Test de Farrel
Le studio de développement brésilien Modus, filiale de l’éditeur éponyme, n’a jamais particulièrement brillé par le passé. Naguère connu sous le nom de The Balance Inc. avant le rachat, ils n’ont jusqu’alors sorti qu’un seul et unique titre : Override Mech City Brawl, un jeu de combat multijoueur médiocre et sans ambition.
Quelque quatre années plus tard, les développeurs sont de retour avec un titre qui tente de sortir des sentiers battus via une formule neuve, originale et particulièrement atypique mélangeant jeu de baston et de rythme. Alors faites chauffer les guitares, c’est parti pour God of Rock !
Top Chef
Lorsque vous avez faim, il vous est sans doute déjà arrivé de vouloir préparer un bon petit plat. Manque de chance : la cuisine n’est clairement pas votre fort. Vous manquez d’expérience, de pratique… et peut-être également d’un peu de talent.
Que faire dans ce cas ? Oui, vous allez chercher une recette et décidez de l’appliquer à la lettre ; certain que ce faisant, vous ne pouvez pas vous tromper. Pas de chance, il vous manque la moitié des ingrédients.
Alors vous faites preuve d’audace et décidez malgré tout de tenter de cuisiner tout en substituant certains ingrédients à d’autres… voire en enlevant quelques-uns. God of Rock fait exactement de même.
De loin, en plissant les yeux, tout a l’air de ressembler à un versus fighting on ne peut plus classique : des menus au roster en passant par les saynètes d’introduction ; tout fleure bon le pugilat endiablé en 1v1.
Douze personnages jouables, chacun avec un style plus improbable que l’autre. Des modes classiques : local, arcade, entraînement, en ligne. Oui, les ingrédients sont les bons… Mais visiblement, les développeurs ont oublié de laisser reposer la pâte assez longtemps.
Qu’est-ce à dire concrètement ? Eh bien, entendez par-là que God of Rock n’est pas ici pour enfiler des perles ni vous raconter une histoire. Comme dans la plupart des jeux de baston à petit budget, l’intrigue a clairement été reléguée au second plan : le dieu du Rock organise un tournoi. Le personnage que vous choisissez y participe pour des raisons qui lui sont propres.
Chacun des douze protagonistes débute ainsi l’aventure via une saynète dessinée à la main (et en noir et blanc, puisqu’il manquait visiblement l’ingrédient « couleurs ») excessivement avare en contenu, détails… et inspiration.
L’un veut redevenir une star. L’autre veut en devenir une. Un troisième se fait piéger, un autre souhaite s’intégrer. Tout est basique, sans aucune profondeur ni
développement. L’histoire des protagonistes est réduite à son strict minimum, au point qu’on se demande s’il n’aurait pas été plus simple et logique de la retirer.
Les amateurs de musique ne s’y tromperont pas : tous les personnages sont des caricatures de musiciens plus ou moins célèbres. Et certains ne s’en cachent même pas, à l’image du « King ». Visiblement, cela suffit aux développeurs ; le joueur doit tout simplement se contenter de ce ressort « comique » comme unique source de son choix initial.
Une fois décidé et la première saynète terminée, vous enchaînez les combats contre l’ensemble du roster jusqu’à parvenir au Dieu du Rock lui-même qui, une fois vaincu, exauce votre souhait comme promis. Dans une image vaguement animée, toujours en noir et blanc comme seule récompense.
Point d’histoire, de développement, d’interactions réelles entre les personnages. God of Rock fait le minimum syndical de travail sur son lore, ne parvenant bien entendu jamais à créer le moindre petit attachement aux divers combattants.
Il faudra donc se contenter des visuels pour espérer trouver celui qui nous correspond le mieux. Mais…
Vous l’avez testé, votre jeu ?
Visuellement, God of Rock tente une 3D cartoonesque forte d’une débauche d’effets visuels. Si la direction artistique fonctionne relativement bien en parvenant à une certaine cohérence en termes de ton, de couleurs et d’images, on ne peut pas en dire autant des modèles de personnages.
Les assets utilisés sont finalement très peu nombreux, car outre vos protagonistes, il
n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Pire encore, ces derniers ne disposent pas de modèles ni de tenues différentes.
Autrement dit : si deux joueurs utilisent le même combattant, rien ne permettra de les différencier. Et pour achever cette flemmardise interstellaire qui caractérise le titre, il n’y a aucune synchro labiale. Oui, les différents protagonistes ne bougent tout simplement pas les lèvres en parlant. En 2023.
Mais est-ce réellement important au final ? Pas vraiment, puisque de toute manière, lors des affrontements vous ne serez jamais, à aucun moment, amené à VOIR ce qui se déroule à l’écran.
Le concept de God of Rock est simple : vous ne dirigez pas votre personnage, mais vous vous contentez d’un jeu de rythme qui se déroule sous la zone de pugilat. Donc, votre regard est continuellement accaparé par cet endroit, qui vous demande logiquement une grande concentration.
Et si vous avez suivi jusque-là, vous comprenez où je veux en venir : jamais. À aucun moment. Vous ne regarderez le combat. Vous vous contentez de jouer à Guitar Hero sans guitare, en espérant que cela suffise pour vaincre votre adversaire.
La jauge de vie est tout en haut, la zone qui demande toute votre attention tout en bas. N’importe qui ayant déjà touché à ne serait-ce qu’un jeu de rythme dans sa vie sait
qu’effectuer cette simple gymnastique oculaire est le meilleur moyen… de rater des notes et de perdre.
