Le Japon du XVe siècle, écartelé entre guerre civile, famine et ambitions dévorantes. Sengoku Dynasty, développé par Superkami et édité par Toplitz Productions, vous y plonge non comme un général, mais comme un survivant. Ce titre en accès anticipé sur Steam ambitionne de tisser un pont entre survie, gestion de village et RPG, dans un monde ouvert inspiré du folklore et de la rigueur de l’époque Sengoku.
Un pari à plusieurs visages, un projet encore inachevé, mais déjà riche de promesses. Peut-on vraiment bâtir une dynastie durable au milieu des ruines ? Ou s’agit-il d’un château de bambou prêt à s’effondrer au premier souffle du vent ?
Le sang des ancêtres, la glaise des paysans
Oubliez les seigneurs, les batailles rangées et les armures clinquantes. Dans Sengoku Dynasty, vous êtes un naufragé, jeté sur une terre étrangère, sans nom ni passé glorieux. Un simple mortel dans un Japon féodal en lambeaux. Et pourtant, c’est de vos mains que naîtra peut-être une lignée. Le jeu renverse la perspective : ici, l’histoire ne vous est pas imposée, elle se construit pierre par pierre, haie par haie, grâce à vos actes et vos choix.
Le récit, minimaliste dans ses débuts, s’étoffe au fil des quêtes principales et secondaires. Ces dernières offrent des bribes d’humanité, des fragments d’un monde fracturé : villageois en détresse, superstitions locales, ambitions étouffées par la misère. Rien de grandiloquent, mais une trame cohérente, ancrée dans un réalisme dur, parfois austère. Ce n’est pas une épopée héroïque, c’est un retour à la terre — celle qu’on foule, qu’on coupe, qu’on saigne.
Les personnages non-joueurs, bien que peu nombreux et encore limités dans leur animation ou leur expressivité, incarnent les besoins d’une société fragile. Ils travaillent, dorment, attendent. Leurs requêtes sont simples, mais toujours liées à la survie : nourriture, logement, protection. En les aidant, vous ne progressez pas dans une intrigue spectaculaire — vous renforcez un tissu social. Et c’est là que réside la force de Sengoku Dynasty : dans cette illusion d’un monde qui tient debout parce que vous êtes là.
À ce stade de l’accès anticipé, la narration reste embryonnaire. Les développeurs ont promis une montée en puissance scénaristique, avec des figures historiques et des arcs narratifs plus profonds. Pour l’instant, l’immersion passe plus par l’environnement que par le dialogue, mais le potentiel est bien présent.
Labourer, survivre, dominer
Survie. Construction. Transmission. Trois piliers, une colonne vertébrale. Sengoku Dynasty tente de fusionner les logiques du city-builder, du RPG et du jeu de survie dans un seul corps. Et s’il vacille parfois, il tient debout avec une détermination brute.
Le jeu s’ouvre sur la solitude : récolter des pierres, tailler du bois, construire un abri. Des gestes simples, presque primitifs, mais nécessaires. Chaque ressource a un poids, chaque outil une durée de vie. Les haches en pierre s’émoussent rapidement, les marteaux se brisent dans l’effort. Cette précarité assumée oblige à penser chaque action — un rythme lent, mais profondément immersif.
À mesure que votre village prend forme, les mécaniques se densifient. Vous recrutez des villageois, leur assignez des tâches : couper, cuisiner, fabriquer, protéger. Le système d’affectation est clair, efficace, porté par une interface fonctionnelle qui permet de suivre la productivité de chaque foyer. Plus vous gérez intelligemment, plus vous déléguez. Et moins vous subissez. Sengoku Dynasty fait du management une extension naturelle de votre propre progression.
Le jeu intègre aussi un cycle des saisons, influant sur les ressources, les besoins et le rythme général. Chaque saison dure cinq jours en temps réel, imposant une vigilance permanente sur les stocks de nourriture et de bois. Pas de miracle : mal gérer, c’est mourir.
Côté RPG, les quêtes structurent l’avancée du joueur, débloquant nouvelles recettes, zones et événements. Le système de progression, bien que basique pour l’instant, repose sur une montée en compétence organique : vous apprenez en pratiquant. Rien d’artificiel, tout se mérite. Les combats, eux, restent secondaires — souvent fonctionnels, parfois rigides — mais suffisent à rompre la routine agricole.
Mention spéciale au mode multijoueur coopératif : deux joueurs peuvent construire, gérer et explorer ensemble. Encore en phase de rodage, cette fonctionnalité ouvre la voie à une expérience partagée riche de promesses, malgré des contraintes de synchronisation encore perfectibles.
Sengoku Dynasty ne cherche pas l’éclat immédiat. Il creuse lentement, méthodiquement, son sillon. Et c’est dans cette lenteur, dans cette sueur, que se cache sa puissance.
Brumes d’automne et silences ancestraux
Visuellement, Sengoku Dynasty ne fait pas dans la surenchère. Il privilégie l’authenticité rustique à l’esbroufe. Les paysages sont vastes, boisés, brumeux, dessinant un Japon rural encore vierge de l’industrie, où la lumière perce à travers les feuillages et où les cimes découpent un ciel souvent gris. Pas de temples grandiloquents ni de cités impériales ici — juste la nature, brute, et les marques discrètes que vous y imprimez.
Les textures, encore inégales, oscillent entre le correct et le charmant. Les modèles de personnages manquent parfois de finesse, les animations restent mécaniques, mais la direction artistique compense par une palette sobre et cohérente, entre verts moussus et bois humides. En l’état actuel de l’accès anticipé, l’optimisation reste perfectible : quelques chutes de framerate sont à noter sur les configurations moyennes, notamment lors de la construction de structures complexes.
Côté son, Sengoku Dynasty mise sur une ambiance feutrée, minimaliste. Pas de bande-son intrusive : des nappes musicales discrètes, souvent absentes, laissent place aux sons du vent, du feu, du bois qu’on fend, des pas dans la neige ou la terre. Ce choix, assumé, renforce l’immersion et installe une forme de recueillement presque méditatif. Les musiques, lorsqu’elles apparaissent, ponctuent des moments précis — transition de saison, découverte majeure — avec des motifs inspirés des instruments traditionnels japonais.
Les doublages sont rares, les interactions se font majoritairement par texte. Rien de spectaculaire ici non plus, mais une cohérence d’ensemble qui évite toute dissonance. L’univers visuel et sonore agit comme un cocon rude mais immersif, où le moindre feu de camp devient une victoire silencieuse contre l’oubli.
Sengoku Dynasty ne cherche pas à séduire l’œil ou l’oreille. Il veut vous immerger, et y parvient, malgré les imperfections techniques encore visibles.
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