Certains jeux naissent avec l’ambition d’émouvoir, de séduire, de suspendre le souffle du joueur dans un monde parallèle tissé de regards fuyants et de promesses dissimulées. How to Fool a Liar King Remastered, développé par Roseverte et paru sur Nintendo Switch le 25 novembre 2022, ressuscite un visual novel de 2016 avec l’élégance modeste d’un conte romantique venu d’un autre temps. Mêlant intrigue politique, voyage interdimensionnel et rêveries sentimentales, il entend offrir un récit de fantasy légère où chaque choix est censé redessiner le destin d’une héroïne confrontée à un roi à la langue fourchue.
Regina, jeune femme projetée dans un monde inconnu, devient le centre d’un ballet narratif oscillant entre mystères de cour et élans du cœur. Mais si la forme promet l’enchantement, que reste-t-il lorsque le rideau tombe ? Le mensonge est-il un art ou une fuite ? Et le jeu, une aventure ou un mirage romantique aux contours effacés ?
Conte de verre et trônes en carton
Le récit de How to Fool a Liar King Remastered déroule un isekai classique : Regina, jeune femme issue de notre monde, se retrouve propulsée dans un royaume inconnu, théâtre d’intrigues feutrées et de joutes sentimentales. Dans ce décor de fantasy colorée, elle croise la route de Juli, un roi mystérieux dont le titre même annonce le programme — manipulateur, charmeur, insaisissable. Autour d’eux gravite une galerie de figures censées incarner les forces en présence : conseillers, rivaux, alliés possibles… autant de silhouettes qui composent un échiquier narratif aux promesses de complots, de passions contrariées et de révélations dramatiques.
Pourtant, cette promesse reste en grande partie figée. L’intrigue, plutôt que de se tordre ou de surprendre, trace un chemin balisé. Les rebondissements, attendus, se succèdent avec une régularité qui désamorce l’effet dramatique. Les scènes de tension glissent sans poids, les dialogues s’enchaînent avec une légèreté formelle qui ne laisse que peu de place aux ruptures ou aux émotions durables. Le récit se veut romantique, mais peine à installer une alchimie crédible entre ses protagonistes.
Regina, censée incarner la candeur projetée dans l’inconnu, reste figée dans un rôle d’observatrice passive. Peu d’évolution, peu de dilemmes internes, peu d’impulsions marquantes : sa trajectoire manque de chair, et sa voix de relief. Quant à Juli, le roi menteur, il laisse entrevoir une complexité qui ne se déploie jamais vraiment. Ses actions, parfois incohérentes, brouillent la lecture de son personnage sans pour autant densifier son mystère. L’ambiguïté devient flou, et l’aura s’éteint.
Les personnages secondaires, nombreux et variés, auraient pu offrir des échappatoires narratives, des tensions parallèles, des arcs autonomes. Ils deviennent au contraire des satellites fonctionnels, présents pour accompagner la romance centrale sans jamais troubler sa trajectoire. Aucun ne sort de sa fonction, aucun ne s’impose comme figure mémorable. L’univers, pourtant propice à l’évasion, semble peuplé d’ombres aux contours figés.
Choix factices et silences programmés
How to Fool a Liar King Remastered suit la structure codifiée du visual novel classique : texte, choix, embranchements. Le joueur parcourt l’histoire à travers une interface sobre, où les décisions ponctuent les dialogues à intervalles réguliers. L’expérience se veut accessible, limpide, tournée vers la lecture et l’émotion plus que vers l’interaction complexe. Pourtant, cette simplicité aurait gagné à s’accompagner d’une richesse d’options, de ramifications significatives, de chemins narratifs divergents qui auraient pu renforcer l’engagement du joueur.
Les choix proposés jalonnent le récit sans en bouleverser véritablement la structure. Ils orientent le ton, modifient certains dialogues, ajustent l’attitude de quelques personnages — mais sans impacter la trajectoire globale. L’impression d’un chemin unique, légèrement maquillé en fausse liberté, finit par s’imposer au fil des heures. L’illusion de contrôle ne masque jamais vraiment la linéarité sous-jacente.
