Sorti en octobre 2024 aux éditions Nathan, Légendes des mondes d’Aria : Le serment des runes de Fabien Clavel nous embarque dans un univers inspiré du jeu de rôle Game of Rôles, très populaire sur Twitch et imaginé par FibreTigre. Ce roman de fantasy marque le début d’une trilogie où quatre personnages se retrouvent unis malgré eux dans une quête aux accents épiques. À travers une aventure aux multiples facettes, Clavel parvient-il à capter l’essence de l’univers d’Aria tout en apportant une touche personnelle et captivante ?
Le roman démarre sur une situation tendue : Vani, voleuse audacieuse, Azzio, séducteur au passé sombre, Sirane, sorcière en quête de vengeance, et Gunnor, guerrier du Nord assoiffé de connaissance ; sont condamnés aux galères après une tentative d’évasion avortée. Leur périple les mène sur l’île mystérieuse d’Esperanza, où ils découvrent une rune inscrite sur un automate énigmatique, piste initiale d’une malédiction ancienne. Ce récit s’ancre dans une structure de quête, où les motivations personnelles des protagonistes – comme la quête de rédemption de Vani ou les ambitions contradictoires de Gunnor – façonnent la progression narrative et créent des interactions dynamiques et souvent conflictuelles.
Chaque personnage possède une complexité propre, avec des dilemmes qui alimentent les conflits internes du groupe et approfondissent l’intrigue. Par exemple, le lien de méfiance entre Vani et Azzio, qui oscille entre défiance et attirance, ajoute une dimension émotionnelle à l’aventure. De même, Sirane et Gunnor, chacun prisonnier de ses obsessions, apportent une tension dramatique qui fait de ce groupe une alliance bancale, mais captivante.
Fabien Clavel réussit à introduire un monde détaillé inspiré d’un jeu de rôle tout en le rendant accessible aux lecteurs non-initiés. Le monde d’Aria, et en particulier l’île d’Esperanza, s’inscrit dans un cadre qui mêle habilement exotisme et mystère. Les descriptions de Clavel, précises et imagées, font vivre ce monde sans pour autant alourdir la narration, et chaque décor, qu’il s’agisse des galères d’Aria ou des villages isolés d’Esperanza, est une invitation à l’immersion.
L’île d’Esperanza devient rapidement un personnage à part entière, animée par des intrigues locales, des légendes occultes et une atmosphère propice à l’exploration. Cette construction d’univers rend hommage aux racines rôlistes du projet tout en créant une œuvre littéraire autonome. La diversité des décors et des cultures est renforcée par les illustrations de Xavier Collette, qui ajoute une couche visuelle immersive au texte, donnant corps à cet univers en expansion.
Le style de Clavel est un point central de l’expérience de lecture. Son écriture, bien que concise, reste profondément visuelle, avec des descriptions qui permettent d’aborder les lieux et les personnages tout en laissant place à l’imagination. L’alternance entre les scènes d’action et les moments plus calmes, où les personnages expriment leurs peurs ou leurs ambitions, crée un rythme bien dosé qui capte l’attention sans relâche.
Les dialogues reflètent l’essence du jeu de rôle : ils sont spontanés et ancrés dans les personnalités des personnages, qui se dévoilent par leurs réactions et leurs interactions. Ce style, qui rappelle les improvisations et décisions prises en pleine partie, permet aux lecteurs de ressentir l’énergie collaborative qui est l’essence même de Game of Rôles. Cependant, Clavel réussit à s’affranchir des codes du jeu de rôle pour offrir une intrigue bien structurée, indépendante des contraintes de ce médium, et permettant une expérience de lecture cohérente et fluide.
Le serment des runes explore des thématiques adultes comme la rédemption, la quête de liberté et la nature des alliances forgées dans l’adversité. Gunnor, par exemple, est confronté à un dilemme entre son aspiration à l’érudition et la violence qu’il doit exercer pour survivre. Vani, quant à elle, oscille entre un désir de revanche et une recherche de paix intérieure, créant un personnage complexe où la survie se mêle à une tentative de rachat. Ces dilemmes font des personnages des figures attachantes et crédibles, au-delà des archétypes habituels de la fantasy.
En outre, la question du destin et des choix, omniprésente dans la fantasy, prend ici une dimension unique grâce aux interactions conflictuelles entre les protagonistes, chacun tentant d’imposer sa vision du monde. Clavel soulève ainsi des questions ouvertes sur la moralité et la responsabilité, sans offrir de réponse simple, laissant les lecteurs s’interroger sur les limites du pouvoir et de la liberté.