One Piece Odyssey est le dernier RPG tiré de l’une des licences les plus célèbres de l’animation japonaise. Sorti en janvier 2023 après avoir beaucoup fait parler de lui chez les amateurs, le titre essaie de séduire autant les fans que les néophytes.
S’il est édité par Bandai Namco, le jeu a aussi et surtout été développé par… ILCA. Lorsque j’ai vu cette mention lors de l’introduction, j’ai immédiatement pris peur. Et pour cause, la société est surtout (pour ne pas dire uniquement) connue pour… les remakes de Pokémon Diamant et Perle. Soit, pour ceux qui l’ignorent encore, les pires de toute la série. Des catastrophes à la fois sur la forme et sur le fond, ne parvenant jamais à rendre hommage à la licence et que j’imputais à l’époque à de graves lacunes de l’équipe de développement.
Autant vous dire que je ne partais pas du tout confiant. Et pourtant…
Deux précisions importantes avant ce test complet : Premièrement, si j’apprécie la licence One Piece, je suis très loin d’en être fan et je n’ai pas suivi l’intégralité de l’anime. Tout ce que je sais de la série se résume à ce qui a été traité via les différents jeux vidéo et à ce que j’ai appris sur Internet.
Deuxième point : afin de vous livrer un test le plus complet possible, je suis dans l’obligation de spoiler certains éléments de l’intrigue. Principalement situés au début cependant, je vais tout mettre en œuvre pour ne pas dépasser la première heure du titre.
Ces précisions étant faites, place au test !
Editeur(s)
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Bandai Namco |
Sortie France
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10 janvier 2023
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PEGI
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+12 ans
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Liens | Site Officiel |
Support de test | Xbox Series |
Je veux être le roi des pirates !
Dans One Piece Odyssey, vous retrouvez le célèbre équipage du Chapeau de Paille dans une toute nouvelle aventure originale se déroulant en parallèle du manga.
Le groupe, attiré par une île inconnue, fait naufrage à cause d’une tempête peu naturelle. Leur navire en ruine suite à l’impact, Luffy et ses amis décident d’explorer l’endroit afin de sauver Nami d’un immense gorille.
C’est alors qu’ils font la connaissance d’une étrange jeune fille qui les prive de tous leurs pouvoirs. Les voilà lancés dans une aventure pleine de rebondissements afin de redevenir ce qu’ils étaient, mais aussi de déjouer un complot et de découvrir les mystères dissimulés par cette fameuse île nommée Waford, que Robin semble connaître.
Scénaristiquement, One Piece Odyssey coche toutes les cases de l’anime. Très belle surprise, vraiment réussie, ce jeu parvient sans peine à retenir l’attention et l’intérêt du joueur.
Bien sûr, vous pourrez le trouver quelque peu éculé, voire simpliste. Les ficelles sont visibles, les surprises et les quelques retournements vraiment risibles. Vous êtes littéralement face à une œuvre sans nuances, où l’habit fait le moine. Un personnage a un visage de méchant ? Ne cherchez pas, il vous trahira tôt ou tard.
Pire encore, les amateurs comprendront assez facilement où se situe cet opus dans la chronologie du manga… et donc qu’aucun des protagonistes secondaires ne rejoindra l’équipage à la fin, ni qu’aucun héros n’est réellement en danger. À partir de là, les conclusions sont simples à tirer…
Bien entendu, le point particulièrement appréciable de ce One Piece Odyssey
vient indubitablement de son traitement de l’intrigue. Au fur et à mesure de votre progression, vous pourrez en effet (re)découvrir les arcs principaux du manga avec un regard neuf. Une plongée dans le passé clairement présente pour chatouiller la fibre nostalgique des amateurs, autant que pour allumer la flamme chez les nouveaux venus.
Contrairement à d’autres productions (les Warriors en tête), ce traitement des événements est plutôt bon. Le néophyte ne se sent jamais réellement perdu, les explications sont fluides, précises, conçues pour que nul ne se sente mis à l’écart. Une belle prouesse intimement liée à la présence de Lim, un nouveau personnage qui ne connaît pas l’équipage ni son histoire.
Oui, c’est malin de la part des développeurs de l’avoir introduite. Elle sert d’ancrage logique à l’intrigue, tout en permettant aux héros d’expliquer des éléments sans pour autant le faire de manière trop forcée.
