Mary Skelter: Nightmares est un Dungeon Crawler sorti en 2017 sur PS Vita. Développé par les Japonais de Compile Heart (à qui on doit notamment la série Neptunia), il n’a connu qu’un succès très relatif en dehors du Japon. En cause, l’idée totalement farfelue de lancer une nouvelle franchise sur une console déjà morte aux yeux de beaucoup, un mois avant la sortie de la Nintendo Switch… et en anglais uniquement à l’international.
Il est clair que dans ces conditions, le titre était destiné à passer totalement inaperçu. Mais Compile Heart a trouvé la parade idéale : proposer, à l’occasion de la sortie du titre en octobre 2019 sur Switch, un bundle comprenant Mary Skelter: Nightmares ainsi que sa suite. Un marketing agressif et réussi qui a su donner un second souffle à cette série bourrée d’autant de qualités indéniables que de défauts inexcusables.

Editeur(s) /
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Idea Factory |
Sortie France
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22 sept. 2017
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PEGI
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+16 ans
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Web | Site officiel |
Support de test | Nintendo Switch |
Il était une fois…
Mary Skelter: Nightmares vous plonge dans un univers largement inspiré par les contes de fées, agrémenté d’une touche horrifique. Vous y incarnez deux personnages, Jack et Alice, qui ont grandi dans une ville souterraine sobrement nommée « Jail » (la prison). Naguère grande métropole de la surface (soit notre monde), elle fut absorbée par les ténèbres avec l’ensemble de ses habitants. Désormais dominée par des monstres, la ville a changé ; et ses habitants passent leur journée en esclaves, contraints de travailler et de se faire torturer chaque jour par les créatures qui l’occupent.
Vos deux héros survivent comme ils peuvent, simplement heureux lorsque leurs geôliers infernaux ne les obligent « qu’à » lécher les murs de la cité toute la journée. L’ambiance est posée.
Un jour, le Petit Chaperon Rouge les libère. Elle apprend à Alice qu’elle est une Blood Maiden, disposant du pouvoir de tuer ces fameux monstres censés être immortels. Après les avoir amenés à The Dawn, un quartier libre construit par ces fameuses Vierges Sanglantes, elles vont tenter de combattre pour libérer les humains de ce monde cauchemardesque.
Si au début les idées mises en avant dans Mary Skelter: Nightmares font sourire, on se rend rapidement compte que le soin apporté à l’écriture est énorme. Les idées scénaristiques foisonnent, sont cohérentes dans cet univers sinistre et ne choquent jamais réellement. Oui, vous allez contrôler un groupe composé de la Princesse Kaguia, de la Petite Sirène ou encore de la Belle au Bois Dormant ; toutes dessinées façon Manga et qui vont découper du monstre par paquet de mille. Et oui, c’est franchement bon.
Si ce scénario est vraiment intéressant à suivre de bout en bout, on regrette cependant quelques facilités par moment ; ainsi qu’une fin clairement décevante car cousue de fils blancs depuis la première heure de jeu. Quelques surprises de plus, des twists inattendus ou une prise de risque dans la conclusion du titre n’auraient pas été de trop.
Vous pesterez sans doute de retrouver, dans cette version Nintendo Switch, un jeu intégralement en anglais et sans améliorations notables par rapport au titre d’origine. Certes, Compile Heart est coutumier du fait. Mais dans un RPG de cette ampleur incluant une forte composante Visual Novel, une traduction aurait été nécessaire afin d’asseoir son succès.
Débordant de textes, que ce soit via des descriptions ou des dialogues, Mary Skelter: Nightmares porte bien son nom et donne des cauchemars aux moins anglophones ; d’autant que le niveau de langage peut se montrer particulièrement soutenu ou, au contraire, dans un argot difficilement compréhensible si vous n’êtes pas parfaitement bilingue.
Bloody Hell !
