Pour les amateurs de MMO-RPG, le nom de NCSoft résonne immédiatement comme un gage de qualité. En effet, le studio sud-coréen a indubitablement marqué les esprits en s’étant illustré avec des titres tels que Lineage, Guild Wars et Aion, devenant rapidement une référence dans le développement de jeux massivement multijoueurs en ligne.
Cependant, avec le temps, la concurrence s’est intensifiée et les goûts des joueurs ont évolué, incitant NCSoft à réévaluer son approche. Ainsi, Throne and Liberty fait figure de nouvelle tentative pour capter l’attention des joueurs de MMORPG, en alliant le savoir-faire classique du studio à des mécaniques plus modernes et dynamiques. Initialement annoncé sous le nom de Lineage Eternal en 2011, ce jeu a traversé une décennie de développement tumultueux avant de renaître sous son nom actuel.
Sorti sur Xbox Series le 3 octobre 2024, Throne and Liberty se présente comme un MMORPG de nouvelle génération. Promettant un monde ouvert gigantesque, une personnalisation poussée des personnages, et des combats stratégiques mêlant PvE et PvP, le jeu se veut ambitieux. L’objectif : réconcilier les joueurs aguerris du genre et séduire les novices grâce à un univers riche en mythes et en récits épiques. Mais derrière cette façade grandiose, le jeu tient-il vraiment ses promesses ou tombe-t-il dans les écueils typiques des MMORPG modernes ?
Dès les premières minutes dans l’univers de Throne and Liberty, il est évident que NCSoft a misé sur l’esthétique. Les graphismes sont tout simplement splendides, avec une attention minutieuse portée aux détails environnementaux. Les paysages que le joueur traverse, qu’il s’agisse de montagnes majestueuses, de forêts profondes ou de cités monumentales, respirent une majesté rarement vue dans les MMORPG. Chaque région possède sa propre identité visuelle, inspirée par divers mythes et légendes, créant ainsi un sentiment d’émerveillement constant.
Traverser les différentes zones pour la première fois est une véritable invitation au voyage tant les décors et les petites spécificités sont légion. Vous allez ainsi passer d’une forêt pleine de mystère dominée par des araignées géantes à de vastes plaines envahies de gobelins dans lesquelles les humains sont retranchés sur un promontoire rocheux, en passant par des champs, des cités souterraines ou des zones de nidification de monstres.
Cependant, cette magnificence est ternie par un gameplay qui n’exploite pas pleinement ce potentiel. Le monde est vaste, mais souvent vide d’activités véritablement engageantes. Les quêtes annexes, qui devraient encourager l’exploration, se contentent souvent de mécaniques classiques et répétitives : tuer X ennemis, récolter Y objets. Ces tâches banales, bien que présentes dans la plupart des MMORPG, semblent ici particulièrement décrochées de l’univers dense et complexe que Throne and Liberty tente de construire.
Rares sont les zones, en effet, qui proposent des chefs de factions, quêtes secondaires ou événements mondiaux. Même les mini-boss disséminés ça et là n’apportent pas suffisamment de challenge ou de récompenses pour inciter les joueurs à revenir en boucle les « farmer ».
De plus, le système dynamique des conditions climatiques, tant vanté dans les annonces du jeu, laisse un goût amer. Si, sur le papier, l’idée d’avoir des créatures apparaissant uniquement la nuit ou des tempêtes modifiant le cours des combats semble intrigante, en pratique, cela ajoute davantage de frustration que de stratégie. Ces événements, qui devraient ajouter une couche de profondeur, deviennent rapidement des obstacles qui ralentissent la progression ou limitent l’accès à certains contenus sans raison valable, vous contraignant à attendre des conditions spécifiques pour revenir dans des zones déjà visitées, souvent attirant un grand nombre de joueurs dans la même situation.
Par ailleurs, l’absence d’une véritable interaction avec l’environnement aggrave ce sentiment de superficialité. Là où certains jeux, comme The Elder Scrolls Online ou Black Desert Online, permettent de découvrir des secrets ou des trésors cachés, Throne and Liberty n’offre que très peu d’opportunités de ce type. Le joueur se retrouve souvent à suivre un chemin tout tracé, sans la possibilité d’influencer ou de modifier son environnement de manière significative.