Aucune mécanique annexe ne vient enrichir la boucle de jeu. Pas de mini-jeux, pas de système de progression relationnelle élaboré, pas de codex à explorer ni d’éléments cachés à débloquer. L’univers, pourtant propice à l’imagination, se réduit à un fil narratif simple. Le jeu n’introduit pas de gestion de ressources, d’inventaire ou de choix à conséquences multiples, comme certains visual novels contemporains ont su le faire avec finesse.
L’expérience repose donc sur la seule force de son récit et de ses personnages. Sans couches de gameplay complémentaires pour relancer la curiosité ou varier les rythmes, la progression reste uniforme. Chaque session de jeu offre une continuité douce, sans tension mécanique, sans pic de réflexion stratégique. Ce parti pris, s’il peut séduire par sa pureté formelle, exige en retour un niveau d’écriture et de narration particulièrement affûté — sans quoi la lassitude s’installe.
Écrans figés et accords discrets
La direction artistique de How to Fool a Liar King Remastered évoque une époque déjà lointaine du visual novel indépendant : celle des arrière-plans peints à la main, des portraits fixes et des expressions standards. Le jeu propose des décors soignés, souvent lumineux, parfois évocateurs, qui installent une atmosphère douce, presque éthérée. Chaque lieu visité conserve une lisibilité claire, une palette chaleureuse et un certain charme mélancolique qui sied à l’univers fantastique proposé.
Les personnages, quant à eux, bénéficient d’un design classique mais limité. Leurs illustrations, parfois inégales dans le trait ou les proportions, peinent à incarner une évolution émotionnelle crédible. Les expressions faciales restent sommaires, les postures figées, et l’animation, quasi absente, installe un rythme visuel très rigide. L’ensemble souffre d’une cohérence fragile, comme si les éléments avaient été réalisés à des moments distincts, par des mains différentes, sans harmonisation véritable.
L’habillage sonore suit une logique similaire. Les compositions musicales accompagnent les scènes avec discrétion, sans jamais chercher à imposer une identité forte. Les mélodies, douces et linéaires, installent une ambiance calme et feutrée, mais rarement marquante. Elles soutiennent le texte, sans jamais l’enrichir ni dialoguer avec lui. Aucun thème ne se détache, aucun morceau ne s’imprime durablement dans la mémoire.
Les effets sonores, présents en arrière-plan, se contentent d’ajouter un relief basique aux actions. Bruits de pas, tintements de cloche, chuchotements mécaniques — tout fonctionne, mais rien ne surprend. L’absence de doublage vocal renforce encore cette sensation de silence maîtrisé, mais peu expressif. Dans un jeu reposant presque exclusivement sur ses textes, l’accompagnement sonore aurait pu devenir un levier émotionnel fort. Il reste ici une présence fantomatique, efficace mais sans éclat.
Fonctionnalités élémentaires pour rêve éphémère
Sur Nintendo Switch, How to Fool a Liar King Remastered se présente sous sa forme la plus simple : un visual novel sans fonctionnalités superflues, dépourvu d’options avancées ou de mécaniques annexes. L’interface est épurée, claire, fidèle aux standards du genre. Elle permet une lecture fluide des dialogues, un accès rapide aux menus de sauvegarde, et une navigation sans accroc entre les différents segments de l’histoire. Aucun ralentissement n’est à signaler, et le titre tourne avec une stabilité constante en mode portable comme en mode docké.
Le jeu ne propose aucun système de galerie ou de codex permettant de revoir les scènes importantes ou de consulter les informations sur les personnages. Une fois un arc terminé, seule la relecture manuelle permet d’en retrouver les traces. Cette absence d’outils de suivi limite la valorisation de la progression du joueur et réduit l’incitation à explorer d’autres fins ou dialogues alternatifs.
Cependant, la localisation française intégrale mérite d’être soulignée. Elle permet aux joueuses et joueurs francophones de découvrir l’histoire dans leur langue, avec une traduction globalement correcte qui conserve le ton léger et romancé du matériau d’origine. Cette accessibilité linguistique, encore trop rare dans le domaine du visual novel indépendant, montre une volonté de s’ouvrir à un public plus large.
Le jeu ne propose aucun doublage vocal ni fonctionnalité spécifique liée à la console. Pas de tactile, pas de fonctionnalités gyroscopiques ou de raccourcis personnalisés : tout est ici centré sur le texte, dans sa forme la plus pure. Une posture minimaliste assumée, mais qui laisse peu de place à la surprise ou à l’innovation formelle.
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