Suzume no Tojimari est un film d’animation de Makoto Shinkai, sorti le 12 Avril 2023 en France.
Verrouiller les Portes
Suzume roule à vélo quand en chemin, elle croise un beau jeune homme qui lui demande où il peut trouver des ruines. Suzume les lui indique, part en direction de l’école, puis se ravise. Pour une raison insensée, elle fait demi-tour pour le retrouver. Dans les ruines, elle découvre une porte. En l’ouvrant, elle aperçoit le cosmos, lumineux et fabuleux. La jeune fille franchit la porte, qui la conduit simplement de l’autre côté. Elle répète le processus, jusqu’à ce que son pied heurte une étrange statuette féline. Suzume la saisit ; le gel qui maintenait la pierre de voûte prisonnière fond, la statuette prend vie et s’enfuit aussitôt.
Apeurée, Suzume repart temporairement à l’école. Depuis l’étage, elle aperçoit un ver gigantesque qui émerge des ruines et risque de s’abattre sur la ville. Ses amies ne voient rien.
Inquiète pour le jeune homme qui s’y trouve certainement, Suzume enfourche son vélo et repart dans ce lieu étrange. Elle découvre effectivement Sôta, en train de lutter pour fermer la porte délabrée qui permet au ver de se manifester dans ce monde. Suzume, sans le savoir, a libéré la pierre de voûte qui emprisonnait cette entité. Ce faisant, les 4 vers géants qui sommeillaient jusque-là au Japon vont provoquer davantage de séismes.
Sôta et Suzume parviennent à refermer la porte. Le jeune homme lui explique que c’est un Verrouilleur, sa mission consiste à verrouiller les portes qui permettent aux Vers de surgir, c’est un travail qui se transmet de génération en génération dans sa famille. Sôta dispose d’une clé spéciale dans ce but.
Les deux adolescents ont la conviction de se connaître, sans pouvoir se l’expliquer. Mais, alors que le calme revient enfin, Suzume nourrit un chat, qui est en réalité la pierre de voûte. Le petit félidé, prénommé par la suite Daijin, envoie l’âme de Sôta dans la chaise pour enfant que Suzume a conservée tout ce temps, un cadeau de sa défunte mère. Sôta est désormais prisonnier à l’intérieur d’une chaise. Il va traquer Daijin pour qu’il lui rende son corps. Avec un pied en moins et dépourvu de mains, il doit admettre que Suzume est la seule capable de l’aider dans sa quête.
Nouveau chef-d’œuvre
Makoto Shinkai est principalement connu pour Your Name, mais il est en activité depuis 1999. J’ai découvert son univers il y a longtemps avec 5 cm par seconde, une histoire d’amour vouée à faner. Je crois que faner est le verbe le plus approprié dans ce contexte ; chaque pétale de cerisier s’étiolant précisément de 5 centimètres par seconde. On ressentait déjà toute la poésie de Makoto Shinkai dans ce film de 2007.
En revanche, je n’ai pas aimé Les Enfants du Temps (Tenki no Ko), son précédent film. J’ai vu quasiment toutes ses œuvres, excepté les courts-métrages et OAV spéciaux. Makoto Shinkai est surnommé le nouveau Miyazaki. Il faut reconnaître que chacun de ses films a une atmosphère très singulière, un scénario bien construit, des musiques sublimes et une direction artistique incroyable. Elle et son Chat demeure l’anime le plus triste que j’ai vu de toute ma vie, j’ai pleuré encore plus intensément que pour Le Tombeau des Lucioles de Ghibli… Sans doute parce que ma première minette est morte dans mes bras à 16 ans… Une chatte noire aux yeux jaunes, elle aussi.
Makoto Shinkai parvient à insuffler des émotions très fortes dans ses œuvres. Et une fois encore, après m’avoir émue sur tant de séquences variées ; Suzume m’a arraché des larmes à la toute fin. Je l’ai trouvée poignante.
Ce film dure 2h, le temps de développer son propos, de nous faire voyager, loin, très loin, dans un Japon menacé par de violents séismes provoqués par les vers. La trame scénaristique s’articule de manière très douce. Les personnages se rapprochent à leur rythme, l’aspect slice of life occupe une place prépondérante.
Les décors sont très réussis : le rendu du ciel qui défile, l’ambiance estivale, les détails minutieux ; la nature omniprésente dans ce monde urbanisé où cohabitent modernité et traditions.
Le clin d’œil à Voyage vers Agartha (Hoshi wo Ou Kodomo) m’a fait sourire. Il s’agit d’un film de Makoto Shinkai, sorti en 2011. Je l’ai vu 2 fois. Lire ce nom sur la boîte que tient Suzume pendant un bref instant m’a rappelé de bons souvenirs. C’était joliment placé.
Les musiques de Suzume sont magistrales. On se souvient tous de la bande-son de Your Name, notamment Nandemonaiya. Ici, les accords collent à merveille avec ces forces telluriques phénoménales. Je pense notamment au 4ème ver, qui a le temps de s’échapper pour adopter une forme de spirale gigantesque dans le ciel. Ou encore lorsque les pierres de voûte se battent au milieu des ruines de ce monde en décrépitude, en proie aux flammes. Dans cet Enfer, Suzume cherche Sôta. Elle en est tombée amoureuse dès le premier regard et ne peut imaginer sa vie sans lui. Leur lien est beau, même si cette romance passe après leur mission, qui consiste à verrouiller les portes.
La mise en scène est superbe. Les plans mettent en valeur ce monde, dans toute sa technologie et ses racines. Il y a une déférence envers la nature que l’on retrouve également chez Ghibli. Peut-être qu’on assimile Makoto Shinkai au maître de l’animation pour ces égards respectueux ?
Pour en revenir à ce chef-d’œuvre, Suzume a perdu sa mère dans un séisme lorsqu’elle avait 4 ans. Sa tante l’a élevée, sacrifiant ses plus belles années. Bien qu’une certaine acrimonie habite son cœur, elle aime sincèrement sa nièce. Ce voyage va faire mûrir Suzume et leur permettre de s’exprimer à cœur ouvert pour repartir sur des bases saines.
J’ai adoré Daijin, la petite pierre de voûte ; Suzume s’est montrée bien dure envers ce chaton. Toute sa colère s’est rabattue sur lui, à tort. Il m’a vraiment fait pitié, surtout lorsque Suzume s’est emportée et a fini par lui dire qu’elle ne l’aimait pas. Le voir de nouveau famélique et le regard éteint m’a beaucoup attristée…
Ces 2h filent à une vitesse folle, on est tellement pris dedans qu’on ne les voit pas passer. Un pur chef-d’œuvre.