Disponible depuis 2024 sur Nintendo Switch, Xbox Series X|S, PlayStation et PC, My Time at Sandrock marque le retour du studio Pathea Games, déjà à l’œuvre sur My Time at Portia.
Mais là où son prédécesseur charmait par sa simplicité pastorale et sa modestie assumée, Sandrock choisit un chemin plus ambitieux, tentant de fusionner la simulation de vie, le RPG et la narration post-apocalyptique dans un vaste désert de promesses.
Cette quête de grandeur est-elle couronnée de succès, ou s’est-elle égarée dans les sables mouvants de ses propres contradictions ?
Sous le sable, les ruines d’un rêve brisé
My Time at Sandrock tente d’imposer un cadre plus dramatique que celui de son aîné, en inscrivant son récit trois siècles après un cataclysme technologique ayant balayé la civilisation moderne.
Vous incarnez un jeune constructeur, fraîchement diplômé, envoyé dans la ville poussiéreuse de Duneroc pour remplacer un prédécesseur médiocre et aider la communauté à renaître de ses cendres.
L’intrigue principale, bien que ponctuée de gangs, d’explorations de ruines et d’efforts de revitalisation, peine à captiver durablement.
Si elle se veut plus ambitieuse que celle de Portia, elle tombe dans le piège d’une écriture hésitante, oscillant entre enjeux post-apocalyptiques mal exploités et tentatives maladroites de storytelling épique.
Pire encore, le rythme du jeu est régulièrement brisé par des interventions forcées de la trame principale.
Le joueur, censé s’adonner librement à la construction, la récolte et l’exploration, se trouve souvent arraché à ses activités pour répondre à des quêtes urgentes aux enjeux discutables.
Chaque matin peut devenir une course contre la montre imposée, sabordant la liberté d’action qui devrait être l’essence même d’une simulation de vie.
Les personnages secondaires, nombreux et parfois attachants, n’échappent pas à cette dualité : bien que certains dégagent une certaine chaleur, l’écriture reste superficielle, incapable de leur conférer une véritable épaisseur émotionnelle au fil de l’aventure.
Au final, My Time at Sandrock échoue à créer une dynamique où le joueur serait acteur de sa propre histoire. Il subit le scénario plus qu’il ne le construit, dans un paradoxe particulièrement frustrant pour un jeu qui prétend glorifier la liberté individuelle.
Suer sang et rosée sous un soleil implacable
Sur le papier, My Time at Sandrock reprend les fondations familières de son prédécesseur : gestion d’atelier, craft intensif, récolte de ressources, agriculture et interactions sociales.
Mais sous cette familiarité apparente, de nouvelles mécaniques tentent de s’imposer, parfois au détriment de la fluidité d’ensemble.
La principale nouveauté vient de l’eau, ressource précieuse et omniprésente, indispensable au fonctionnement des machines et des cultures.
L’idée aurait pu enrichir la stratégie de gestion, mais elle introduit surtout une lourdeur supplémentaire, peu cohérente dans un univers désertique censé glorifier la rareté et la survie.
Le système de craft, en lui-même, demeure solide : des centaines de plans à débloquer, des améliorations progressives de votre atelier, et un sentiment gratifiant de construire pièce par pièce votre petit empire artisanal.
Mais la répétitivité des tâches, combinée à l’obligation constante de courir après des ressources spécifiques, finit par user la motivation, surtout lorsque le scénario principal impose brutalement ses propres objectifs sans laisser au joueur la possibilité de planifier.
L’exploration autour de Duneroc, censée soutenir ce gameplay, souffre d’un manque cruel de diversité.
Les zones désertiques s’enchaînent sans surprise, avec des ruines modernes recyclées à l’infini, minant peu à peu l’envie de partir à l’aventure.
De plus, l’absence de délimitation claire entre les zones protégées et sauvages introduit des sanctions absurdes : un simple arbre mal placé peut déclencher l’hostilité irréversible de PNJ clés, compromettant toute une partie.
Le système de combat, certes amélioré depuis Portia, reste basique et peu gratifiant.
La variété d’armes proposées, pourtant élargie, se heurte à une étrange incohérence de ton : dans un univers de western post-apocalyptique, devoir manier lances et épées plutôt que des armes à feu modernes paraît à la fois décalé et frustrant.
Enfin, la gestion de l’endurance, omniprésente, ajoute une contrainte inutilement punitive, limitant à la fois la capacité de combat et d’exploration, et imposant des pauses forcées nuisibles au rythme du jeu.
Malgré ses efforts pour enrichir la formule, My Time at Sandrock s’enlise dans ses propres contradictions, offrant une expérience parfois agréable, mais souvent entravée par des choix de design mal calibrés.
Un désert d’idées sous un ciel délavé
Sur le plan visuel, My Time at Sandrock affiche une ambition louable mais une exécution inégale.
Le passage d’un univers bucolique à une esthétique western post-apocalyptique aurait pu offrir une bouffée d’air frais, mais le manque criant de diversité environnementale réduit rapidement l’émerveillement à une succession de plaines ternes et de ruines sans âme.
La ville de Duneroc, pourtant vaste et animée par une foule de PNJ, souffre d’une architecture mal pensée.
Trop étendue pour son propre bien, construite de manière peu intuitive, elle transforme chaque déplacement en corvée fastidieuse, au détriment du plaisir de la découverte.
La verticalité maladroitement intégrée et l’absence de repères naturels contribuent à rendre l’exploration laborieuse, renforçant la sensation d’un monde plus vide qu’il ne devrait l’être.
Techniquement, le constat est encore plus sévère.
Sur Nintendo Switch, Sandrock peine à masquer des temps de chargement interminables, des textures tardives, une distance d’affichage famélique et un framerate instable.
Le portage semble avoir été bâclé, là où My Time at Portia parvenait à préserver une certaine fluidité malgré des ambitions moindres.
Côté sonore, la situation est légèrement plus stable mais loin d’être irréprochable.
La bande-son, dominée par des thèmes acoustiques légers, remplit son office sans jamais parvenir à imposer une véritable identité musicale.
Quant aux bruitages environnementaux, souvent discrets, ils peinent à insuffler de la vie à ce désert figé, donnant au tout une atmosphère artificielle, plus mécanique qu’organique.
Si l’on retrouve ici et là quelques réussites artistiques ponctuelles – certaines illustrations de personnages, quelques animations soignées –, l’enveloppe globale reste tristement datée, incapable de transcender un univers qui aurait mérité beaucoup plus de soin pour captiver durablement.
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