Le Dungeon Crawler est un genre très particulier, que l’on pourrait aisément qualifier de « niche ». S’il tire des origines de l’Occident, c’est bien au pays du soleil levant qu’il a fini par briller ; jusqu’à y devenir une véritable institution. Nombreux sont les excellents titres à ne jamais avoir franchi la barrière du pays, de Unchained Blade au jeu issu de l’anime Madoka.
Pour une nouvelle licence, a fortiori pour un titre comme Mary Skelter: Nightmares, trouver sa place est donc une tâche particulièrement ardue. Et les jeux qui parviennent généralement à s’extraire de cette masse de production sont soit racoleurs, soit très originaux. Celui qui nous intéresse aujourd’hui est indubitablement… à mi-chemin entre les deux.
Mary Skelter: Nightmares dispose de tous les atouts qui font les grands jeux du genre avec un petit plus : il sait prendre son temps. Les différents quartiers de la ville sont certes peu nombreux, mais tous proposent d’immenses labyrinthes aux idées originales et aux visuels impactants.
Ainsi, parcourir le « Temple » vous impose de circuler dans des couloirs extrêmement étroits et bourrés de passages secrets ; là où au contraire le quartier principal se compose de zones plus vastes, ouvertes et regorgeant de pièges. L’exploration de ces différents biomes est très agréable, d’autant qu’il se voit renforcé d’une direction artistique particulièrement originale.
Pour garder le maximum de surprise, je ne prendrai comme exemple que le premier quartier : le centre-ville. Sans doute vous attendiez-vous à des rues pavées, des boutiques et autres zones commerciales ; mais non. L’inspiration visuelle et musicale de ce dernier est… le monde du cirque.
L’originalité de ces décors, rehaussée par un level-design fichtrement bien pensé, donne indubitablement l’envie de poursuivre l’aventure ; ne serait-ce que pour découvrir quelle idée saugrenue les développeurs ont mise en avant.
De plus, ces différents biomes se montrent particulièrement vastes et construits sur plusieurs niveaux qu’il faudra parcourir plusieurs fois afin d’en percer tous les mystères.
Construit sur le principe du labyrinthe avec quelques notions de Metroidvania, Mary Skelter: Nightmares ne vous autorise à découvrir certaines zones (ou passages secrets) qu’à la condition spécifique d’avoir recruté un personnage disposant d’un talent spécifique. Les ciseaux du Petit Chaperon Rouge peuvent ainsi découper certains « murs », tandis que les flèches de La Belle Au Bois Dormant activent des interrupteurs distants.
Les notions d’énigmes et de réflexions cassent totalement la monotonie usuelle de ce type de production et incitent à poursuivre son aventure sans la moindre lassitude.
Mais l’originalité du titre de Compile Heart ne s’arrête pas là. Si vous êtes bel et bien face à un RPG classique du genre (vos personnages sont disposés sur deux rangées, les combats se déroulent au tour par tour), une belle originalité vient pimenter vos affrontements : le sang.
Chacune de vos Vierges dispose en effet d’une jauge spéciale, qui va croître à mesure qu’elles sont « éclaboussées » du sang des monstres. Une fois pleine, elles vont libérer leur vrai potentiel et déclencher une transformation très « Magical Girl » dans l’esprit. Pendant quelques tours, elles disposent alors de pouvoirs uniques, tapent plus fort, soignent mieux, sont plus puissantes et résistantes.
Mais le sang des monstres peut également avoir un effet pervers et délétère. La Corruption peut venir souiller cette jauge (qui apparaît plus sombre qu’à l’accoutumée). Et si elle se remplit dans cet état… c’est la folie qui s’empare de vos héroïnes lors de leur transformation.
Le résultat est d’autant plus fun que dérangeant : elles vont alors faire des dégâts colossaux… mais viser sans distinction ennemis et alliés. Si vous n’y prenez pas garde, le Game Over peut arriver très, très rapidement.
