J’avais 9 ans quand ils nous ont raflées est un livre autobiographique de Arlette Testyler coécrit avec Alexandre Duyck. Paru le 15 Mai 2024 chez Hugo Doc, il se compose de 256 pages.

Poignant

Ce récit aborde la Rafle du Vél’ d’Hiv qui a eu lieu le 16 Juillet 1942 avec beaucoup d’émotion. Après la préface de Tatiana de Rosnay, Arlette livre avec entièreté sa vie de petite fille Juive. Fille de fourreur, elle menait une vie heureuse avec son père Abraham, sa mère Malka et sa sœur Mado avant que la loi anti-juive ne passe et l’oblige à porter l’étoile juive. L’interdiction aux parcs, aux cinémas, le couvre-feu ; l’interdiction aux adultes à de nombreux corps de métier, dont l’enseignement.

Arlette n’a soudain plus le droit de se rendre à la bibliothèque qu’elle aimait tant. Elle récolte le mépris d’autrui, les gens sont persuadés que cette foutue guerre est la faute des Juifs. Lentement, de mois en mois, la situation va péricliter. Le père d’Arlette est Polonais ; il s’est installé en France pour fuir l’antisémitisme de son pays. Il a choisi la France, pays des droits de l’homme, convaincu de mener une vie meilleure là-bas. La rafle du billet vert le conduit à Pithiviers où il finit interné. Arlette et sa famille le retrouvent brièvement, mais son père est ensuite déporté et finira gazé comme tant d’autres…

Arlette transcrit l’angoisse, le désespoir ; la France, qui a manifesté un zèle sanguinaire dans cette tragédie. Les Allemands n’avaient encore donné aucun ordre concernant les femmes et les enfants, aucun d’eux n’était présent dans la Rafle du Vélodrome d’Hiver, uniquement des Français. Ce sont les Français qui ont traqué et massacré de nombreux Juifs sans obéir aux Allemands, c’était une décision du régime de Vichy. Comme Arlette l’explique, cela ne signifie pas que tous les Français étaient mauvais. Beaucoup ont dénoncé, tabassé, collaboré ; mais d’autres les ont cachés, préservés, sauvés.

De nombreuses photos jalonnent ce récit historique. La famille d’Arlette, ses souvenirs, des êtres aimés qui ne sont plus. Elles rendent ce livre très intime.

L’horreur du Vél’ d’Hiv

Arlette évoque ses visites de quelques minutes pour voir son père prisonnier à Pithiviers. Après 4 Chapitres qui relatent son enfance, elle raconte la Rafle de ce 16 Juillet 1942, alors qu’elle n’a que 9 ans.

12 884 personnes entassées sous une verrière en pleine canicule, sans eau, sans nourriture et sans possibilité d’utiliser les toilettes qui sont bouchées à leur arrivée. Ils font tous leurs besoins contre un mur ; les femmes ont leurs règles également, leur sang se mélange aux immondices. Certaines se piquent à coups d’aiguilles pour être transférées, sans succès. D’autres essaient d’avorter tandis que les dernières accouchent par terre, dans la saleté. Arlette assiste aux suicides des captifs qui se jettent du haut des gradins. Sa mère essaie de lui faire croire que ce sont des ballots de linge sale qui tombent, mais la fillette réalise l’horreur de la situation…

Arlette poursuit son récit, le camp à Beaune-la-Rolande, l’antichambre d’Auschwitz. Arlette a pu quitter cet Enfer grâce à sa mère qui a fait croire qu’elle avait caché les machines de son mari et était prête à collaborer. De cette façon, elle et ses filles ont pu remonter vers Paris et s’enfuir par le train en marche. Malka était prête à chaperonner d’autres enfants pour les sauver, mais les prisonniers continuaient de penser que tout finirait bien. Finalement, ils sont morts.

Après la guerre

Malka se sépare de ses filles tout en leur rendant visite régulièrement, jamais aux mêmes heures/jours pour ne pas se faire dénoncer. Bien après la fin de la guerre, elle apprend le décès de son mari et ne peut l’accepter : sa tumeur au cerveau l’emporte.

Arlette n’a donc plus que sa sœur, Mado. Cette dernière rencontre Yossélé et tombe amoureuse de lui. Mais ce dernier a un frère : Szlameck qui deviendra l’époux d’Arlette. Le livre dévoile la manière dont il a vécu la guerre de son côté, sans concessions. De camp en camp, la violence, le mépris, l’horreur aussi, comme ces fameux frères qui cachent le cadavre de leur père depuis plusieurs jours pour manger sa ration. Le froid, la faim, la peau qui reste accrochée aux rails des trains par -25°.

Les partisans d’Hitler les nommaient des Stücke, des morceaux, des pièces de rechange ; ils n’étaient pas considérés comme des humains.

Si l’Histoire parle de ce drame historique, elle oublie trop souvent le rôle de la France qui a engendré beaucoup de mal. Le Vélodrome d’Hiver est tristement célèbre pour son inhumanité, l’Enfer sur terre. Arlette a vu des gens se suicider devant elle, le désespoir absolu, un aperçu de l’horreur qui allait suivre. Les Juifs étaient parqués comme du bétail, non, pire encore que du bétail ; et je le répète : c’était une décision du régime de Vichy et non un ordre direct de l’Allemagne.

Le 16 Juillet 1995, Jaques Chirac a reconnu l’implication de la France dans cette affaire, une étape importante pour que la mémoire demeure en toute transparence.

Arlette Testyler nous rappelle combien l’Histoire est importante. Plus qu’un témoignage, ce livre devrait figurer au programme des écoles pour tous ses détails historiques, cette autobiographie émouvante, dans une époque tellement triste. Une empreinte pour que nul n’oublie, jamais.

Conclusion : Arlette, rescapée du Vél’ d’Hiv

J’avais 9 ans quand ils nous ont raflées est une autobiographie d’une rare intensité. Riche en détails historiques, il demeure authentique, sans césures. Un livre qui devrait figurer au programme scolaire.