Lorsque l’on parle de Sword Art Online, on parle d’un univers vaste qui a conquis des millions de joueurs et d’adeptes d’animés à travers le monde. Une série qui a captivé les esprits, non seulement par ses thématiques profondes sur la réalité virtuelle, mais aussi par ses personnages marquants, ses mondes immersifs, et ses combats palpitants.
Après dix ans de jeux vidéo étalés sur trois générations de consoles, Bandai Namco revient avec Sword Art Online: Fractured Daydream, confié aux développeurs de Dimps (déjà en charge de SAO : Fatal Bullet mais surtout connu pour les jeux vidéo Dragon Ball Z Xenoverse 1 et 2). Cet opus promet de raviver cette magie avec un concept audacieux : fusionner plusieurs timelines pour offrir aux joueurs une aventure épique où différents arcs de la série se croisent. Mais, après plusieurs heures passées sur ce jeu, une question persiste : ce nouvel opus parvient-il à recréer l’enthousiasme des débuts ou s’effondre-t-il sous le poids de ses ambitions ?
Au cœur de l’intrigue de Fractured Daydream se trouve le système Galaxia, un dispositif expérimental implanté dans le monde d’Alfheim Online. Initialement conçu pour permettre aux joueurs de revivre des événements passés, ce système rencontre une défaillance critique, déclenchant un effondrement temporel qui mêle différentes timelines de l’univers SAO. Le résultat ? Un chaos interdimensionnel dans lequel Kirito, Asuna, et bien d’autres protagonistes doivent naviguer à travers des mondes fracturés, combattre des ennemis issus de diverses époques, et, bien sûr, tenter de réparer les dégâts causés par ce dysfonctionnement.
L’idée de Galaxia est séduisante, et non sans rappeler celle déjà mise en place dans le dernier opus en date. Revoir des personnages emblématiques dans des contextes différents, explorer des zones influencées par des événements historiques ou affronter des boss qui transcendent les timelines, s’avère particulièrement intéressant, surtout pour les fans de longue date. Cela permet non seulement de croiser des figures familières, mais aussi de revisiter certains moments mémorables de la série sous un angle nouveau.
Toutefois, cette promesse narrative est rapidement diluée dans un flot de missions répétitives et autres facilités scénaristiques particulièrement délétères. Rapidement, le joueur se rend compte que l’histoire n’est qu’un ramassis de clichés accolés les uns aux autres, servant de prétexte à l’existence même du jeu, autant qu’à la cohabitation de ces différents personnages au sein du même univers.
Bien que Galaxia offre un prétexte solide pour justifier la diversité des univers explorés, il manque cette profondeur dramatique et émotionnelle que l’on attendrait d’un tel postulat. Les quêtes, qui auraient pu s’enrichir d’une réflexion sur le temps, la mémoire et les réalités virtuelles, se réduisent souvent à des tâches simplistes : abattre un certain nombre d’ennemis ou récupérer des objets disséminés dans des environnements déjà visités. En fin de compte, le dysfonctionnement de Galaxia devient un cadre narratif sous-exploité, incapable d’aller au-delà de sa fonction mécanique.
Pour rester sur le scénario, ce dernier est particulièrement déceptif. La majorité des interactions servent plus à porter aux nues Kirito dans des séquences insupportables de compliments dithyrambiques. Les personnages jouables n’ont de cesse de graviter autour de l’aura supérieure du héros, de le féliciter, d’expliquer combien il est extraordinaire et capable de résoudre tous les problèmes sans même avoir à se lever le matin, dans une forme de parodie de comédie burlesque non assumée.
Pis encore, l’écriture de l’intrigue laisse clairement à désirer et semble avoir été réalisée sans grand entrain ni réflexion. Mêler des joueurs humains avec des personnages virtuels de l’Underworld ne fonctionne tout simplement pas, eu égard du fait que l’urgence de la situation est systématiquement relative et sans aucune logique diégétique. Les humains craignent pour leur vie autant que les PNJs, sans que ce ne soit jamais justifié. Ces derniers sont conscients d’être des humains dans un jeu vidéo pris dans un bug, mais ne cherchent jamais à se déconnecter. La mort n’est pas définitive comme dans SAO, rien ne les contraint à rester… mais ces derniers se comportent littéralement comme des entités de cet univers virtuel. Pis encore, vous n’allez rencontrer pratiquement aucun personnage non jouable de tout le jeu. Seuls les héros semblent avoir été pris dans ce bug, sans aucune justification logique.
L’une des promesses les plus ambitieuses de Fractured Daydream est sa dimension coopérative et multijoueur. Au gré de votre avancée dans l’histoire, vous allez débloquer trois modes de jeux en ligne.
Le premier est l’Exploration Libre. Après avoir choisi un personnage et vous réunir avec dix-neuf autre joueurs, vous êtes téléportés sur une map aléatoire plus ou moins vaste. Là, vous disposez d’une heure pour accomplir trois missions et looter un maximum d’équipement en vainquant divers boss. Excessivement répétitif, ce mode souffre de plus de très nombreux problèmes difficiles à ignorer. Par exemple, seul le joueur portant le coup final est considéré comme ayant vaincu un monstre ou un boss. Qu’importe que vous ayez passé 20 minutes à baisser la vie d’un adversaire au minimum, si un autre joueur débarque inopinément et porte le coup final, c’est lui qui en tire les lauriers.