Outre quelques passages où des séries de noms sont énumérées à la chaîne, jamais je ne me suis senti perdu dans l’intrigue. Au contraire, j’ai regretté à plusieurs reprises de ne pas connaître le manga plus en détail afin de profiter des nombreux clins d’œil et hommages qui parsèment le titre.
Par des fans, pour des fans
One Piece Odyssey s’inscrit dans la lignée d’autres adaptations modernes de mangas cultes (Captain Tsubasa: Rise of the New Champion, Dragon Ball Z Kakarot, JoJo’s Bizarre Adventure, etc.) : c’est une production qui a compris qui sont ses principaux clients.
Contrairement aux sinistres bouses vidéoludiques qui pullulaient autrefois, les développeurs (et surtout les éditeurs) ont visiblement eu un sursaut de bon sens en réalisant que cracher sur son public était rarement une bonne stratégie… et que pour conquérir son cœur et son portefeuille, il suffisait de créer des produits de qualité. Oui, c’est aussi simple que cela ; mais il a fallu visiblement près de vingt ans à l’industrie pour se rendre compte que capitaliser uniquement sur un nom ne suffisait pas.
Bref, One Piece Odyssey est de cette trempe. Visuellement irréprochable, il reprend le style de l’anime à la perfection, reproduisant les techniques planche par planche avec une précision pixel par pixel ; l’œuvre se veut plus proche d’une lettre d’amour à la série que d’une adaptation libre.
Eh oui, c’est impressionnant. Pour les besoins du test, je me suis amusé à fouiller les épisodes pour découvrir des passages emblématiques mettant en scène les techniques les plus célèbres des héros, puis à les comparer à celles présentes dans le jeu. J’avais été bluffé par la précision de Kakarot à cet égard, mais One Piece Odyssey est exactement du même calibre, voire même meilleur.
Que ce soit les positions, les angles de caméra, les effets de mouvement… tout a été reproduit à la perfection.
Malgré cette fidélité dans la reproduction de l’œuvre, il est nécessaire de faire un point sur les aspects techniques et graphiques.
Là encore, on n’est guère loin du sans-faute. Le titre dispose d’un bestiaire conséquent et très diversifié, d’effets visuels de qualité et d’une direction artistique irréprochable. Cependant, sur le plan purement technique, on aurait pu s’attendre à un peu mieux : quelques chutes de framerate sur la série, des environnements un peu répétitifs dans certains passages…
Certes, ces « défauts » n’en sont pas vraiment et il me faut essayer de faire preuve de la pire mauvaise foi pour parvenir à soulever le moindre point négatif. Nul doute que la grande majorité d’entre vous ne les verra même pas.
Mon premier RPG
S’il est une critique à faire à ce One Piece Odyssey, elle concerne indubitablement sa quête incessante d’accessibilité. Le titre est en effet très facile et aucune situation, aucune énigme, ni aucun combat ne présente la moindre difficulté réelle.
Pourtant, tout commençait à la perfection : outre les points que j’ai déjà évoqué plus haut, le jeu dispose d’un système de combat réellement plaisant. Au tour par tour, ce dernier inclut bon nombre de mécaniques originales et astucieusement codées pour vous impliquer réellement dans les affrontements.
C’est là une entreprise sans fin à laquelle tous ont essayé de se mesurer, avec plus ou moins de succès : comment rendre le tour par tour dynamique ?
Les développeurs chez ILCA ont pris le parti de tenter une approche très libre et stratégique qui n’est pas sans rappeler celle de Final Fantasy X. Entendez par-là que vous avez la possibilité de changer vos héros actifs à n’importe quel moment sans sacrifier leur tour, afin de sélectionner celui capable de toucher les sensibilités de vos adversaires.
Le titre inclut en effet un système de faiblesses et de résistances, en plus d’une sorte de « triangle des armes » directement inspiré des Fire Emblem. Chaque personnage, qu’il soit allié ou ennemi, dispose d’un « type » prédéfini entre Force, Technique et Vitesse. La Vitesse bat la Force, qui est plus efficace sur la Technique, qui domine la Vitesse. À l’inverse, utiliser un personnage Vitesse sur un adversaire Technique minimisera les dégâts, etc.
Un principe simple à comprendre et qui a le mérite d’être continuellement affiché à l’écran afin de ne jamais oublier ce qui prime sur le reste.
