Spellcaster University est le premier titre du studio indépendant français Sneaky Yak, composé de trois frères. Une belle aventure familiale donc, qui a donné naissance à un jeu de gestion d’une qualité rare dans ce genre de production, surtout considérant la taille réduite de l’équipe.

Sorti en accès anticipé uniquement sur Steam avant d’être finalisé le 15 Juin 2021, Spellcaster University a su se composer une solide base de fans passionnés. Il est maintenant temps d’avoir un avis objectif sur ce titre et, pourquoi pas, de lui rendre hommage à sa juste valeur.

Le scénario, c’est bien aussi

Contrairement à beaucoup trop de jeux de gestion (même issus de plus gros studios) Sneaky Yak a pris le parti de ne pas nous lâcher directement dans son univers. Il a une histoire à nous raconter et compte bien le faire jusqu’au bout.

On découvre donc dans une séquence d’introduction fort bien animée que le Seigneur des Ténèbres attaque régulièrement le monde, que ce dernier a été jusqu’alors sauvé par les mages s’appliquent à sauver… du moins jusqu’à récemment. Car en effet, suite à « une erreur de calendrier », ces fameux thaumaturges n’ont tout simplement pas estimé son retour à la bonne date. Résultat : le monde n’était pas prêt et les mages se sont fait décimer.

Vous êtes le dernier d’entre eux et votre tâche est simple : construire une école de magie pour améliorer l’avenir de ce monde et ainsi pouvoir assener le un coup final au Seigneur des Ténèbres avant son prochain retour.

Si cette intrigue est, ma foi, fort sympathique ; force est de constater qu’elle est (bien malheureusement) sous-exploitée durant l’ensemble du jeu. Quelques petits rappels par-ci, des options disponibles par-là et, bien entendu, une jauge de « progression » jusqu’à l’arrivée de l’armée démoniaque.

Une fois ce point atteint, impossible de se lancer dans une guerre épique contre le Seigneur du Mal pour tenter de sauver le monde, non. Au lieu de cela, le jeu va simplement vous expliquer que « vous n’êtes pas de taille », il détruit ensuite l’Académie ; et vous demande de recommencer dans une autre zone.

L’idée est intéressante et parlera à tous les amateurs du genre : qui n’a jamais rêvé d’avoir le sentiment que son histoire « continue » entre les différents niveaux du mode principal ? Il n’y a rien de pire que tout recommencer, comme si tout ce qu’on a fait jusqu’alors n’existe pas…

Mais c’est paradoxalement le plus gros point négatif de Spellcaster University. Car si scénaristiquement on enchaîne les cartes de manière contextualisée ; chacune est réellement un nouveau départ. Vous ne garderez ni vos élèves, ni vos professeurs, ni vos objets magiques ; et encore moins votre or ou votre mana si durement acquis. Seul un « bonus » permanent pourra vous être octroyé en fonction de vos performances.

Je comprends parfaitement l’objectif de cette limitation sur un plan purement vidéoludique, mais pas scénaristique. Et c’est fort dommageable, pour un point qui était pourtant l’une des qualités du titre.

La gestion, c’est magic

Spellcaster University inner 3Le point le plus surprenant sur Spellcaster University vient sans doute de son gameplay. En effet, pour pouvoir gérer l’ensemble de votre Académie, vous aurez à votre disposition… des cartes. Vous commencerez chaque partie avec les mêmes (deux « création de Maison », deux « recrutement d’élèves », un « réfectoire » et un « dortoir ») ; mais rapidement d’autres vont venir s’ajouter à votre main.

Pour acquérir ces fameuses nouvelles cartes, il va falloir dépenser des ressources. L’or vous permettra ainsi de choisir entre 3 cartes « générales », mais également de résoudre certains problèmes aléatoires (payer un impôt, soudoyer une tribu, acheter une machine à café pour éviter la grogne de vos professeurs, etc.). L’autre ressource disponible est le Mana. Et c’est là que Spellcaster University devient tout simplement génial.

Lors de leurs études, vos élèves apprendront divers types de magies en fonction de leur Maison. Vous pouvez librement les orienter vers tel ou tel style de magie, interdire l’apprentissage de certaines, ou simplement les laisser libres de leurs choix. À chaque fois que vos pupilles seront en classe, ils généreront un Mana spécifique. 

Au nombre de cinq, ces Manas vous offriront moult possibilités. La lumière vous permettra de débloquer des infirmeries, l’ombre des prisons, la nature des Cochonneries (pour augmenter vos relations avec vos voisins), etc. Bien entendu, il vous sera également proposé de le dépenser pour acheter de nouvelles salles de classe (ou en améliorer) afin de rendre vos élèves encore meilleurs.

À chaque fois, le coût en ressources augmentera et vous permettra de tirer aléatoirement trois cartes du deck en question. Il vous sera demandé de choisir une de ces cartes, afin de l’utiliser. 

Spellcaster University inner 4Il est alors conseillé de choisir rapidement son orientation, pour éviter tout gaspillage. Car vos élèves ne sont pas naturellement doués en tout (pour ne pas dire « doués du tout » ; et le Mana peinera à monter si vous vous dispersez. Il faudra également compter sur vos frais fixes (salaire des professeurs, etc.) pour encore renforcer la difficulté de votre gestion.

