Derrière Geometry Survivor, on retrouve Bran Seal Entertainment, petit studio déjà responsable de la série Dark Quest, trilogie de tactical-RPG tiède et sans éclat. Cette fois, changement de registre : l’auto-shooter à la Vampire Survivors, un genre en pleine explosion… et donc un filon idéal pour produire vite, vendre vite, et disparaître tout aussi rapidement.
Disponible depuis début 2024 sur PC et Switch, Geometry Survivor affiche sans complexe ses intentions : aucune narration, aucune mise en scène, aucun habillage. Une arène vide, des formes géométriques sans nom, et un système d’expérience automatique dans une boucle de jeu réduite à son strict minimum. Un copier-coller à peine fonctionnel, avec quelques variantes d’armes et de vaisseaux comme unique perspective de progression.
Mais même à bas prix, même dans un genre minimaliste par essence, la question demeure : à partir de quand une absence d’ambition devient-elle une escroquerie à peine déguisée ?
Quand l’abstraction cache le vide
Il serait absurde de chercher dans Geometry Survivor une quelconque narration. Il n’y a ni monde, ni contexte, ni même une intention vaguement esquissée de justification. Pas de prétexte, pas de voix off, pas de texte d’introduction. Vous incarnez une forme géométrique qui doit survivre dans une arène vide en abattant d’autres formes géométriques qui, elles non plus, ne représentent rien.
On aurait pu imaginer un style abstrait assumé. Un projet minimaliste, froid, clinique, inspiré par des visuels à la Geometry Wars. Il n’en est rien. Ce n’est pas du minimalisme : c’est de la vacuité.
La “direction artistique” se résume à un fond noir, quelques lignes colorées, et une interface aussi impersonnelle qu’un écran de développeur en debug mode. Tout manque d’identité, de cohérence visuelle, de lisibilité même. Les ennemis sont des formes de plus en plus nombreuses, mais ni différenciées ni identifiables autrement que par leur taille ou leur vitesse.
Aucun effort n’est fait pour construire un univers ou proposer un habillage symbolique. Geometry Survivor ne raconte rien, ne suggère rien, ne pose aucun cadre. Même l’ironie de son nom n’est pas exploitée. L’absence de direction est totale — et assumée comme un gain de temps, pas comme une démarche de design.
Il ne s’agit pas ici d’un choix stylistique à la Thomas Was Alone. Il s’agit d’un projet qui ne cherche pas à proposer un monde, mais simplement une mécanique en roue libre, sans habillage ni esprit.
Une mécanique sous vide
Geometry Survivor est un auto-shooter statique, une variante réduite à l’os du modèle popularisé par Vampire Survivors. Le principe : vous dirigez une forme géométrique dans une arène noire, les tirs sont automatiques, les ennemis arrivent par vagues, vous gagnez de l’XP à chaque kill, et vous survivez — ou pas — pendant vingt minutes.
Sur le papier, rien de condamnable. Mais dans l’exécution, rien ne fonctionne réellement. Le jeu manque de feedback, de lisibilité, d’ergonomie. La progression est linéaire, le système de niveaux est répétitif, et les “builds” possibles sont tellement similaires qu’on a le sentiment de rejouer la même partie en boucle.
Les améliorations disponibles se limitent à une poignée d’armes secondaires (tir circulaire, railgun, laser, zone d’impact…) et quelques buffs passifs (cadence, portée, vitesse, multiplicateur de score). Mais les synergies sont absentes, les combinaisons sans surprise, et aucun système de rareté ou d’arborescence n’est présent pour relancer l’intérêt.
Le level design est inexistant : une arène vide, sans obstacle, sans relief, sans la moindre variation. Aucun environnement à débloquer, aucune boucle supplémentaire, aucune modification d’échelle ou de tempo. Vous êtes seul dans un cadre sans décor, à répéter mécaniquement les mêmes gestes pendant vingt minutes.
La difficulté repose uniquement sur la quantité d’ennemis à l’écran, ce qui engendre une autre aberration : le jeu se met à ralentir lors des vagues les plus chargées. Un comble pour un projet aussi peu exigeant graphiquement, et un aveu clair de mauvaise optimisation.
Même la méta-progression est indigente. À chaque défaite, vous pouvez acheter de nouveaux vaisseaux ou améliorer vos statistiques de base, mais là encore, le choix est purement mécanique. Aucun arbre de talent, aucune amélioration visuelle, aucun déblocage de contenu scénarisé.
Geometry Survivor ne fait pas d’erreur monumentale. Il ne fait juste rien d’autre que le strict minimum, sans saveur, sans profondeur, sans cohérence systémique. Ce n’est pas un mauvais prototype. C’est un jeu déjà obsolète à la seconde où vous le lancez.
Le néant comme esthétique
Sur le plan visuel, Geometry Survivor opte pour le minimalisme… sans style. À l’écran : un fond noir, des formes géométriques aux couleurs primaires, des projectiles clignotants, et une interface à peine fonctionnelle. Ce n’est pas du retro gaming, ce n’est pas de l’abstraction artistique — c’est une économie de moyens sans intention visuelle.
Il n’y a aucune variation de décor, aucun effet de lumière, aucune transition, aucun travail sur la lisibilité. Les ennemis se confondent dès qu’ils se multiplient, les tirs deviennent illisibles, et la surcharge visuelle conduit à des chutes de framerate qui trahissent une optimisation inexistante pour un jeu pourtant aussi frugal graphiquement.
Côté animations, rien n’est animé : les formes se déplacent, c’est tout. Pas de transition de mouvement, pas de feedback d’impact, pas de déformations, pas même d’effet de mort convaincant.
La bande-son, elle, oscille entre le générique et l’oubliable. Une boucle électronique sommaire accompagne les vagues d’ennemis, sans montée en tension, sans rupture, sans dynamique. Les effets sonores ? Quelques tirs répétitifs et bruitages d’explosion sans aucun relief. Tout sonne creux, déconnecté, inerte.
Aucune ambiance. Aucun rythme. Aucun effort.
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