Test de Farrel

     Dernier volet de la trilogie Voice of Cards de Yoko Taro, sorti quelques six mois après un second opus, The Beasts of Burden ne part malheureusement pas avec de très bons a priori.

     Neuf mois pour sortir trois jeux, c’est court, bien trop pour pouvoir proposer à chaque fois une expérience unique et réellement novatrice. Et si le second opus avait pour lui l’appel de la découverte, la liberté, un humour fin mais bien présent et quelques améliorations bienvenues ; ce troisième risque de décevoir… mais tout est une question de point de vue.

Rien de neuf sous le soleil

     Le premier constat auquel on pouvait malheureusement s’attendre, c’est que dans sa forme, Voice of Cards: The Beasts of Burden est strictement identique à ses prédécesseurs. On retrouve ainsi tout ce qui fait le sel de cette courte saga, à savoir des cartes, des cartes et encore des cartes.

     En lui-même, le plateau de jeu est pourtant bien différent du second opus et semble se rediriger vers les acquis du premier, à savoir une exploration plus lente à travers de vastes plaines (et surtout des déserts) à parcourir.

     Bien entendu, la qualité graphique est au rendez-vous. Il serait malhonnête de s’en plaindre. Les dessins sont toujours aussi qualitatifs, le bestiaire est vaste et inclut bon nombre de nouveaux monstres (ainsi que des variantes d’anciens). Non, d’un point de vue purement esthétique, Voice of Cards 3 est bel et bien au niveau de ses prédécesseurs.

     Cependant, il s’installe une certaine routine à voir et revoir encore et toujours les mêmes mécaniques de mise en scène. Très peu d’innovations visuelles ou d’idées de réalisation viennent émailler ce dernier opus, comme si toute l’inspiration était déjà passée par le tamis des deux premiers.

     Certes, on va retrouver çà et là des nouveautés, et des bonnes. On sent ainsi que le concept est désormais parfaitement rodé et maîtrisé, que les développeurs n’hésitent plus à casser le rythme narratif global, à apporter de petites variations de gameplay.

     Mais est-ce suffisant ? J’y reviendrai plus tard.

     Si le style est toujours bon, l’inspiration semble cette fois-ci venir tout droit des fonds de tiroir. Vos deux premiers héros en sont la parfaite illustration : cheveux blancs, combinaisons ressemblant à des camisoles, cheveux hirsutes et regards ténébreux. Oui, ils semblent tout droit sortis d’un shōnen. Et pas des meilleurs.

     La comparaison avec le second opus est d’autant plus difficile que les choix artistiques effectués dans ce dernier étaient ceux de la simplicité. Là… vous avez immédiatement le sentiment de ne pas être pris au sérieux. Et ce n’est pas le pire.

     Non, le pire… est indubitablement le changement de narrateur. Fini la voix suave du conteur, désormais c’est une narratrice qui prend la relève. Et cette dernière… ne sait visiblement pas raconter d’histoire.

     Avec son ton monocorde, se permettant quelques saillies sarcastiques et des inflexions tout à fait hors de propos, elle brise totalement la magie et le charme apportés par son prédécesseur.

J3 Cui Tr0 D@rK

     Voice of Cards 2: The Forsaken Maiden vous impliquait dans une intrigue toute en subtilité et en profondeur, maussade et triste, mais également forte d’une certaine mélancolie poétique… sans pour autant oublier quelques traits d’humour réellement bienvenus et toujours bien dosés. Sa force résidait indubitablement dans son scénario aux échos de « I am Setsuna », tout en parvenant à acquérir une identité propre et vraiment prenante.

     Ce troisième opus… est juste sombre. Mais pas dans le « bon » sens du terme. Nulle poésie ni humour. Simplement l’histoire d’une fille de 14 ans (qui en semble 25) et d’un anti-héros typique de shōnen (à l’image d’un Kakashi, Vegeta ou Ken Kaneki) cherchant à se venger.

     Voilà. Voilà tout ce dont ce troisième opus dispose pour vous faire voyager. Une vulgaire et insipide vendetta contre les monstres qui ont détruit le village de l’héroïne et tué sa mère.