On distingue certes du coin de l’œil que « quelque chose » se passe plus haut… Mais outre des flashs lumineux incessants, rien ne permet de réellement profiter de l’action.
L’autre corollaire est simple : puisque vous ne dirigez pas votre personnage directement, ce dernier ne bouge pas. Les combattants sont statiques et se contentent de s’envoyer des patates de forains vaguement chorégraphiées, ce qui induit que même un spectateur externe n’y trouvera pas son compte.
Et ce n’est pas encore le pire…
Non mais vraiment, vous l’avez testé ?
Faire un jeu novateur et original, c’est bien. S’assurer que ce dernier soit plaisant, c’est mieux. Et c’est là que je vais vous parler plus en détail du concept si atypique de God of Rock.
Concrètement, le titre tient plus du jeu de rythme que de combat. En bas de l’écran se trouve une grille sur laquelle les notes vont défiler. Il va donc falloir appuyer au bon
moment sur la ou les touches affichées afin de pouvoir effectuer une attaque.
Si vous et votre adversaire ne manquez pas la note, c’est un nul. Si en revanche l’un ou l’autre échoue, il prend des dégâts. Jusque-là, tout va bien… ou presque.
Car le premier problème ne se fait pas attendre : comme sur Guitar Hero ou Final Fantasy Theatrhythm, cette grille affiche les boutons alignés. Mais les touches adéquates sur la manette, elles, ne le sont pas.
Il faut donc un temps d’adaptation plus ou moins conséquent en fonction du joueur avant de maîtriser cette base. Et même après quelques heures de jeu, il n’est pas rare de se perdre lorsque les notes croisées arrivent.
Parce qu’appuyer sur X et B en même temps dans une séquence rythmique intense, ce n’est ni naturel ni simple et contraint à une position du pouce peu confortable. D’autant que ces suites peuvent être totalement imprévisibles et peu logiques.
Les combats dans God of Rock sont également infinis. Aucun Timer ne viendra mettre un terme à l’affrontement, pas même la fin de la musique puisque cette dernière se répète à l’infini ; tandis que la fréquence, le nombre et la complexité des notes s’accroissent également en conséquence jusqu’à ce que l’un des deux joueurs perde.
Et je vous rappelle qu’en local, vous jouez contre un ordinateur. Conclusion : dans les
modes de difficulté les plus avancés, à moins d’être un Japonais dopé à Project Diva et ayant grandi sur un tapis de DDR ; vous n’avez que peu de chance de vous en sortir.
Pourquoi ne pas simplement utiliser plus de doigts en changeant la position de sa main sur la manette ? Eh bien, parce que God of Rock n’oublie pas non plus d’être un jeu de baston. Malheureusement.
Chacun des protagonistes dispose d’un panel de coups spéciaux (quatre plus un ultime) qui s’exécutent via le chargement de jauges spécifiques… en utilisant des combinaisons de touches directement inspirées de Street Fighter.
Oui, il va falloir placer des quarts de cercle + RT en plein jeu de rythme, mais aussi retenir parfaitement l’ensemble de ces coups spéciaux (différents selon les personnages) qui se décomposent en niveaux afin de pouvoir contrer ceux de votre adversaire. Car si ce dernier utilise son attaque de niveau 2, vous devrez aussitôt pouvoir placer la vôtre de niveau 3 pour éviter de prendre l’assaut en pleine poire. Un système original et bien pensé… pour un jeu de combat, pas pour un jeu de rythme.
Pourquoi ? Parce que vos jauges augmentent progressivement et que, je le rappelle, plus le temps passe, plus le jeu de rythme devient difficile. Autrement dit, vous ne pouvez utiliser vos coups spéciaux que lorsque votre concentration est à son maximum sur tout autre chose… Ce qui va indubitablement vous faire rater des notes et donc… prendre des dégâts.
Ce système est tellement mal pensé qu’au final, les niveaux les plus avancés sont généralement les plus simples : puisque plus de notes apparaissent dès le début, il est aisé de monter sa jauge à fond et de déclencher son attaque ultime. Et donc de terminer le combat rapidement.
Situation ubuesque où, en difficulté « normale », le boss de fin vous prendra moins de temps à être achevé que le premier de vos adversaires. C’est incongru, illogique, et montre bien les limites très bancales de ce gameplay.
Des qualités pourtant bien présentes
Mais si je donne l’impression que God of Rock est un mauvais jeu, c’est un procès inéquitable qui lui est fait. Certes, il présente des défauts assez importants. Certes, il aurait mérité plus de travail, de tests et d’ajustements. Cependant… Eh bien, force est de constater que le jeu dispose d’atouts qu’on ne peut que mettre à son crédit : sa prise de risque et son originalité. Oui, God of Rock est plaisant, accrocheur et addictif. Oui, apprendre les subtilités de son personnage favori est vraiment agréable et demande une
bonne dose d’entraînement. Oui, il est possible d’en maîtriser les arcanes jusqu’à devenir un véritable… dieu du rock.
Les parties en ligne sont retorses et souvent bien plus imprévisibles que contre l’IA. Tomber sur un Japonais, par exemple, instillera une appréhension manifeste lorsque vous vous lancerez dans le combat, tant ils semblent dominer le système.
Musicalement, le titre est également très bon, bien que la B.O. puisse sembler redondante lors des affrontements les plus longs.
Mais voilà, God of Rock a de solides arguments, ose une approche différente de deux genres. Ce qui lui manque réellement pour briller, c’est un stick parfaitement adapté à son gameplay. Sur une borne d’arcade vraiment étudiée ou avec un accessoire spécialement prévu pour, le jeu de Modus pourrait bien devenir un incontournable.