Par chance, Jack dispose d’un sang capable de purger cette corruption. Votre héros n’étant pas une Vierge Sanglante, il ne prend jamais part aux combats. En revanche, il est bien présent et sert de support à l’équipe. Seul personnage capable d’utiliser des objets, il peut également « projeter » son sang grâce à une arme spéciale pour éviter que le pire n’arrive.
Si cette mécanique est exceptionnelle d’originalité et rend les combats particulièrement grisants, les couleurs de ces fameuses éclaboussures et de la corruption sont trop proches l’une de l’autre, ce qui peut constituer un véritable problème si vous ne vous apercevez que trop tard que l’une (ou pire plusieurs) de vos Vierges sont infectées.
Par cette mécanique toute simple, Compile Heart est parvenue à corriger l’un des points noirs du genre : la répétitivité des combats.
Jeux d’Ombres
Chaque quartier de Mary Skelter: Nightmares dispose également d’un élément particulièrement stressant qui met vos nerfs à rude épreuve : les gardiens. Sobrement nommés « Cauchemars », ces monstres uniques qui font office de boss se baladent librement en même temps que vous de manière plus ou moins aléatoire.
Leur particularité ? Ils sont tout simplement immortels tant que vous n’êtes pas parvenu à détruire le « cœur » du quartier.
Lorsqu’un de ces Cauchemars est proche de vous, l’écran plonge dans le noir et un compte à rebours se déclenche. Ce dernier symbolise la distance qui vous sépare du boss actuellement en train de vous traquer. Il faut donc fuir sa zone de veille, malgré une visibilité amoindrie, pour espérer survivre ; tout en évitant les pièges, culs-de-sac et autres combats.
Car l’autre spécificité de ces fameux boss, c’est qu’ils ne tiennent pas compte de vos tours de jeux. Comme dans tout Dungeon Crawler en effet, vous et vos adversaires vous déplacez en même temps. Autrement dit, tant que vous restez immobile, les monstres n’agissent pas. Et il en va de même pour les combats, qui se déroulent au tour par tour.
Mais les Cauchemars ne sont pas soumis à cette règle. Même immobiles ou des affrontements, eux continuent de vous traquer. Et s’ils vous rattrapent, un nouvel affrontement se déclenche… sauf si vous êtes déjà aux prises avec d’autres créatures. Dans ce cas, ce dernier va tout simplement se joindre à vos adversaires.
Dans la majorité des cas, les affrontements contre les Cauchemars sont synonymes de Game Over plus ou moins rapide. Vous avez toujours la possibilité de vous enfuir (mais le taux de réussite est très faible) ou de parvenir à lui infliger suffisamment de dégâts pour l’étourdir… du moins sur le papier. Car dans les faits, la différence de puissance est telle qu’il peut décimer l’intégralité de votre équipe très rapidement, d’autant qu’il est capable d’attaquer plusieurs fois et sans attendre son tour.
Cette mécanique particulièrement stressante (et parfois frustrante) est au cœur de l’expérience Mary Skelter: Nightmares. Ne vous laissant aucun répit, elle vous impose un rythme effréné pour éviter le Game Over.
Dans les premiers quartiers, cette idée nouvelle est particulièrement agréable et amusante. Mais rapidement, les choses évoluent. Très mal équilibrés, les affrontements contre ces Cauchemars (soit lors de vos explorations comme détaillés ci-dessus, soit en tant que boss de fin de niveau) font indubitablement rager. Même lorsque toutes les conditions sont remplies et que vous décimez n’importe quels ennemis d’une seule main, que vous êtes parvenus à trouver le « cœur » du quartier et à le détruire (donc à le rendre plus faible) ; le combat est totalement en votre défaveur. Dès le second quartier, vous comprenez qu’il est impossible de vaincre ces boss sans un grind intensif, que ce soit pour du meilleur équipement ou de l’expérience ; sinon à compter sur une chance insolente via l’utilisation de Vierges corrompues.
Yamete Kudasai
Jusque-là, vous l’aurez compris, Mary Skelter: Nightmares fait indubitablement partie des meilleurs Dungeon Crawlers disponibles sur Nintendo Switch. Mais il est d’abord le pire aspect du jeu.