     Bien entendu, je suis particulièrement critique car je ne peux me résoudre à prendre cet opus à part des deux premiers. Et le second était réellement impactant, écrit avec soin et tendresse.

     Pour reprendre avec plus d’objectivité, le pitch initial vous explique que le monde est en proie à une guerre éternelle entre monstres et humains. Alphée, l’héroïne, vit dans une cité souterraine où les habitants ont fui pour ne plus subir les incessantes attaques de leurs assaillants.

     Elle a la charge de pourfendre les viles créatures qui osent s’approcher trop près du village. Un beau jour cependant, ces dernières parviennent à faire une percée et tuent tous les habitants.

     Sauvée in extremis par un mystérieux jeune homme, Alphée va pourchasser ceux qui sont à l’origine de la mort des siens. Au gré de son périple, elle va réaliser qu’elle a le pouvoir de « dominer » les monstres et ainsi de les utiliser en combat. Avec le temps, elle

apprendra à retrouver une once de jovialité et peut-être même l’espoir de lendemains plus heureux.

     Ce que je reproche particulièrement au titre, outre sa narration quelque peu faiblarde, c’est avant tout son manque flagrant d’originalité. Que ce soit en termes de protagonistes, d’intrigue ou de missions secondaires, tout a déjà été vu et revu ailleurs… et souvent en mieux.

     Car oui, si vous êtes habitués des JRPG, cette histoire… c’est peu ou prou celle d’H’aanit (Octopath Traveler). Certes, sans la destruction d’un village, mais la poursuite, la quête de vengeance, la faculté de capturer des monstres pour les utiliser en combat… Tout dans l’intrigue principale vous laisse cet arrière-goût aigre de retrouver l’histoire de l’un des meilleurs personnages de ce RPG tout bonnement extraordinaire.

     Et c’est bel et bien là que le principal problème se pose : comment réellement apprécier Voice of Cards: The Beasts of Burden s’il ne propose pas la moindre once d’originalité, se contentant de copier en pire un jeu de cette envergure ? Sans parvenir à se trouver une identité propre, le dernier titre d’Alim est simplement voué à subsister dans l’ombre de son aîné.

Dragon Quest V, sors de ce corps !

     La principale nouveauté en termes de gameplay, c’est bien entendu cette faculté qu’a l’héroïne de pouvoir dresser les monstres qu’elle rencontre pour mieux les utiliser en combat.

     Certes, au sein de la courte série, c’est la première fois que cette mécanique est présente. On peut donc légitimement parler de « nouveauté »… Mais en est-ce

réellement une ? À une époque où les jeux permettant la capture de monstres sont légion, Voice of Cards: The Beasts of Burden fait pâle figure et ne mérite clairement pas son titre d’héritier d’un genre largement répandu.

     Car les RPG plus classiques qui ont osé également cette fonctionnalité sont légion. Je citais plus haut Octopath Traveler, mais je pourrais également évoquer Dragon Quest V, auquel le titre se rapproche plus.

     Plus gadget que réellement impactant, cette possibilité qui vous est offerte s’impose rapidement comme une ficelle scénaristique grossière permettant à Alphée d’apprendre à mettre de côté ses préjugés et de ne pas catégoriser tout le monde simplement sur l’apparence physique.

     Oui, c’est niais au possible, très loin de ce que la série avait su proposer jusqu’alors.

     Pire encore, la capture impose irrémédiablement de multiplier volontairement les combats… Là où la profusion des rencontres aléatoires était déjà un point fort discutable dans les deux précédents opus.

     Un choix surprenant, pour ne pas dire incompréhensible, mais qui permet au final de

réaliser que Voice of Cards se termine bel et bien là, sans espoir de revoir la licence un jour. Le filon est épuisé, plus rien ne reste.

J’aime

J’aime moins

L

Toujours aussi beau

L

Une maîtrise du concept

L

Quelques nouveautés sympathiques.

K

Le système de capture de monstres

K

Un scénario très basique et peu impactant.