Test de Farrel

     Project Zero : Le Masque de l’Éclipse Lunaire est un jeu vidéo de type « où est mon pantalon de rechange ? » sorti initialement en 2008 en exclusivité sur Nintendo Wii au Japon. 

     Ce quatrième opus de la licence horrifique « Zero » dans sa version originale (ou « Fatal Frame » aux États-Unis) se déroule en réalité bien avant les autres, servant peu ou prou de préquelle à l’ensemble de la saga. Vous y retrouverez donc toutes les mécaniques déjà bien connues, mais également bon nombre de nouveautés. 

     Après avoir sorti en Octobre 2021 le remaster du cinquième épisode (« La Prêtresse des Eaux Noires »), Tecmo et Grasshopper ont donc décidé de proposer l’un des plus célèbres (et meilleurs) opus de la licence. Est-ce une réussite malgré l’âge du titre ? C’est parti pour le test ! 

L’horreur à la japonaise 

     Qu’il est difficile de résumer Project Zero: le Masque de l’Éclipse Lunaire… Non pas à cause des éventuels spoilers, mais bien car sa narration est découpée d’une manière peu conventionnelle, constituée d’histoires imbriquées les unes dans les autres. 

     Je vais tenter d’aller au plus simple… 

     Lorsqu’elles étaient petites, Ruka, Madoka, Marie, Tomoe et Misaki ont été enlevées par You Haibara et emmenées sur l’île de Rougetsu. Sauvées par un agent de police, Choushiro Kirishima, les enfants ont pu retrouver leur famille et reprendre une vie normale. 

     Mais à la mort mystérieuse de Marie et Tomoe, Misaki et Madoka décident de retourner sur l’île afin d’enquêter et de retrouver leurs souvenirs. 

     Car de cette époque ne demeurent que quelques flashs imprécis, la vision d’un masque, la réminiscence d’une envoûtante mélodie, la remembrance d’un étrange rituel. 

     Arrivées sur les lieux, les deux amies se perdent de vue tandis que Misaki poursuit une mystérieuse jeune fille qu’elle semble reconnaître. 

     Ruka fait de même, emportant avec elle une photo d’elle et de sa mère se trouvant devant l’hôpital présent sur l’île. De son côté, elle espère retrouver son père : un fabricant de masques dont elle ne parvient pas à se souvenir du visage. 

     Enfin, le policier devenu détective privé, Choushiro, se réveille également sur l’île. Il est toujours à la poursuite de You Haibara qui est parvenu jusqu’alors à

échapper aux forces de l’ordre suite aux enlèvements. Il dispose également d’un mandat d’arrêt suite à la découverte des expériences que ce dernier menait sur les patients de sa clinique. 

     Project Zero : Le Masque de l’Éclipse Lunaire se divise en treize chapitres, chacun vous mettant tour à tour dans la peau d’un personnage différent. 

     Premier constat : si le scénario est réellement bon et implique bon nombre de découvertes et de retournements de situations fort bien amenés, il n’en demeure pas moins terriblement complexe dans sa mise en forme. 

     Bien souvent, je me suis demandé qui était qui, cherchant à relier difficilement les événements aux découvertes, aux protagonistes ou encore simplement à comprendre la chronologie. 

     S’il est clair que le scénario de cet opus est indubitablement très bon, il se perd dans une inutile complexité uniquement mue par la volonté de vous faire incarner chacun des personnages. 

     Sans doute aurait-il été préférable de ne vous faire incarner qu’un seul, voire deux protagonistes. Mais en l’état, et à moins de s’accrocher à sa manette (et à son siège), la compréhension globale de l’intrigue peut échapper aux joueurs les moins attentifs ou impliqués… ou simplement à ceux qui cumulent plusieurs jeux. 

     Pour autant, nous sommes bien en présence d’un jeu d’horreur japonais des

plus classiques reprenant les poncifs les plus usuels du genre. 

