Une rose seule est un roman graphique de Kan Takahama, basé sur le roman éponyme de Muriel Barbery. Paru le 28 Août aux éditions Rue de Sèvres, il se compose de 216 pages.

L’héritage au cœur du Japon

Rose, 40 ans, est française du côté de sa mère et japonaise du côté de son père. Ce dernier, qui vit à Kyôto, vient de décéder. Rose doit se rendre au Japon pour récupérer son héritage. Déjà très éprouvée par la vie, elle voyage le cœur amer. Rose n’a jamais connu Haru, ce père qui est resté absent durant toute sa vie ; elle découvre là-bas un pays délicat, dans lequel on transforme les cassures pour les magnifier ; de la beauté au cœur de l’Enfer, une idéologie qui n’est pas sans rappeler l’art du Kintsugi, qui magnifie les fêlures en les parant d’or.

Haru, le père de Rose, a demandé à son ami et associé Paul, de lui faire visiter différents temples après sa mort. C’est là-bas que la jeune femme découvre une philosophie dont l’apaisement chemine doucement en elle. Sa rage et son impatience se liquéfient dans le calme des jardins zen. Rose constate qu’au Japon aussi, personne n’est épargné par les aléas de la vie. Les gens qu’elle rencontre ont vécu des tragédies eux aussi. Et ils la transforment par le biais de l’art. Des jardins zen, de l’ikebana, de la poterie…

Une semaine pour fleurir

Rose dispose d’une semaine à Kyôto avant de recevoir l’héritage de son père, dont elle ignore la teneur. Pendant ces longues journées, elle va évoluer. Son chagrin et sa colère vont s’adoucir au contact de Paul. Cet homme va lui permettre de laisser éclore une forme d’apaisement en elle, sous forme d’amour. Elle doit prendre le risque de l’approcher, quitte à tout gagner ou tout perdre. Parce que la vie est constituée d’aléas imprévisibles, qu’il faut accueillir ce qui s’offre à nous. Guérir grâce à la beauté née du chaos, dans une forme de renaissance.

Rose comprend que Paul est un homme brisé. Il a perdu son épouse, Clara, alors que sa fille n’avait que 2 ans. C’est pour elle qu’il est resté en vie. Paul est un homme d’affaires très secret et discret qui n’épanche pas sa détresse. Ses émotions sont pudiques, retenues. Bien qu’il soit belge, son cœur est japonais en manifestant cette réserve.

S’épanouir dans la pudeur

Ce roman graphique est une adaptation du roman Une rose seule de Muriel Barbery, l’auteure de L’élégance du hérisson. J’aime beaucoup la patte graphique et les plans qui mettent à l’honneur les paysages de Kyôto. On retrouve la pluie printanière à de nombreux instants, comme un écho à toute l’amertume contenue de Rose qui s’épanche enfin. L’ikebana, bien qu’il ne soit pas cité mais imagé, imprègne l’ouvrage avec délicatesse et poésie. C’est un art spirituel qui illustre parfaitement la beauté décrite ici. Rose se spécialise justement en géobotanique et les fleurs occupent une place centrale dans les chapitres.

Les métaphores sont nombreuses, comme contempler les branches de prunier qui n’ont encore aucun bourgeon, parce qu’il suffit d’imaginer les fleurs, en harmonie avec son cœur. Une rose seule est un récit initiatique empreint de philosophie, qui permet de donner une interprétation à la détresse, la traverser en la magnifiant. Comme l’écrit Haru, le Japon a su créer de la beauté sur une terre cataclysmique, ce que la France ne peut concevoir. En effet, la France n’est pas soumise aux déchaînements réguliers de la nature.

Une rose à aimer

Rose est directe, ne met pas de gants, quitte à blesser. N’ayant pas reçu d’amour parental, elle ne sait pas comment se comporter avec les autres et toutes ses relations sont éphémères. Au contact de Paul, elle s’épanouit enfin, en dépit de toutes ses lacunes. Elle s’attache à lui et redoute le moment de son départ, car une fois le testament de Haru lu, la mission de Paul sera terminée et plus rien ne le retiendra auprès d’elle. Rose doit exprimer ses émotions, si elle ne le fait pas, elle le regrettera.

Une rose seule nous convie dans un Japon où la modernité et la tradition s’entremêlent par excellence : Kyôto. Les couleurs, les odeurs et les saveurs nous sont servies avec beaucoup de finesse. C’est un voyage intime, philosophique ; comment surmonter nos blessures profondes ? Ce pays magnifique a capturé mon cœur il y a bien longtemps et continue de me procurer beaucoup de joie.

Si la romance entre Rose et Paul est feutrée, elle est représentative de ce Japon extrêmement pudique et de deux amants quarantenaires qui viennent à peine de se rencontrer. Même si du côté de Paul, la situation est légèrement différente, il connaît déjà Rose grâce aux nombreuses photos de Haru.