente avec la proposition du jeu, qui privilégie le ton parodique à la profondeur psychologique. Car Welcome to ParadiZe n’est pas là pour raconter une histoire poignante. Il est là pour moquer les ruines de notre modernité, avec en ligne de mire une cible toute trouvée : Alan Tusk, clone à peine voilé d’Elon Musk, créateur d’un paradis zombie automatisé sur le point de s’effondrer.
Le jeu assume pleinement son second degré constant, nourri de sarcasme sur la techno-dépendance, la servitude volontaire, le transhumanisme de pacotille et les rêves de colonisation lunaire. À mi-chemin entre dystopie grotesque et satire de salon, l’écriture multiplie les piques — certaines fines, d’autres plus grasses — mais parvient à maintenir un équilibre étonnamment stable, sans sombrer ni dans la bouffonnerie ni dans la leçon moralisatrice.
Les personnages secondaires — concierge désabusé, scientifiques dépassés, voix off autoritaires — participent à cette ambiance caustique, sans chercher à incarner autre chose que des archétypes fonctionnels. Le plaisir vient donc moins de l’intrigue que de la découverte du monde et des nombreux éléments de décor interactifs, documents audio, ou détournements publicitaires disséminés dans la carte. C’est là que se cache la vraie richesse narrative : dans le détail.
Malgré l’absence de doublages français, les textes sont intégralement localisés, avec un soin réel porté à la traduction et à l’adaptation des dialogues. L’ensemble conserve un ton fluide, percutant, parfois même jubilatoire. L’humour y est souvent bien senti, et le jeu s’offre même le luxe de faire mouche plus d’une fois, là où tant d’autres sombrent dans le pastiche forcé.
En somme, Welcome to ParadiZe ne raconte rien de vraiment neuf. Mais il le fait avec style, avec sarcasme, et surtout avec une cohérence d’intention qui donne envie de s’attarder. On ne joue pas à ce jeu pour vivre une aventure inoubliable. On y reste pour voir jusqu’où les développeurs oseront pousser leur vision déglinguée de la post-apocalypse technocratique.
Un système sous tension permanente
Welcome to ParadiZe se présente comme un Action-RPG en vue isométrique, mêlant tir à deux sticks, gestion d’inventaire, survie légère, construction et contrôle d’un compagnon zombie. Sur le papier : une fusion audacieuse de mécaniques. Dans les faits : un assemblage dense, fonctionnel, mais terriblement alourdi par des défauts structurels.
Vous contrôlez un survivant armé jusqu’aux dents — ou presque. Le stick gauche pour se déplacer, le droit pour viser, deux gâchettes pour attaquer, une touche pour recharger, une pour sprinter, une pour interagir, et une croix directionnelle aux usages multiples. La prise en main est classique mais efficace, et le rythme des combats se veut nerveux, immédiat, sans fioriture.
Le système de loot, lui, est rapidement submergé. Les armes — souvent récupérées directement sur les ennemis — pullulent dans l’inventaire, toutes identiques ou presque, sans rareté ni passif particulier. Le seul moyen de maintenir un semblant d’ordre : un bouton “camelote” qui détruit en un clic les doublons inutiles. Une rustine bienvenue, mais qui ne résout pas l’origine du problème : un loot trop généreux, trop plat, trop peu hiérarchisé.
L’autre souci majeur vient des menus, bordéliques et lourds. Accéder à ses objets, équiper, trier, consulter, changer d’arme en temps réel — tout cela se fait sans aucune pause. Et cette absence de gel de l’action, couplée à la nécessité fréquente de jongler entre différents types de dégâts (projectiles, mêlée, électriques, etc.), rend certains affrontements frustrants, surtout en solo. Vous êtes régulièrement contraint d’ouvrir un menu fouillis en plein milieu d’une attaque… avec tout ce que cela implique.
Le Zombot, compagnon programmable et évolutif, reste la meilleure idée du jeu. Son équipement est libre, ses fonctions variées : armure offensive, leurre mobile, monture grotesque… L’idée de “découper” les pièces de ses ennemis pour débloquer de nouvelles compétences est intelligente. Malheureusement, là aussi, le système est ralenti par les menus, peu lisibles, et par une interface qui peine à faire ressortir la richesse réelle de la mécanique.
À cela s’ajoutent des éléments de construction de base et de survie. Il faut surveiller la température, placer des générateurs, établir des collecteurs de ressources. Mais ces systèmes, bien que prometteurs, manquent d’explications claires et de retours lisibles. Aucune interface ne vous indique les zones optimales pour construire, les flux d’énergie, ni la chaîne logique entre extraction et stockage. Le tutoriel est trop vague, et le joueur se retrouve régulièrement à tâtonner.
En coop locale, ces défauts s’amenuisent : le chaos devient un atout, et les erreurs partagées une source d’amusement. En solo, en revanche, le manque de clarté nuit fortement à l’expérience sur la durée.
Welcome to ParadiZe est fun, nerveux, généreux en possibilités, mais il souffre d’un empilement de systèmes qui ne dialoguent pas toujours entre eux. À vouloir tout faire, le jeu s’épuise parfois lui-même — et épuise un peu son joueur.
L’humour en surface, le vide en fond
Visuellement, Welcome to ParadiZe fait le choix du fonctionnel avant l’artistique. Le moteur 3D utilisé est stable, fluide, parfaitement adapté aux contraintes d’un action-RPG en coop locale… mais souffre d’un certain vide artistique, d’autant plus flagrant que le ton du jeu, lui, cherche constamment à faire mouche.
L’univers post-apo est bardé de bonnes idées de design : satellites écrasés, tentes de fortune, barbelés bricolés, le tout détourné avec un humour cynique. Mais à l’écran, cela donne surtout des environnements pauvres en détails, figés, presque génériques. Les textures sont plates, les effets visuels peu inspirés, et l’ensemble évoque plus un prototype solide qu’un jeu finalisé.
Plus problématique encore, les personnages ne sont pas animés pendant les dialogues. Aucune synchronisation labiale, aucun mouvement de visage, pas même une mimique ou une variation de pose. Tout est rigide. L’effort est ailleurs : dans l’écriture, pas dans la mise en scène.
Le bestiaire, lui, s’en sort un peu mieux. Les zombies sont variés, parfois grotesques, souvent drôles, et bénéficient d’animations correctes, en particulier les Zombots contrôlés. Mais là encore, l’impression générale reste celle d’un produit “en chantier”, où l’essentiel est là, sans le raffinement.
Heureusement, la cohérence visuelle globale tient debout, notamment grâce à une direction artistique unifiée : menus, interfaces, écrans de chargement, affiches in-game… Tout est pensé pour servir le propos satirique, même si le résultat reste visuellement daté.
Côté audio, la situation est plus satisfaisante. Les textes sont intégralement traduits en français, et les doublages — bien qu’uniquement en anglais — s’en tirent avec les honneurs. Les intonations sont justes, les dialogues bien rythmé, l’humour bien porté. Le casting vocal donne de la personnalité à un monde qui, sans cela, semblerait nettement plus creux.
La bande-son, discrète mais bien calibrée, alterne entre nappes électroniques légères et thèmes de combat plus appuyés, sans jamais devenir envahissante. Elle soutient l’action, sans la magnifier, mais s’accorde bien au style semi-parodique du titre.
Welcome to ParadiZe est un jeu visuellement efficace mais sommaire, qui aurait bénéficié d’un vrai parti-pris artistique. Il manque d’éclat, de finesse, de personnalité graphique. Mais son ton, ses textes, et sa voix intérieure — au sens propre comme au figuré — suffisent à lui donner une identité.
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