     Ainsi, la majorité de l’intrigue se déroule dans un hôpital (avec son lot de jump-scares et d’apparitions inattendues) et dans un sinistre manoir rempli de secrets. Les fantômes sont également dans la droite ligne du folklore horrifique japonais traditionnel. 

     Mais là où le titre tire particulièrement son épingle du jeu par rapport aux autres productions, c’est bien par son ambiance. Le rapprochement avec Silent Hill est contraint, tant on retrouve dans Project Zero : Le Masque de l’Éclipse Lunaire bon nombre de poncifs assez similaires (les infirmières, mais aussi la musique issue des haut-parleurs, le grain de l’image, etc.). 

     Pour peu que le joueur soit un minimum impliqué et craintif, l’angoisse est réelle et monte progressivement jusqu’à un sentiment de peur tangible. Et tout cela est, bien entendu, renforcé par un gameplay original, mais qui ne plaira guère à tous… 

PokéGhost Snap 

     Les amateurs de Survival Horror risquent d’être à la fois agréablement surpris et totalement perdus, tant Project Zero : Le Masque de l’Éclipse Lunaire ose une approche radicalement différente de leurs habitudes. 

     Fi de l’action décomplexée de Resident Evil, du passage progressif de proie à chasseur de The Evil Within ou encore de la fuite dans Silent Hill. Ici, les développeurs ont fait le choix de vous faire incarner des jeunes femmes moralement brisées, traumatisées et terrifiées. 

     Et pour concrétiser cela, le gameplay s’oriente vers une lourdeur pataude. La plupart des protagonistes que vous incarnez se déplacent lentement, en tremblant, et sont incapables de courir ou de se défendre. Il en résulte certes un sentiment de fragilité et d’impuissance, mais également… d’ennui. 

     Car à force de vous contraindre à prendre dix à quinze minutes pour parcourir des couloirs déjà visités, vous finissez inexorablement par vouloir secouer les demoiselles pour les contraindre à se hâter quelque peu. Vous maintiendrez donc enfoncée la plupart du temps la « touche de course », afin de leur permettre… de se déplacer à une vitesse proche de la marche dans la grande majorité des autres titres. 

     Le principal problème qui en découle est donc logique : si le joueur n’est pas affecté par l’angoisse générée par le titre, il va simplement endurer une aventure lente et diablement frustrante. Là où d’autres jeux prennent le parti d’oser des combats et des séquences d’action afin de contenter tout le monde, Project Zero : Le Masque de l’Éclipse Lunaire n’en a que faire. 

     À l’inverse, si vous êtes impliqué dans son intrigue et sensible à ce genre de mécaniques, alors la partie n’en sera que plus intense et terriblement vibrante, comme ce fut mon cas. 

     Bien entendu, et comme dans tout bon Survival Horror, la partie exploration est prégnante dans le titre. Cette dernière demeure relativement classique, constituée d’allers-retours, d’énigmes à résoudre, de clés et d’objets à

collecter. 

     La principale différence avec les autres licences vient du fait que vos personnages sont équipés d’une lampe torche contrôlable avec la caméra, soit le joystick droit. Il faudra donc balayer l’ensemble des pièces visitées afin de mettre en surbrillance certains éléments, et ainsi pouvoir les examiner ou les ramasser. 

     Si l’on était en droit de s’attendre au pire du portage de la Nintendo Wii  avec cette mécanique (la lampe étant à l’époque contrôlable via la Wiimote), force est de constater que le résultat est plutôt convaincant. Certes, la maniabilité de ces phases est aussi lente que le reste du titre, mais ne souffre d’aucun souci particulier de contrôle ni de précision. 

     Mais vient désormais la grande question : comment survivre dans un jeu dénué de tout système de combat ? L’originalité de la série, à savoir l’utilisation d’un appareil photo, est bien entendu toujours de la partie. 