Certes, des failles dans lesquelles des trésors sont dissimulés deviennent accessibles au gré de l’aventure ; mais ces dernières sont pour l’instant trop vagues et, surtout, clairement indiquées sur la mini-carte. Si cette simplification est intéressante pour la plupart des joueurs, elle retire clairement le plaisir de résoudre une énigme ou d’être récompensé pour la curiosité et l’exploration.
Au final, la majorité des joueurs vont se contenter de traverser vaguement les zones sans jamais prendre le temps de les explorer pleinement ; mais sans réelle conséquence puisque ceux qui s’y perdent ne gagneront tout simplement rien de plus.
L’une des grandes promesses de Throne and Liberty était de moderniser le système de combat en introduisant des éléments d’action et de stratégie en temps réel. Sur ce plan, le jeu ne déçoit pas totalement, mais il laisse tout de même à désirer. Le système de combat se veut dynamique, avec la possibilité de se déplacer librement durant les affrontements et d’esquiver les attaques adverses. Les animations sont fluides, les compétences bien mises en scène, et la diversité des armes et des pouvoirs disponibles permet d’adapter son style de jeu en fonction de la situation. Par exemple, il est possible de passer d’une approche à distance avec des arcs ou des sorts à un combat plus rapproché avec des épées et des boucliers, puisque le jeu vous permet d’équiper deux sortes d’armes différentes et d’en changer dynamiquement lors des combats.
Néanmoins, cette flexibilité est en partie gâchée par une prise en main qui manque de réactivité. Sur Xbox Series, la manette ne semble pas toujours répondre avec la précision nécessaire, surtout lors des affrontements contre plusieurs ennemis ou pendant les batailles de grande envergure. Le problème est amplifié par des soucis de performances techniques. Même si le jeu est visuellement impressionnant, les combats souffrent de ralentissements notables dès que trop d’ennemis ou de joueurs sont présents à l’écran. Cette perte de fluidité nuit gravement à l’expérience de jeu, en particulier dans les moments où une parfaite exécution est requise.
Par ailleurs, le système de progression des personnages se révèle quelque peu rigide. À chaque montée de niveau, le joueur débloque de nouvelles compétences et obtient des points de statistiques, mais le manque d’originalité du système rend l’expérience un peu plate. Il s’agit d’une formule très classique qui ne surprendra pas les habitués des MMORPG, et qui risque de lasser rapidement les nouveaux venus. À cela s’ajoute un « grind » omniprésent, indispensable pour améliorer son équipement ou obtenir des compétences de haut niveau. Cette mécanique de « farm » intensif n’est pas nouvelle dans le genre, mais elle paraît ici particulièrement prononcée, rendant la progression souvent laborieuse.
Bien que le jeu offre un large éventail de compétences à débloquer, le système de personnalisation des personnages manque de profondeur. Les choix effectués au fil de la progression ne se ressentent que très peu dans le gameplay, et la diversité des builds n’est pas aussi marquée qu’on pourrait l’espérer. Ce problème est aggravé par une interface utilisateur peu ergonomique, surtout sur console. Naviguer entre les différents menus et options de personnalisation est fastidieux, ce qui décourage rapidement d’explorer les possibilités offertes par le jeu.
Le cœur même d’un MMORPG repose sur son aspect multijoueur, et Throne and Liberty fait de grandes promesses en matière de contenu communautaire. Le jeu met l’accent sur des batailles massives entre joueurs, des affrontements PvP épiques pour le contrôle de territoires, et des sièges de forteresses dignes des grandes batailles médiévales. Sur le papier, tout cela semble extrêmement alléchant, mais l’exécution laisse, une fois de plus, à désirer.
Les batailles massives, censées être l’un des points forts du jeu, souffrent d’un problème fondamental : l’aspect technique. Comme mentionné précédemment, les ralentissements lors des affrontements de grande échelle nuisent gravement à l’expérience de jeu. Lors de ces batailles, où des centaines de joueurs peuvent s’affronter pour le contrôle d’une forteresse, les performances chutent drastiquement, rendant l’action difficile à suivre et frustrante à jouer. Les décisions stratégiques, qui devraient être au cœur de ces combats, sont souvent éclipsées par la simple difficulté de savoir ce qui se passe à l’écran à cause des chutes de framerate.