De même, chaque mort vous inflige comme pénalité de supprimer un objet récupéré. Systématiquement le dernier, vous contraignant à continuer à jouer si d’aventure vous lootez un objet légendaire afin de ne pas le perdre bêtement à la fin de la mission. Les environnements de ce mode sont répétitifs, les objectifs toujours identiques, et le fun très vite aux abonnés absents.
Le second mode vous permet de former des équipes de 20 joueurs, répartis en petits groupes de 4, pour accomplir des missions et affronter des boss dans des raids d’envergure. Cette approche collaborative nécessite une véritable coordination entre les joueurs, chaque personnage étant associé à une classe spécifique (Tank, Healer, DPS, etc.). L’idée est d’encourager une synergie au sein des équipes, où chaque joueur doit jouer un rôle crucial pour garantir la réussite de la mission. L’intérêt de ce mode est de proposer une sorte de course « World First », dans laquelle la première équipe à vaincre le boss (ndlr : lui porter le coup final) gagne.
Enfin, le mode Boss Rush est sans conteste l’un des moments les plus exaltants du jeu. Chaque boss présente des mécaniques uniques, obligeant les joueurs à constamment adapter leur stratégie. Les boss changent régulièrement de phases, introduisant de nouvelles attaques ou modifiant la configuration du champ de bataille, ce qui oblige les équipes à rester vigilantes. Les joueurs doivent se coordonner pour attaquer les points faibles des ennemis, tout en évitant des attaques dévastatrices qui peuvent anéantir une équipe mal préparée. Ici, la technique et la coordination sont aussi importantes que le niveau ou l’équipement ; et seuls les mieux préparés seront capables d’y faire face.
Il est impossible de parler de Fractured Daydream sans évoquer ses performances techniques. Malgré la puissance de la Xbox Series X|S, le jeu peine à offrir une expérience fluide. Les graphismes, bien que corrects à certains moments, ne sont malheureusement pas à la hauteur des standards actuels pour une console de nouvelle génération.
Les textures manquent souvent de détails, surtout lorsqu’il s’agit des environnements. Les mondes d’Alfheim et d’Aincrad, qui devraient nous plonger dans des paysages riches et immersifs, finissent par manquer de profondeur. Les textures des environnements semblent parfois fades, et ce manque de diversité dans les décors contribue à une certaine monotonie visuelle. On aurait pu s’attendre à ce que les vastes forêts d’Alfheim, ou les imposantes structures d’Aincrad, soient sublimées par des détails fins et complexes, mais ce n’est malheureusement pas le cas.
Ce manque d’immersion visuelle est accentué par des effets visuels peu convaincants. Les combats, qui sont censés être spectaculaires, manquent parfois d’impact à cause de la discrétion des effets spéciaux lors des attaques. Les sorts, par exemple, manquent de la vivacité et de l’énergie que l’on pourrait attendre d’un monde virtuel aussi vaste. Il est dommage de voir des effets qui auraient pu renforcer l’immersion se révéler aussi timides et sous-exploités.
Les ralentissements sont une autre pierre d’achoppement majeure. Même avec la puissance de la Xbox Series X|S, les chutes de framerate surviennent fréquemment, en particulier lors des moments les plus intenses. Dans les combats de boss, où l’action est déjà exigeante en termes de coordination, ces ralentissements peuvent sérieusement affecter l’expérience de jeu. Les ralentissements ne se produisent pas seulement dans les batailles, mais également lors de simples transitions entre les zones ou pendant les scènes cinématiques, ce qui peut rompre l’immersion et nuire au plaisir global.
Les temps de chargement sont également longs et omniprésents. Que ce soit pour entrer dans une nouvelle instance, lancer un raid ou même simplement explorer un monde fracturé, les joueurs doivent s’armer de patience. Bien que la Xbox Series X|S soit réputée pour réduire drastiquement les temps de chargement, Fractured Daydream semble échouer sur ce point. Les chargements lents créent une rupture constante dans l’expérience, freinant toute immersion dans l’action. Ces pauses répétées, combinées aux ralentissements fréquents, donnent au jeu une lourdeur qui affecte sérieusement la qualité de l’expérience multijoueur.
Heureusement, tout n’est pas sombre dans Sword Art Online: Fractured Daydream. La bande-son est incontestablement l’un des points forts du jeu. Composée avec soin par Kento Hasegawa, la musique reprend des thèmes emblématiques de la série, tout en introduisant de nouvelles compositions qui renforcent l’intensité des combats et l’atmosphère des moments plus calmes. L’ambiance musicale, que ce soit dans les phases de bataille ou lors des moments d’exploration, est toujours en accord avec l’action à l’écran, parvenant ainsi à renforcer l’immersion des joueurs lorsque les graphismes et les performances techniques échouent.
Les doublages, réalisés par les acteurs japonais originaux de la série animée, sont également un atout majeur. Que ce soit Kirito, Asuna ou les autres personnages, les performances vocales apportent une véritable dimension émotionnelle à chaque interaction. Même lorsque les dialogues sont un peu plats ou manquent d’originalité, les voix des personnages réussissent à capturer l’essence de la série et à maintenir les joueurs investis dans l’histoire.
Les effets sonores, eux aussi, sont bien pensés et aident à renforcer l’immersion. Chaque attaque, chaque esquive et chaque interaction avec l’environnement est accompagnée d’un effet sonore distinct qui aide à créer une expérience auditive satisfaisante, bien que ces éléments soient parfois éclipsés par les faiblesses visuelles du jeu.