Comme dit au début de ces tests, ce genre de production ne parvient à tirer leur épingle du jeu que par une expérience originale et impactante, ou un contenuparticulièrement salace.
Les développeurs de chez Compile Heart, n’ayant visiblement pas confiance du tout dans leur titre, ont choisi de virer dans l’Eroge pour tenter de sauver les meubles. Et il est tout simplement impossible de passer cette partie sous silence, tant elle est prégnante. Donc, apportez les Pantsu, ce qui va suivre est clairement le point le plus désagréable du titre.
Vous l’aurez compris, Mary Skelter: Nightmares baigne d’un sous-texte érotique assez peu subtile. Jack, votre héros, est le seul protagoniste masculin au sein d’un véritable harem de vierges aux apparences de Waifu.
Bien entendu, ce dernier peut augmenter son affinité avec elles en visitant leurs chambres, via toutes sortes de cadeaux (dont certains apparaîtront dans le décor par la suite) et en discutant. Une fois un certain score de confiance atteint, vous avez droit à des scénettes exclusives fortes de sous-entendus dignes des pires productions pour adultes.
Et pour donner envie aux joueurs de s’investir pleinement dans ces relations, Compile Heart n’a pas lésiné sur des designs très orientés Eichi… pour ne pas dire carrément Hentai. Les vierges sont des archétypes identifiables au premier regard, allant de la jeune ingénue à la forte tête dominatrice en passant par la femme mature et sa proéminente poitrine bonnet double Z.
Outre Alice et Le Petit Chaperon Rouge qui s’en sortent un poil mieux pour des besoins scénaristiques, toutes les autres ont des personnalités post-it sans aucune profondeur d’écriture.
Et comment ne pas évoquer la « corruption » et son sous-texte totalement pervers ? Les héroïnes se font régulièrement « éclabousser » par le sang des monstres, jusqu’à changer totalement leur personnalité. Par chance, le « fluide » de Jack est le seul capable de les purifier.
Et ne pensez pas que je vois le mal partout. Non content de ces allusions à peine voilées, Mary Skelter: Nightmares ose les expliciter totalement lorsque vous débloquez le pire endroit de tout le titre : le laboratoire.
Introduit comme une manière de purifier les vierges qui vous accompagnent après leurs excursions dans les donjons, c’est le moment où le jeu a totalement dérapé.
Le titre vous propose à ce moment-là des phases de gameplay intégralement et uniquement tactiles durant lesquelles vous allez pouvoir sélectionner une héroïne au choix. Celle-ci, très logiquement vêtue d’un maillot de bain une pièce non sans rappeler la tenue réglementaire de piscine des étudiantes japonaises, se tiennent dans des positions lascives. Libre à vous, à l’aide de vos doigts, de nettoyer la « corruption » dont elles sont couvertes avec votre « fluide »…
Comme si les sommets de la beaufitude n’avaient pas encore été atteints, à chaque fois que vous effleurez le tissu, celui-ci disparaît un bref instant pour mieux vous dévoiler subrepticement les courbes de vos alliées. Ce sont les termes exacts employés dans le jeu.
La perversion atteint alors des limites difficilement justifiables. Par « chance », outre lors du tutoriel ces parties sont optionnelles… puisqu’elles ne servent strictement à rien. Ces moments de gênes malsains n’apportent ni bonus, ni affinité supplémentaire. Il s’agit tout simplement d’une manière d’assouvir les pires travers d’une frange salace de joueurs.
En l’état, le sentiment que Compile Heart a simplement voulu vendre son titre aux pires pervers est énorme. Si le studio est connu pour ses designs particulièrement « généreux » concernant ses protagonistes féminins et son humour parfois très limite, on sombre dans Mary Skelter: Nightmares dans la lie de ce qui peut être proposé dans un jeu vidéo.
Voilà pourquoi le titre passe d’un « excellent Dungeon Crawler » à simple « truc crade et honteux ».