Salomé After School est un manga de Akane Hoshikubo qui paraîtra aux Éditions Shiba le 23 Août 2024. Le volume 1 se compose de 198 pages, le 2 de 176 pages.
Dans l’art les lier
Alors que Renji cherche à s’isoler pour dessiner tranquillement, il découvre l’entrepôt des beaux-arts. Quand il ouvre la porte, il aperçoit une étudiante en train d’embrasser une statue, allongée sur une table. En la voyant ainsi, il éprouve une vive jalousie…
Renji est un élève modèle qui s’efforce d’avoir les meilleurs résultats ; il aime les compliments, mais prétend que la critique ne l’atteint pas. L’arrivée de Naomi trouble son quotidien : c’est une véritable artiste, elle ne crée pas pour être félicitée, mais parce qu’elle aime ça. Renji se confronte à la passion de ses camarades, passion dont il est lui-même dénué. Il dessine de manière scolaire, sans rien crayonner en dehors du travail exigé pour ses cours.
Renji redoute Naomi qui risque de lui voler la vedette. Alors il lui demande de ne pas faire de vagues et lui propose de l’aider en échange (elle vient seulement d’arriver). Naomi se prend au jeu et décide de faire de Renji son assistant dans ses expériences artistiques. Après les cours, ils se retrouvent. Naomi expérimente différentes idées. Elle explique tout d’abord que ses lèvres sont trop petites pour colorer sa Vénus et demande à Renji de l’embrasser avec de la peinture. Maculer un T-shirt de noir, peindre les yeux bandés avec les doigts, faire du body painting, utiliser le pinceau au bout d’une canne à pêche… Tant d’inventivité pour explorer l’art.
Mais Renji oublie que Naomi n’est pas sa seule rivale… Chaque élève l’est à sa manière et Shizuku se démarque par son talent. Sa jalousie enfle davantage.
Trop succinct
Le format de 2 volumes s’avère beaucoup trop court pour cette histoire qui aurait mérité des éclaircissements. Pour commencer, le temps s’écoule beaucoup trop vite, les saisons défilent sans réelle transition. Si ce problème se pose également dans Blue Period, on peut l’imputer sur l’acharnement de Yatora qui crée par passion, en perdant la notion du temps. Ici, Renji est rangé, il accomplit son travail sans réel effort ni passion. Et c’est celle de Naomi qui lui donne envie de découvrir la sienne. Alors Renji cherche sa propre identité artistique, au-delà de la technique.
L’explication de l’obsession de Naomi pour le noir est assez édulcorée au final. On comprend que le noir évoque son deuil, mais et après ? Elle cite des artistes célèbres qui glorifient cette couleur, mais quelle dimension artistique prend-elle pour Naomi ? Je n’ai pas perçu de réelle profondeur dans ses citations. Juste des artistes qui ont su s’approprier cette couleur avec leur représentation personnelle, là où le deuil de Naomi n’est à aucun moment associé à cette couleur dans sa démarche. On le devine tout naturellement, car le noir est la couleur de la mort dans de nombreuses cultures, mais comment l’explore-t-elle dans les tréfonds de sa psyché ?
Problème principal de ce manga : son titre. Il se nomme Salomé After School. L’allusion au titre (2 pages), n’explique rien. Salomé est un personnage historique qui a exigé la tête de Jean le Baptiste (le cousin de Jésus, prophète qui l’a même baptisé). Salomé a obtenu cette faveur grâce à sa danse. On appelle cet événement la décollation de Jean Baptiste. Salomé plaît à Hérode d’Antipas grâce à sa danse. Il lui demande ce qui lui ferait plaisir, la jeune fille répète le souhait de sa mère : elle désire la tête de Jean-Baptiste sur un plateau d’argent. Devant tous les convives, Hérode accepte à contrecœur ; Jean le Baptiste se fait décapiter dans sa prison. La tête est rapportée, remise à la mère de Salomé, Hérodiade, puis elle finit enterrée quelque temps sous un tas de fumier.
Maintenant que cette parenthèse historique est close, revenons donc à ce manga. Le volume 2 est une représentation de Naomi qui tient la tête de Renji comme si elle était décapitée, le pinceau faisant office de plateau. Si l’allégorie peut sembler intéressante, il n’y a aucun développement derrière. Naomi comprend la jalousie de Renji ; si elle avait eu une personnalité machiavélique, elle aurait pu obtenir son partenaire, se l’approprier corps et âme, encore que le cœur me semble plus indiqué visuellement. La jalousie n’animait pas Salomé, qui n’a fait que transmettre le souhait de sa mère. Lorsque Jean le Baptiste a dit à Hérode : « Il ne t’est pas permis d’avoir la femme de ton frère. » Hérodiade ne l’a pas supporté (par ailleurs, elle a eu Salomé avec un autre oncle, précédemment).
Au final, cette allégorie tombe à l’eau. Le deuil d’une part qui ne va pas jusqu’au bout de son introspection ; et cette Salomé dont le lecteur ne sait rien. Si les amateurs d’histoire, de religion et d’art connaissent Salomé, qui est considérée aujourd’hui comme une séductrice capable d’exiger la mort et l’obtenir ; la jeunesse actuelle n’en a aucune idée. Je pense qu’il aurait été judicieux d’introniser son histoire et surtout de la superposer selon la vision de l’auteure. Qu’a-t-elle essayé de transmettre ? Car au final, c’est très flou…
Autre problème de taille : les proportions ! Dans un manga centré sur l’art, ça déconcerte… Notamment les doigts : certains minuscules, d’autres trop longs.
Dernier point négatif : les nombreuses coquilles. Il y a des fautes à intervalles réguliers telles que « Je angoisse », des mots manquants « Comme celle réclama la tête de Jean Baptiste… », un s à la place d’un t à la troisième personne…
Meilleure à l’avenir ?
En dépit de ses soucis, Salomé After School se lit aisément. Il y a d’excellentes références culturelles, notamment des peintres de génie. De la technique, de la passion… Mais je crois que ce manga est une mise en bouche. Il avait les matériaux, mais s’est éparpillé, ce qui est fort dommage.