En 2011, Shadows of the Damned, développé par Grasshopper Manufacture sous la direction de Goichi « Suda51 » Suda et Shinji Mikami, a marqué l’histoire des jeux vidéo en combinant des éléments d’action à la troisième personne, d’horreur psychologique et d’humour noir décalé. Treize ans après, la remasterisation intitulée Hella Remastered débarque sur Xbox Series et promet de restaurer ce jeu culte pour une nouvelle génération tout en offrant un voyage nostalgique aux fans de la première heure. Mais une remasterisation suffit-elle à remettre sous le feu des projecteurs un titre aussi singulier ? Cette nouvelle édition parvient-elle à sublimer l’expérience d’origine ou se contente-t-elle d’un simple lifting visuel ?
Dans Shadows of the Damned: Hella Remastered, les joueurs incarnent Garcia Hotspur, un chasseur de démons mexicain au tempérament de feu, bien décidé à sauver sa bien-aimée Paula, kidnappée par le tyrannique seigneur démoniaque Fleming. Déterminé à affronter les ténèbres, Garcia se lance dans une quête infernale au cœur du monde des morts, armé de son fidèle compagnon Johnson, une arme parlante aux multiples formes allant du simple pistolet à une mitrailleuse démoniaque.
L’histoire oscille entre tragédie et absurdité, mariant les codes du film d’horreur aux dialogues irrévérencieux et aux situations surréalistes. Le ton adopté est volontairement excessif, flirtant avec la parodie tout en respectant les conventions narratives des récits d’horreur classiques. Les relations entre Garcia et Johnson sont au centre du récit, offrant des dialogues remplis de sarcasme, de blagues souvent grivoises et de moments de complicité sincères.
Fleming, le seigneur démoniaque, est un antagoniste charismatique et cruel, incarnant l’arrogance et le sadisme typiques des méchants de série B. Ses apparitions sont marquées par des monologues grandiloquents et des actes de cruauté spectaculaires qui renforcent son statut de maître incontesté des enfers. Le jeu propose également des cinématiques bien mises en scène, respectant le style exubérant et l’esthétique délirante propre à Suda51.
Sur le plan du gameplay, Shadows of the Damned: Hella Remastered conserve son approche classique de jeu de tir à la troisième personne, rappelant par moments Resident Evil 4, en raison de l’implication de Shinji Mikami dans le développement du titre original. Le joueur doit naviguer dans des environnements macabres et labyrinthiques, affronter des hordes de démons et résoudre des énigmes complexes basées sur la gestion de la lumière et des ténèbres.
Le système de combat repose sur des affrontements nerveux, mêlant tirs et esquives, tout en exploitant un arsenal surnaturel. L’arme principale du joueur est Johnson, qui peut se transformer en diverses armes de plus en plus puissantes au fil de l’aventure. Chaque transformation propose un style de jeu différent, allant du pistolet rapide à la mitrailleuse dévastatrice, en passant par le fusil de chasse destructeur.
La principale originalité du gameplay réside dans l’utilisation stratégique de la lumière. Les démons sont invincibles dans l’obscurité et doivent être affaiblis en utilisant la « Lumière du Cœur », un pouvoir permettant de dissiper les ténèbres et de rendre les ennemis vulnérables. Cette mécanique ajoute une couche de tension permanente, transformant chaque combat en une danse mortelle où il faut jongler entre survie et gestion des sources lumineuses.
Les énigmes, bien que souvent basées sur l’activation de mécanismes et la résolution de puzzles liés à la lumière, parviennent à maintenir un rythme soutenu grâce à des environnements variés. Certaines séquences mémorables, comme la traversée de labyrinthes obscurs remplis de pièges et d’ennemis invisibles, rappellent les meilleures heures des jeux d’horreur classiques.
Cependant, malgré des mécaniques bien pensées, le gameplay montre parfois son âge. La caméra se révèle parfois capricieuse, notamment lors des combats rapprochés dans des espaces confinés. Les commandes sont également un peu rigides par rapport aux standards actuels, ce qui peut frustrer lors des affrontements les plus intenses.
La remasterisation promettait des améliorations graphiques significatives, et, dans l’ensemble, le pari est réussi. Les environnements infernaux sont sublimés par des textures retravaillées, des éclairages dynamiques et un framerate constant à 60 FPS. Les détails macabres sont plus saisissants que jamais, des ruelles pavées de crânes aux vastes cathédrales infernales ornées de symboles démoniaques.
L’univers visuel de Shadows of the Damned est un mélange unique de surréalisme grotesque et de symbolisme religieux détourné. Chaque lieu visité semble tout droit sorti d’un cauchemar où le malsain et le sublime coexistent. Les artistes ont su créer des environnements à la fois oppressants et envoûtants, renforcés par des jeux de lumière saisissants qui accentuent l’ambiance sombre et mystérieuse.
Cependant, certains éléments trahissent encore l’âge du jeu d’origine. Les modèles des personnages, bien que retexturés, restent assez rigides dans leurs animations faciales, et certaines cinématiques semblent datées, malgré des effets de mise en scène efficaces.
L’un des aspects les plus remarquables de Shadows of the Damned réside dans sa bande-son signée Akira Yamaoka, compositeur emblématique de Silent Hill. Son travail sur le jeu est exceptionnel, mêlant mélodies angoissantes, rythmes rock endiablés et compositions orchestrales envoûtantes.
Chaque morceau de la bande-son accompagne parfaitement les moments forts de l’aventure, qu’il s’agisse de scènes de combat frénétiques ou d’instants d’exploration plus contemplatifs. Les thèmes de boss sont particulièrement marquants, associant tension dramatique et envolées épiques.
Les effets sonores sont également de haute qualité. Chaque tir de Johnson, chaque grognement démoniaque et chaque murmure sinistre dans les couloirs obscurs contribuent à créer une atmosphère immersive et effrayante. Les doublages sont convaincants, Garcia Hotspur étant interprété avec un charisme indéniable, tandis que Johnson apporte une touche comique bienvenue.