Plongeant les joueurs dans un univers rétro-futuriste aux accents dystopiques, Shadows of Doubt se présente comme un jeu d’enquête procédural novateur, mêlant immersion totale et une exploration presque sans limites. Développé par ColePowered Games, ce titre ambitionne de recréer l’expérience ultime du détective privé, perdu dans une ville labyrinthique où chaque citoyen a sa propre routine et où chaque crime peut être résolu de multiples façons. Sorti en septembre 2024 sur Xbox Series X|S, PlayStation 5 et PC, Shadows of Doubt a suscité beaucoup d’attentes, mais ces promesses ont-elles été tenues sur console ? Plongeons dans ce monde aussi fascinant que frustrant.
L’une des caractéristiques majeures de Shadows of Doubt est son monde généré de façon procédurale. Dès le lancement du jeu, vous êtes projeté dans une ville immense, où chaque bâtiment, chaque rue, et chaque habitant est généré aléatoirement, créant ainsi une ville unique à chaque partie. Cela donne au joueur une impression d’immensité, où chaque porte peut être ouverte, chaque appartement exploré, chaque habitant questionné ou espionné. La ville, bien qu’entièrement fictive, respire l’authenticité grâce à des éléments de design qui rappellent les années 80. Des ordinateurs rétro aux appartements délabrés en passant par les rues battues par la pluie, l’ambiance est superbement recréée.
Cette liberté, bien que grisante au départ, se révèle rapidement à double tranchant. Si le joueur peut véritablement aller où il veut et suivre la piste de son choix, il est facile de se perdre dans cet océan de possibilités. L’absence d’un fil narratif clair se fait ressentir, car il n’y a pas de véritable campagne : vous évoluez dans un monde en mode sandbox, enchaînant les enquêtes sans but final autre que d’augmenter votre rang social. L’autonomie laissée au joueur est séduisante, mais peut devenir étouffante, surtout pour ceux qui aiment être guidés ou qui recherchent des objectifs précis.
L’une des mécaniques de progression de Shadows of Doubt réside dans les implants cybernétiques, qui permettent de personnaliser votre personnage. Ces implants, que vous pouvez voler ou trouver au cours de vos explorations, apportent des avantages significatifs : certains vous permettent de survivre à des chutes de plusieurs étages, d’autres augmentent votre capacité à convaincre des témoins réticents de parler. Ces améliorations ajoutent une dimension intéressante à l’expérience de jeu, car elles influencent directement votre façon d’aborder les enquêtes.
Cependant, ce système montre lui aussi ses limites. Les implants, bien que puissants, sont dispersés de manière aléatoire dans la ville, ce qui rend leur acquisition laborieuse. De plus, une fois que vous avez équipé votre personnage de plusieurs améliorations, vous vous rendez compte que l’argent accumulé tout au long du jeu devient rapidement inutile, car il n’y a tout simplement pas assez de moyens de l’utiliser pour acheter des implants ou des équipements. Ce manque de diversité dans l’utilisation des ressources finit par ternir l’expérience à long terme.
Le gameplay de Shadows of Doubt se distingue par l’accent mis sur la collecte et l’analyse des indices. Vous incarnez un détective privé capable d’examiner chaque scène de crime avec un soin minutieux. Grâce à un scanner d’empreintes digitales, vous pouvez relever les moindres traces laissées sur les lieux. Chaque preuve peut être reliée à votre tableau d’enquête, un outil essentiel qui vous permet de visualiser les relations entre les différents suspects, témoins et lieux visités. À la manière d’un vrai détective, vous devez organiser vos indices, relier les faits entre eux, et identifier les éléments clés qui vous mèneront à la résolution de l’enquête.
Ce système, aussi fascinant soit-il, montre vite ses limites. La génération procédurale, qui est censée donner de la profondeur au jeu, conduit souvent à des situations redondantes. Vous finissez par vous retrouver face aux mêmes objets, les mêmes types de scènes de crime, et même des indices identiques d’une enquête à l’autre. Cette répétitivité brise l’immersion et réduit l’intérêt des enquêtes à long terme. Par ailleurs, certaines missions deviennent irréalisables en raison de la disparition rapide des indices (empreintes, traces de sang, etc. Il n’est pas rare de se retrouver face à une enquête insoluble simplement parce que les preuves ont été effacées avant même que vous ne puissiez arriver sur les lieux.
Le combat, bien que présent, joue un rôle secondaire. Les affrontements se limitent à des altercations mineures avec les gardiens de la paix ou des ennemis que vous surprenez dans des lieux où vous n’êtes pas censé être. Si vous vous retrouvez acculé, vous pouvez vous défendre, mais Shadows of Doubt met clairement l’accent sur l’enquête plutôt que sur la violence.
Shadows of Doubt est également un jeu où le temps joue un rôle crucial. Chaque minute qui passe peut effacer des preuves ou faire disparaître des suspects. En effet, le jeu avance en temps réel, ce qui signifie que les preuves peuvent se dégrader, les témoins peuvent changer de lieu, et les suspects peuvent prendre la fuite. Cette dynamique crée une tension permanente, car chaque décision doit être prise rapidement, sous peine de voir une piste cruciale s’évaporer.
Cela dit, la gestion du temps peut rapidement devenir une source de frustration. Si vous ratez un indice ou si vous n’arrivez pas à localiser un suspect à temps, vous risquez de perdre l’enquête, ce qui peut entraîner une certaine lassitude, surtout lorsque cela se produit fréquemment en raison de la disparition des preuves avant même votre arrivée.
La bande-son de Shadows of Doubt mérite une mention spéciale. Les synthétiseurs sombres et les basses hypnotiques, omniprésents dans l’univers cyberpunk du jeu, renforcent l’atmosphère pesante et rétro-futuriste. Le joueur est immédiatement plongé dans une ambiance sonore qui rappelle les grandes œuvres de John Carpenter ou Vangelis, des pionniers du genre. La musique devient presque un personnage à part entière, accompagnant le joueur dans ses enquêtes nocturnes à travers une ville désespérée.
Cependant, si la bande-son brille, les dialogues laissent à désirer. Chaque interaction avec un témoin ou un suspect est marquée par des lignes de dialogue répétitives, qui perdent rapidement leur intérêt. Vous finissez par rencontrer les mêmes types de réponses d’une personne à l’autre, ce qui brise l’immersion et vous donne l’impression que la ville n’est finalement pas aussi vivante qu’elle ne le semblait au premier abord.
Sur Xbox Series X|S, l’un des plus grands défis est l’interface utilisateur et les contrôles à la manette. Sur PC, le jeu fonctionne relativement bien avec un clavier et une souris, permettant une navigation fluide à travers les différentes options et menus. Cependant, sur console, la gestion des commandes devient laborieuse. Utiliser la manette pour scanner les empreintes, fouiller les pièces, ou gérer votre tableau d’enquête est loin d’être aussi intuitif, ce qui peut rendre l’expérience frustrante, voire poussive.
Bien que le jeu offre la possibilité de brancher un clavier et une souris sur la console pour une meilleure expérience, cela ne résout pas entièrement le problème de la transition maladroite entre le PC et la console. Le jeu semble tout simplement avoir été pensé pour le PC en priorité, et cela se ressent à chaque interaction avec l’interface.