Le Chant de la femme cryptée est un one shot graphique de Jimi Macías paru le 30 Août 2024 aux Éditions Kana. Il se compose de 208 pages. Réservé à un public averti.
Azabache est une chanteuse de copla, mais aussi une femme d’action qui a l’habitude d’accepter des missions complexes. Elle peut commettre des larcins avec une grande habileté et désamorcer des situations délicates. Cette fois, l’Inspecteur Sánchez lui demande son aide dans son enquête de meurtres en série qui ne ciblent que des femmes. Azabache refuse jusqu’à ce que sa compagne et complice, Carmina, disparaisse à son tour, l’obligeant à se joindre à l’affaire pour la retrouver.
Concha Martínez, Rocío Hurtado et Sara Pimentel sont les 3 victimes du tueur en série. Carmina a pour l’instant disparu, son corps n’a pas été trouvé et le temps joue contre eux. Il semblerait qu’un lien plus étroit relie ces femmes ; un lien qui place Azabache en future victime…
Au cœur de cette Espagne futuriste de 2122, la technologie se mélange à la tradition. La copla notamment, qui est un registre musical dédié à l’amour et à ses tourments. Divers détails éparpillés tout du long peuvent être repérés ; la politique est également abordée, notamment avec le Projet 1892, année de naissance de Franco qui a apporté de grands chamboulements dans l’histoire de l’Espagne.
Dans cette dystopie, l’Immersion est un moyen de raviver les souvenirs d’un défunt, si son cerveau n’est pas trop détérioré et qu’il y a une certaine compatibilité avec le receveur. C’est le processus qui est proposé à Azabache pour trouver une piste menant au tueur. Elle peut reprendre conscience quand elle le souhaite grâce à l’Assistant, qui lui apparaît sous la forme de son chat, Luna. Elle entend une chanson qu’elle ne parvient pas tout de suite à identifier, mais qui semble capitale.
Alerte Spoil
Il est dommageable que certains points restent obscurs, principalement concernant Carmina. On ne la revoit… jamais ! Est-elle morte ? Si oui, pourquoi n’est-ce pas abordé ? Après tout, c’est bien pour la retrouver qu’Azabache s’implique dans cette affaire. Ceux qui ont lu cette histoire sont dans la même expectative.
Azabache mélange les souvenirs de la défunte avec sa propre psyché, créant une arène. Elle arbore alors une tenue de matador et réchappe au taureau qui symbolise son père. Elle quitte l’arène, trouve sa mère qui serre un veau dans ses bras. Le père d’Azabache étant torero, on peut l’interpréter logiquement, d’autant qu’elle le symbolise sous la forme d’un taureau lors des révélations à la fin du livre ; toutefois, sa mère a été internée à ses 3 ans, donc Azabache n’était plus un nourrisson dans cette représentation de l’asile.
Au final, quelle interprétation peut-on donner à la chanson qu’Azabache entend lors de la reviviscence de chaque crime ? Aucune révélation n’est fournie à ce sujet. On conclut qu’il s’agit d’une chanson de sa mère, célèbre chanteuse de copla dans sa jeunesse, mais quel est son sens profond pour sa fille ? Et surtout quel rapport avec les meurtres ?
Si l’enquête propose de bonnes idées, quoique très glauques, d’où sa destination à un public mature et averti ; elle manque encore de finitions et demeure obscure, surtout concernant Carmina.
Fin du Spoil
Si le personnage d’Azabache ne m’a pas particulièrement séduite de par sa vulgarité et son attitude acariâtre, notamment envers son chat, Luna ; l’enquête, elle, est intéressante. La situation politique de cette Espagne dystopique est travaillée, imbriquant d’autres enjeux qui sont abordés au fur et à mesure.
J’insiste sur le fait que ce livre se destine à un public averti, son contenu peut choquer.
Graphiquement, c’est très singulier, on perçoit des influences diverses et variées : Albator en premier lieu, notamment au niveau des yeux étirés aux longs cils, ainsi que les boucles qui rebiquent autour du visage. Ce choix artistique fait immédiatement penser à Nausica. Les formes anguleuses des corps m’ont rappelé Kim Possible et Les Super Nanas ; les proportions sont très désarticulées ici encore. Le personnage de Dolores ressemble à C-18 dans Dragon Ball. Les décors sont plutôt anecdotiques dans l’ensemble, privilégiant l’action à gogo et les protagonistes.
Mais ce qui démarque ce one shot graphique se situe dans la maîtrise des couleurs. Chaque planche est du plus bel effet. Toutes les nuances se mélangent dans un effet psychédélique complètement assumé. La mise en scène est dingue, dynamique et rutilante.