Le sake coule, les lucioles dansent, et quelque part au fond d’un chemin boisé du Gensokyo, une petite taverne rouvre ses portes. Touhou Mystia’s Izakaya, développé par Dichroic Purpilion et publié par Phoenixx, est arrivé sur Nintendo Switch en mai 2024, tel un hommage vibrant à la convivialité japonaise et à l’univers foisonnant du Touhou Project.
Vous y incarnez Mystia Lorelei, une youkai mélomane reconvertie en cheffe d’entreprise, bien décidée à redonner vie à son izakaya après une mésaventure rageuse avec un client trop exigeant. En mêlant gestion culinaire, ambiance détendue et rencontres fantastiques, ce spin-off atypique promet une expérience douce et attachante, à mi-chemin entre le jeu de gestion et la simulation de lien social.
Mais derrière les lanternes suspendues et les effluves de ramen, Touhou Mystia’s Izakaya parvient-il à maintenir l’équilibre entre confort, répétition et profondeur mécanique ? L’heure est venue de faire chauffer les marmites.
Brûlures douces et liens éphémères
Dans Touhou Mystia’s Izakaya, l’histoire se veut discrète, presque effacée, comme une brume qui envelopperait la terrasse d’un restaurant en pleine nuit d’été. Vous incarnez Mystia Lorelei, créature nocturne et chanteuse à ses heures, forcée de rebâtir sa taverne après qu’un client mal luné en a réduit les murs en gravats. Cette quête de reconstruction devient rapidement un prétexte à un ballet de rencontres, d’échanges et de confidences, au cœur du monde déjà bien établi de Gensokyo.
Loin d’un récit linéaire ou épique, Touhou Mystia’s Izakaya s’enracine dans une logique de fragments. Chaque personnage rencontré — souvent issu du panthéon coloré de la licence Touhou — se présente avec ses petites habitudes, ses goûts bien tranchés et ses attentes parfois absurdes. Ils ne viennent pas porter une intrigue globale, mais tissent peu à peu une mosaïque d’instants, de personnalités et de routines. Une approche contemplative qui privilégie la lenteur à l’élan, l’anecdote au rebondissement.
Mystia elle-même n’est pas une héroïne classique. Elle est tenancière, médiatrice, confidente, toujours occupée mais rarement mise en lumière. Sa voix narrative est douce, pudique, effacée derrière le brouhaha des clients et le cliquetis des ustensiles. Ce choix, parfaitement cohérent avec l’univers du jeu, participe à une ambiance de tranquillité permanente, presque méditative, mais limite aussi l’engagement émotionnel. Aucun enjeu dramatique ne vient relancer l’intérêt narratif au-delà de l’attachement que l’on peut ressentir pour cette petite communauté informelle.
Cette légèreté narrative fonctionne tant qu’on accepte de s’abandonner à la lenteur du rythme. Mais pour ceux qui espéraient un scénario construit, évolutif, structuré autour de véritables arcs narratifs, Touhou Mystia’s Izakaya offre avant tout des sourires de passage, des saluts discrets, et une nuit toujours recommencée.
Cuisine du cœur et recette d’ennui
Le cœur battant de Touhou Mystia’s Izakaya repose sur une alternance savamment rythmée : préparation le jour, service la nuit. Cette cadence simple structure l’ensemble de l’expérience et propose un équilibre plutôt agréable entre gestion et exécution. En journée, Mystia sillonne forêts et sentiers pour récolter les ingrédients nécessaires à ses recettes. Une fois la nuit tombée, la taverne ouvre ses portes, et le joueur passe alors à un gameplay de type service-client en temps semi-réel, alternant commandes à honorer, recettes à assembler et ambiance à entretenir.
La prise en main est rapide, fluide, intuitive. Les recettes sont organisées selon leurs composants, les clients expriment leurs préférences, et chaque soirée se transforme en un petit puzzle logistique où efficacité rime avec précision. Certaines commandes sont simples, d’autres plus élaborées, exigeant une vraie planification en amont pour ne pas être pris au dépourvu. Les soirées se succèdent avec des variations légères — météo, événements, apparition de clients spéciaux — qui viennent ponctuellement briser la routine.
Mais cette routine finit justement par s’imposer. Car si le gameplay séduit au départ par sa clarté et sa douceur, il finit par s’épuiser dans sa propre répétition. Les améliorations de la taverne, la découverte de nouvelles recettes, l’agrandissement du stock ou l’ajout de tables n’apportent pas de transformation réelle à la boucle principale. Il s’agit davantage d’ajustements que de véritables évolutions, et la montée en puissance du joueur ne change jamais radicalement la manière de jouer.
L’aspect gestion, de son côté, manque de mordant. Il est presque impossible d’échouer, les pénalités sont mineures, et même les erreurs de stratégie ou d’anticipation sont rarement sanctionnées. L’économie interne est souple, bienveillante, presque passive. Cette douceur, si elle s’accorde bien à l’ambiance générale, risque de lasser les amateurs de véritables défis, qui y verront un manque de profondeur et de système.
Touhou Mystia’s Izakaya charme par sa mécanique douce, sa structure reposante et son accessibilité immédiate. Mais il s’épuise à ne jamais oser complexifier son gameplay, ni mettre en tension les choix du joueur. Une expérience qui se savoure comme une soupe tiède : apaisante, agréable, mais rarement mémorable.
Lumières tamisées et musiques de velours
Graphiquement, Touhou Mystia’s Izakaya mise sur un pixel art délicat, finement ciselé, qui convoque immédiatement une chaleur visuelle bienvenue. La palette de couleurs pastel et la douceur des animations contribuent à établir une atmosphère paisible, presque onirique. Chaque recoin de la taverne, chaque élément du décor extérieur, du feuillage à la rivière, semble conçu pour inviter à la contemplation. On retrouve ici cette patte si particulière aux productions issues du Touhou Project, où le souci du détail n’est jamais un luxe superflu, mais un vecteur d’ambiance.
Les personnages, bien que stylisés, sont expressifs. Le moindre client devient reconnaissable en un coup d’œil, grâce à des sprites riches en nuances visuelles. Les émotions passent par de simples mimiques, des postures esquissées, ou un clignement d’yeux bien placé. Cette expressivité minimaliste fonctionne admirablement dans le cadre d’un jeu où l’interaction repose avant tout sur des échanges rapides et symboliques.
Côté sonore, l’expérience s’aligne sur cette esthétique feutrée. Les musiques, douces et vaporeuses, viennent accompagner les phases de jeu sans jamais les dominer. Les compositions oscillent entre mélodies traditionnelles japonaises et nappes plus modernes, presque ambient, créant un écrin sonore aussi relaxant que cohérent. Toutefois, leur répétition devient rapidement notable. Passées les premières heures, l’oreille finit par les oublier, ou les redouter, tant les boucles se font insistantes.
Les effets sonores, quant à eux, remplissent leur office avec simplicité : un bruit de plat posé, un tintement de cloche, un souffle de vent. Rien de spectaculaire, mais un ensemble parfaitement ajusté à la promesse du jeu : une bulle de calme, à la frontière de la gestion et de la rêverie.
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