De plus, l’argent, lui, n’est pas magique. Il ne rentrera qu’à certaines occasions, comme lorsque vous accueillerez de nouveaux élèves. À vous alors de décider si votre université sera ouverte à tous, ou seulement accessible aux plus riches ; au risque d’augmenter la grogne et le nombre de vos inscrits…

Cette gestion par cartes est étonnamment intuitive et simple, d’autant qu’elle rappellera aux amateurs le JCC Magic : The Gathering. On plonge immédiatement dans l’action, sans besoin de tutoriels complexes ou retors. C’est un vrai coup de maître, qui plaira autant aux néophytes qu’aux amateurs éclairés.

Le Jinga de la gestion

Mais que faire avec toutes ces cartes, me demanderez-vous ? Eh bien, les utiliser pardi ! Chaque map vous octroiera une zone constructible plus ou moins grande et, surtout, plus ou moins horizontale et verticale.

Ainsi allez-vous rapidement devoir commencer à empiler les salles construites à l’aide des cartes, pour mieux remplir votre Université. Et les choix sont souvent cornéliens, une fois les premières parties terminées. Il est en effet très simple de faire n’importe quoi… Et ne pas optimiser l’emplacement vos salles ne fera que perturber un peu plus vos élèves et les rendre moins performants.

Vous avez créé une maison consacrée à la magie de la lumière ? Fantastique, les élèves ne vont étudier que cette matière. Mais si votre réfectoire est au rez-de-chaussée, vos chambres au 3e et vos salles de classe éparpillées partout ; alors les étudiants n’auront d’autre choix que de courir d’un bout à l’autre. Leur temps n’étant pas optimisé, ils finiront au mieux par abandonner carrément la vocation pour finir paysans.

La difficulté réside bien entendu dans le fait que vous êtes contraints d’empiler vos salles. Ainsi, il est impossible de consacrer un étage entier à une discipline sans prendre le risque de se retrouver bloqué car l’étage inférieur n’est pas terminé. Si au premier abord le titre semble très simple dans sa vision de la gestion, il se complexifie de map en map pour devenir véritablement retors dans les dernières.

Et s’en tenir à un modèle n’est pas forcément utile non plus, d’autant que les cartes tirées sont, je le rappelle, aléatoires. Il faudra donc faire preuve de patience et de jugeote pour réellement créer l’Académie de ses rêves… Surtout en prenant en compte le fait qu’une salle ne peut être ni déplacée, ni détruite.

Parce que trop n’est jamais assez…

Spellcaster University vous propose d’autres activités dans votre glorieuse mission de directeur. Et si les idées fourmillent et partent visiblement d’une bonne intention, force est de constater que le résultat final est plus… mitigé. Pour ne pas dire carrément raté.

La première d’entre elles consiste simplement à entretenir des « relations » avec le voisinage. Dans chaque map, d’autres factions seront présentes. Libre à vous alors d’essayer de faire au mieux pour les contenter et, ainsi, dégager des bénéfices non négligeables.

Dans le village par exemple, vous aurez affaire à la Guilde des Aventuriers, au Roi, aux Paysans locaux, ou encore à l’Inquisition. Chacun d’entre eux aura des doléances aléatoires (les aider à résoudre un problème du quotidien, demander de l’argent ou une potion, les nourrir, etc.). Plusieurs options vous seront alors proposées pour bien vous faire voir (ou non) auprès d’eux et, ainsi, augmenter votre réputation en conséquence.

Si l’idée de base est très bonne, on se rend rapidement compte de toute la vétusté du procédé. Construire une Cochonnerie et leur parler régulièrement suffit à faire augmenter suffisamment vos « points », sans qu’il n’y ait jamais réellement d’incidence sur le gameplay ; sinon les bonus dont nous parlions plus tôt.

Malheureusement, le fait d’avoir une limitation temporelle dans les parties (soit l’arrivée du Seigneur du Mal) vous contraint à ne pas réellement apprécier ces apports ; puisque comme tout le reste, votre réputation ne sera pas effective dans votre prochaine Université.

Un choix singulier et qui, ma foi, aurait mérité plus d’attention pour devenir un véritable plus dans l’approche du titre. Actuellement, ces liens ne sont guère plus qu’une immense perte de temps (et de ressources) qui vient casser le rythme.

Le second point est plus… atypique. Par moments, vous pourrez débloquer l’accès à des donjons. Libre à vous alors d’envoyer certains élèves pour les explorer et revenir les bras chargés de trésors… ou de ne pas en revenir du tout. Et c’est souvent la seconde option à laquelle vous serez confronté.

Le fait que les études ne se déroulent que sur 3 années conduit fatalement vos combattants au casse-pipe. Et il rare de parvenir assez loin dans ces fameux donjons pour réellement en profiter. Pour tout dire, la plupart de mes expéditions se sont terminées par la mort pure et simple des quatre élèves choisis au bout du second ou troisième affrontement. Et, bien entendu, la mort est définitive, provoquant en plus l’ire des parents (logique, me direz-vous).

Si, malgré le trépas de vos étudiants, vous pouvez tout de même récupérer les trésors accumulés jusque-là ; ces derniers ne sont clairement pas assez intéressants pour vous donner envie de sacrifier vos pupilles. Vous finirez inexorablement par oublier cette fonctionnalité pour vous concentrer sur le cœur du jeu.

Un gros effort aurait été bienvenu sur ce point précis du titre, tant l’idée était bonne. J’aurais, par exemple, particulièrement apprécié d’être actif durant les combats, et non pas simplement spectateur. J’aurais également souhaité pouvoir envoyer mes professeurs en exploration. Mais ce n’est malheureusement pas le cas.