Le 12 octobre 2023, le Grinch est revenu hanter les fêtes sur toutes les consoles, cette fois sous l’égide de Casual Brothers Ltd. Un studio britannique qui revendique fièrement ses « temps de développement très courts », comme si le sabotage assumé était une marque de fabrique. Leur dernière œuvre, Le Grinch : Les Aventures de Noël, a filé sous les radars. Et c’est peut-être la plus belle chose qui pouvait lui arriver.
Car ce jeu n’est pas un simple raté : c’est un naufrage déguisé en produit familial. Un condensé de médiocrité jeté au visage de ceux qu’il prétend amuser. Il ne cherche pas à divertir les enfants. Il les prend pour des imbéciles.
Derrière son esthétique proprette et ses mécaniques simplifiées se cache une vision méprisante de ce qu’un jeu pour jeune public devrait être. Pas une aventure de Noël, non. Plutôt un enterrement en vert.
Fable creuse dans un écrin de carton
Vous incarnez le Grinch, grincheux légendaire des fêtes, épaulé par son chien Max dans une quête censée redonner sens au Noël des Chous. Mais très vite, cette fable tourne court. Il n’y a ici ni narration, ni arcs, ni émotions. Seulement une ligne droite, répétitive et sans âme, comme si le scénario s’était égaré en chemin… ou n’avait jamais existé.
Aucun effort n’est fait pour contextualiser les actions, rythmer les événements ou enrichir l’univers. Le village de Chouville ? Une carte postale figée. Le Grinch lui-même ? Une marionnette sans mordant, vidée de son ironie corrosive, reléguée à un rôle fonctionnel. Quant à Max, il n’est qu’un second rôle passif, parfois jouable, jamais pertinent.
Même les rares dialogues sont d’une platitude consternante, réduits à quelques lignes sans relief qui peinent à masquer le vide abyssal du récit. Le jeu enchaîne les niveaux sans jamais raconter quoi que ce soit. Il s’adresse à un public jeune… tout en le privant de la moindre once d’imaginaire ou d’intelligence narrative.
Ce n’est pas une aventure de Noël. C’est une checklist de niveaux.
L’illusion du jeu, la réalité de l’ennui
Derrière ses décors faussement joyeux, Le Grinch : Les Aventures de Noël camoufle à peine une structure mécanique aussi datée que défaillante. À la croisée d’un jeu de plateformes rudimentaire et d’un puzzle game paresseux, le titre échoue à captiver ne serait-ce qu’un instant.
La prise en main est immédiate, mais pour de mauvaises raisons : tout est simplifié à l’extrême. Vous courez, sautez, utilisez quelques gadgets… et pestez. Car chaque action est entravée par une maniabilité rigide, des collisions imprécises, et des sauts flottants qui transforment le moindre obstacle en frustration. Le Grinch réagit comme un pantin sous Lexomil ; ses mouvements sont lents, ses interactions approximatives, et ses compétences—qu’il faut d’abord débloquer en collectant des pièces de puzzle—ne sauvent jamais l’expérience.
Max, en multijoueur local, est une illusion de coopération : incapable d’agir de manière autonome, il est condamné à suivre, sans impact réel sur le gameplay. Un deuxième joueur pour animer les soirées ? À peine un figurant.
Les niveaux, eux, se répètent dans une linéarité consternante, sans jamais proposer de vraie montée en puissance ni de complexité croissante. Les rares mécaniques de collecte (cadeaux, puzzles) ne servent qu’à gonfler artificiellement une durée de vie déjà famélique. Le second mode de jeu ? Une simple redite des mêmes séquences, sans enjeu, sans variation, sans aucune volonté de renouveler l’expérience.
Pire encore, Le Grinch ne propose aucune mécanique d’affrontement. Les ennemis doivent être évités, jamais vaincus. Ce n’est pas une idée de design : c’est une abdication. Un renoncement à la moindre dynamique ludique.
En trois heures à peine, tout est dit, tout est vu. Et rien ne donne envie d’y revenir.
L’emballage fait illusion, le reste se tait
À première vue, Le Grinch : Les Aventures de Noël semble cocher les cases d’un jeu familial convenable. La direction artistique opte pour une 3D propre et colorée, sans audace mais sans faute majeure. Les décors évoquent une Chouville en plastique, figée dans une éternelle carte de vœux, où chaque élément semble avoir été conçu pour rassurer plutôt que surprendre.
Les textures sont correctes, les animations fonctionnelles, et les personnages — bien qu’aseptisés — conservent un semblant d’identité visuelle. Rien de spectaculaire, mais rien d’infamant non plus. C’est le genre de production qui semble tout droit sortie d’un cahier des charges, sans passion ni ambition.
Le jeu a au moins le mérite d’être entièrement doublé en français, avec des textes suffisamment lisibles pour les plus jeunes. Mais là encore, le travail vocal s’arrête à la simple exécution. Le Grinch marmonne sans cynisme, Max se contente d’aboyer, et les dialogues défilent sans jamais accrocher l’oreille. L’ambiance sonore, elle, oscille entre musique d’ascenseur et bruitages anecdotiques, sans jamais générer d’émotion ou d’attachement.
Il manque ici ce qui fait la magie d’un univers de Noël : la chaleur, la malice, la surprise. Rien ne vit, rien ne vibre. Tout semble anesthésié, comme si la fête avait été désamorcée à la source.
Vide technique sous sapin artificiel
Sur le plan technique, Le Grinch : Les Aventures de Noël tient debout. À défaut d’enthousiasmer, il tourne correctement sur tous les supports — un exploit dans un marché où même les jeux modestes trébuchent parfois sur des bugs grotesques. Ici, aucun crash, aucun ralentissement notable, et un framerate stable même sur les configurations les plus modestes. Mais cette stabilité n’est que le masque d’un produit vidé de toute ambition.
Aucune option d’accessibilité. Aucun réglage de difficulté. Aucune variété dans les contrôles. Le jeu s’adresse aux enfants, certes, mais ne leur offre aucun outil pour apprendre, s’adapter ou progresser. Tout est lisse, figé, non personnalisable.
Le mode coopératif local, présenté comme une fonctionnalité familiale phare, se résume à un ersatz d’interaction : Max, le second joueur, est un accompagnant inutile. Il ne peut rien faire sans le Grinch. Il n’apporte ni compétence propre, ni moment de gameplay dédié. Ce n’est pas de la coopération. C’est de la décoration.
Quant à la rejouabilité, elle est tout simplement inexistante. Le contenu additionnel se résume à un mode miroir qui ne change strictement rien, sinon le sens de la marche. Pas de quêtes secondaires, pas de secrets narratifs, pas même une évolution cosmétique.
Il s’agit d’un jeu monobloc, sans aspérité, pensé pour être consommé en une séance et oublié le lendemain. Ce n’est pas un jeu de Noël. C’est un objet jetable, déguisé en cadeau.
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