De plus, l’aspect communautaire, pourtant essentiel dans un MMORPG, manque de profondeur. Le jeu propose bien des outils pour faciliter la communication entre les joueurs, que ce soit via des guildes ou des alliances temporaires, mais ces systèmes semblent sous-utilisés. La plupart des interactions entre joueurs se limitent à des échanges minimalistes, et il est rare de voir de véritables coopérations stratégiques se mettre en place, même lors des batailles de grande envergure. Ce manque de communication et de coordination réduit l’impact des fonctionnalités multijoueur du jeu, qui se résument souvent à des affrontements en solo contre des groupes de joueurs plus organisés.
Il est difficile de réaliser que le titre ne propose même pas de chat vocal de proximité, ni d’interactions poussées avec les autres joueurs. Lancer un raid ou un donjon en matchmaking se résume souvent à rusher sans la moindre coordination avec les autres joueurs, et le système de guilde, pourtant au cœur du jeu, se résume à accomplir des missions pour augmenter le niveau de son groupe.
Le contenu endgame, c’est-à-dire le contenu accessible une fois le niveau maximum atteint, souffre également d’une certaine pauvreté. Bien que le jeu propose des donjons et des raids, ces activités manquent de variété et de profondeur. Elles se révèlent rapidement répétitives, surtout lorsque l’on compare Throne and Liberty à d’autres MMORPG du marché qui proposent un contenu endgame beaucoup plus étoffé et engageant. Les joueurs qui cherchent des défis de longue haleine ou des activités communautaires de haut niveau risquent donc de se lasser assez rapidement.
Comme de nombreux jeux modernes, Throne and Liberty intègre un modèle économique basé sur les microtransactions. Bien que NCSoft ait déclaré que ces transactions seraient principalement cosmétiques, la réalité est plus nuancée. Certaines des options disponibles contre de l’argent réel offrent des avantages en termes de progression, notamment des boosts d’expérience ou des améliorations d’équipement.
Pour entrer dans les détails, il est nécessaire dans le jeu d’obtenir des manuels d’améliorations ou de forge afin de créer de nouvelles armes et armures puissantes, ou de les faire évoluer. La différence entre un joueur ayant un équipement optimisé et un autre n’en prenant pas soin est significative, plus encore que pour les compétences. Or dans Throne and Liberty, ces manuels sont achetables dans la boutique, offrant de fait un avantage certain aux joueurs dépensant de l’argent réel.
De plus, le nombre d’options cosmétiques présentes dans la boutique est assez significatif, autant qu’à un prix très élevé. On sent rapidement que le studio cherche clairement à capitaliser sur les « baleines » en appliquant toutes les formules inhérentes aux jeux mobiles… y compris aux Gachas tels que Genshin Impact et consorts.
Le jeu propose également un système de passes saisonniers, offrant des récompenses exclusives à ceux qui les achètent. Ces passes, bien qu’ils soient devenus monnaie courante dans de nombreux jeux multijoueurs, renforcent l’idée que le contenu payant est privilégié par rapport au contenu gratuit. Pour un jeu qui se présente comme un MMORPG, cette approche commerciale risque d’aliéner une partie des joueurs qui s’attendent à une progression basée sur le mérite plutôt que sur le porte-monnaie.
Une précision est importante cependant : Throne and Liberty reste un MMO-RPG free to play d’une ampleur rarement égalée. Pas d’abonnement mensuel, ni d’achat initial. N’importe qui peut donc profiter de l’ensemble du contenu sans débourser le moindre centime.
Cette critique peut sembler quelque peu dure envers Throne and Liberty, raison pour laquelle il est important de nuancer le propos. Il ne faut pas oublier qu’il ne s’agit pas d’un « simple » jeu vidéo, mais d’un nouveau MMO-RPG de grande envergure.
Comme l’intégralité des jeux du genre, l’équipe de développement travaille d’arrache-pied à continuellement maintenir un flux d’améliorations et de corrections de bugs. Il y a donc fort à parier que l’intégralité des points négatifs cités jusqu’alors disparaîtra au gré des mises à jour.
La force de Throne and Liberty est indéniable. Les bases sont solides, le gameplay engageant, le lore riche. NCSoft a donc toutes les cartes en main pour transformer l’essai et faire de leur dernier titre un grand MMO capable de devenir un incontournable du genre grâce à ses propositions mêlant classicisme et nouveautés. À voir sur la durée, mais le potentiel du jeu est énorme.