De plus, le jeu intègre également un système de types plus classique : le feu sera plus efficace sur certains ennemis, tandis que d’autres y seront immunisés, par exemple.
Une fois ce système maîtrisé (ce qui est relativement simple, puisque de nouveau toutes les informations sont clairement visibles à l’écran sans avoir besoin de les retenir), les combats s’enchaînent avec une déconcertante facilité. Il est même assez courant de les terminer sans que vos antagonistes aient eu le temps de vous porter le moindre coup, ou d’achever un boss en un ou deux tours maximum.
C’est là le principal reproche que j’opposerai au jeu : pourquoi avoir intégré un système si complexe, stratégique et plaisant si c’est pour finalement être face à une production aussi peu exigeante ?
Certes, en progressant dans le titre, certaines parties vous opposeront plus de résistance et il sera alors nécessaire de bien réfléchir à votre stratégie. Mais même dans ce cas, rares sont les moments qui proposent véritablement un défi au niveau des amateurs.
Mais il n’y a pas que les combats dans la vie d’un pirate. L’exploration joue également un rôle prépondérant.
Sur ce point, One Piece Odyssey pèche également par souci de simplicité. Présenté comme un semi-open world, le titre d’ILCA se révèle au final assez dirigiste et dans la droite ligne d’autres productions plus consensuelles.
Clairement, nous sommes très loin de la liberté proposée par un Kakarot. La majorité des zones sont des couloirs ouvrant sur des salles plus ou moins larges votre progression est régulièrement bloquée aux limites fixées pour atteindre votre objectif principal ; parfois même, vous vous retrouvez dans l’impossibilité de revenir sur vos pas.
Pourtant, le level design a été pensé pour mettre en avant chacun des protagonistes de manière égale. Ainsi, les membres de l’équipage disposent tous d’un talent unique à utiliser lors de vos pérégrinations : Luffy peut se servir de ses bras comme grappin, Zoro peut découper des portes de métal, Usopp peut utiliser son lance-pierre pour obtenir des objets en hauteur, Chopper peut atteindre des zones inaccessibles.
Mais à vouloir aller trop loin, on finit par se perdre, dit le dicton… Et là encore, One Piece Odyssey fonce tête baissée dans les pires pièges à éviter. Car au lieu de proposer un usage « passif » de ces talents, le titre vous impose de changer de leader via un menu spécifique. Et certains passages sont affligeants, vous contraignant de passer de Luffy à Usopp toutes les dix secondes, cassant ainsi le rythme de l’exploration.
Pis encore, certains autres personnages peuvent découvrir des objets cachés sur le terrain. Mais là encore, ces « sens » ne sont pas passifs… Préparez-vous donc à voir régulièrement les courbes de Nami ou le costume cintré de Sanji, car ces deux derniers disposent de talents précieux.
Un casting douze étoiles
Après avoir vécu l’expérience One Piece Odyssey, je me devais d’avoir des réponses. Comment est-il possible que les deux seuls jeux du studio soient si différents qualitativement ? La passion ne fait pas tout et n’offre clairement pas des talents miraculeux.
En approfondissant mes recherches, tout est devenu plus clair : contrairement à Pokémon Diamant Étincelant et Perle Scintillante, One Piece Odyssey a bénéficié du soutien indéfectible de l’éditeur. Que ce soit en termes financiers, mais aussi humains.
C’est ainsi qu’on retrouve à la composition musicale le légendaire Motoi Sakuraba, à l’origine de la bande-son de pratiquement tout ce qui est bon dans le jeu vidéo nippon.
Mais ce n’est pas tout, puisque Eiichiro Oda lui-même a supervisé le projet. Et quand on sait à quel point le mangaka est pointilleux envers sa licence, le résultat ne pouvait qu’être bon… ou tout simplement annulé.
Mieux encore, la production du titre a été confiée au non moins grand Katsuaki Tsuzuki, déjà à l’œuvre sur les dernières adaptations vraiment réussies telles que Captain Tsubasa: Rise of New Champions ou Dragon Ball Z Kakarot.
Avec une telle équipe, rien ne pouvait aller de travers. Et outre les quelques points que j’ai pu soulever ici, sachez que One Piece Odyssey demeure tout simplement la meilleure adaptation du manga éponyme, mais aussi et plus simplement l’un des RPG « classiques » les plus agréables de ces vingt dernières années.