     Matérialisé sous la forme de la « Camera Obscura », cet objet vous permet de passer en mode première personne en appuyant sur la touche Y pour capturer les esprits hostiles. 

     Pensé comme n’importe quel autre jeu, il faut donc viser avec la touche LT et prendre la photo via RT. Une jauge permet également d’améliorer automatiquement la mise au point, augmentant en conséquence les dégâts infligés aux ennemis. 

     Dans les faits, vous êtes rarement confronté à plus d’un fantôme à la fois, mais il est nécessaire de bien doser votre « attaque » pour éviter que

l’antagoniste ne parvienne à vous toucher. Il est donc parfois plus utile d’infliger de petits dégâts en prenant des clichés rapides afin de prendre de la distance, plutôt que d’attendre le remplissage de la jauge en question. 

     Chaque fantôme dispose de deux formes : normale et « visage déformé », plus puissant et agressif. Au fur et à mesure de l’évolution de la partie, les esprits deviennent logiquement de plus en plus retors, forts et résistants, d’autant que bon nombre d’affrontements se font dans des lieux cloisonnés et étriqués. 

     Mais cet opus ajoute également une nouvelle arme : la Lampe Spectrale. En possession du détective Choushiro, cette dernière s’utilise peu ou prou de la même manière, à savoir à la première personne en « concentrant » le faisceau lumineux. Particularité cependant : celle-ci doit être rechargée à l’aide des rayons de la lune, laissant l’enquêteur totalement sans défense lorsqu’elle est vide. 

     Dans son mode de difficulté « Normal », Project Zero : Le Masque de l’Éclipse Lunaire ne présente que peu de difficulté ou de challenge. Cependant, pour débloquer la vraie fin, vous êtes contraints de terminer le titre en difficulté « horrible » en « New Game Plus ». Cette dernière vaut réellement le coup, et je vous laisse le plaisir de vous y frotter. 

Un remastered de qualité ? 

     Mais tout ce que je viens de détailler ici était déjà présent dans la version de base du jeu sorti en 2008. Qu’en est-il des nouveautés et des améliorations de cette version ? 

     Eh bien, elles sont réduites à peau de chagrin. De nouvelles tenues sont déblocables (ou achetables dans le Store) afin de rendre vos héroïnes encore plus

kawaii, et un filtre HD a été appliqué à l’ensemble… 

     Si le travail semble de prime abord relativement faible, ce serait oublier deux détails d’importance : déjà, le titre n’avait jusqu’alors jamais dépassé les frontières nipponnes. Et pour sa sortie internationale, Tecmo et Grasshopper ont fait les choses en grand : doublage japonais d’origine et sous-titres français. Un excellent point, d’autant que la traduction est clairement à mettre au crédit du jeu tant elle est qualitative. 

     Et enfin, la série des Project Zero a toujours été connue pour être techniquement et graphiquement en avance sur la concurrence. Très concrètement, le jeu est indubitablement beau et ne souffre que rarement de l’impression d’être issu d’un autre âge (sauf lors des dialogues, où quelques problèmes de synchronisation labiale prêtent à sourire). 

     Certes, mettre en comparaison les versions d’origine et remastered permet de découvrir qu’outre un filtre HD et quelques rendus améliorés, rien n’a réellement changé. Mais sans cette information, Project Zero : Le Masque de l’Éclipse Lunaire pourrait aisément passer pour un jeu bien plus moderne. 

     Inutile donc de bouder son plaisir : voir une série aussi populaire arriver chez nous, en français et dans son plus bel habillage est un réel bonheur qui pourra contenter autant les amateurs de folklore nippon que les aficionados de survival horror. 

J’aime

J’aime moins

L

La localisation française

L

Un système de combat original

L

Visuellement très beau

L

Une ambiance bien flippante

L

Une intrigue riche en rebondissements

K

Une lourdeur qui ne plaira pas à tous

K

Une narration inutilement complexe