Tout premier jeu du studio Phoenix Labs basé à Vancouver, Fae Farm est une simulation agricole marinée de RPG à l’instar de la série Rune Factory.
L’idée de concurrencer l’une des séries phares de Marvelous est excellente, d’autant que ce genre est clairement sous-représenté.
Sortant à trois jours d’intervalle avec Rune Factory 3 Special (dont vous pouvez retrouver le test ici), Fae Farm semble sûr de son succès. Ses qualités sont certes nombreuses, mais est-ce suffisant pour concurrencer directement le tenant du titre ? C’est ce que nous allons voir tout de suite.
Editeur(s)
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Phoenix Labs |
Sortie France
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8 septembre 2023
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PEGI
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+7 ans
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Liens | Site Officiel |
Support de test | Nintendo Switch |
Inclusif et familier
Fae Farm débute avec une cinématique entièrement dessinée à la main retraçant l’histoire de votre personnage. Attiré par l’espoir de lendemains meilleurs, vous décidez de prendre la mer vers de nouveaux horizons. Malheureusement, votre navire s’échoue et vous vous retrouvez sur l’île d’Azoria, seul et désemparé.
Bien rapidement accueilli par la maire Merritt, vous apprenez que c’est chose assez commune, eu égard des forts courants qui entourent l’île. Mais visiblement, l’idée même d’envoyer une équipe à la recherche d’éventuels survivants semble totalement hors de propos, et votre hôtesse préfère se concentrer sur la « chance » de vous voir toujours en vie.
Quelques points avant d’aller plus loin. Fae Farm se destine avant tout à une niche bien particulière. Misant totalement sur la carte de l’inclusivité, le titre de Phoenix Labs baigne dans une imagerie agenre assez surprenante pour ce type de production.
Ici, il n’est jamais question du sexe de votre personnage et même le menu de personnalisation semble tourné en ce sens. La principale problématique est qu’en voulant parler à tout le monde, Fae Farm en devient paradoxalement très restrictif dans ses propositions.
Ainsi, votre héros n’a le choix qu’entre 4 « formes » de corps ; et aucune n’est clairement marquée. Le choix ne vous est donc pas laissé d’incarner un personnage féminin voluptueux ou, au contraire, un homme particulièrement viril.
Pour peu que vous souhaitiez un avatar un minimum travaillé, vous finirez forcément par jouer un personnage androgyne. Voyant déjà les commentaires arriver, j’insiste sur mon propos : que ce soit une possibilité offerte au joueur est une chose, qu’elle soit imposée en est une autre. Pour parfaire cette idée, le choix de vos pronoms est également de mise dès la création.
Curieusement, les PNJS qui peuplent cet univers fantasmagorique sont, eux, bien plus genrés. Le jeu tente par moment d’utiliser des tournures neutres, mais s’échoue rapidement devant la difficulté de la tâche. Ainsi peut-on avoir comme descriptif « Personne vendant des livres » à côté de « Un libraire passionné » au sein d’un même dialogue. Les traducteurs semblent s’être tellement arraché les cheveux, qu’ils abandonnent bien vite ces velléités pour revenir sur un niveau de langage plus conventionnel.
Un second point est à mettre en exergue : Fae Farm tutoie son joueur. Pour beaucoup, ça n’a l’air de rien ; mais cette familiarité imposée dans l’ensemble du titre (y compris lors des tutoriels) casse la rythmique habituelle de la relation jeu/joueur pour s’orienter vers un discours presque paternaliste. Le titre s’adresse à vous comme à un enfant, vous tenant par la main dans chacune de vos décisions et quêtes pendant un long moment.
Pourtant, Fae Farm ne semble pas se destiner de prime abord aux plus jeunes. Avec ses thématiques adultes (le jeu débute, on le rappelle, par un discours sur la mort), ses nombreux dialogues et son manque d’accessibilité (les polices sont très petites et écrites en blanc sur fond noir) ; il n’est en rien à mettre entre les mains d’enfants.
Et là est sans doute la principale problématique du jeu : à qui cherche-t-il à s’adresser exactement ? Faisant visiblement peu de cas de l’idée de se trouver un public cible, il en vient rapidement à rebuter l’ensemble des personnes pouvant y trouver un quelconque intérêt et, de fait, échouer à séduire quiconque.
Ce qui est fort dommage, tant le titre regorge de qualités.
Des innovations notables
Les simulations de fermes concernent une niche très restreinte. Avant la sortie de Stardew Valley, le nombre d’œuvres du genre se limitait pratiquement uniquement aux séries Harvest Moon, Story of Seasons et Rune Factory.
Depuis, pléthore de jeux dérivés sont apparus sur le marché, avec plus ou moins de qualités. Mais tous ont malgré tout quelque chose en commun : ils se reposent sur les acquis des licences précitées.
Fae Farm innove en proposant un gameplay neuf et rafraîchissant, fruit d’une mûre réflexion sur ce qui fait le charme du genre mais également sur ses principaux défauts. Et le résultat est au diapason de ce travail, en proposant un contenu riche et un gameplay meilleur que tout ce qui a été fait jusqu’à ce jour.
Et cette qualité de game design se ressent dès les premiers instants. Votre personnage est libre de courir, sauter, voler ou encore nager sans la moindre petite restriction. Il est possible de tourbillonner en l’air, d’utiliser des bumpers pour s’élancer plus haut encore, de trouver pléthore de raccourcis (même non prévus par le jeu) afin de visiter avec la plus grande simplicité les contrées d’Azoria.
Comme dans l’intégralité des jeux du genre, vous allez devoir également vous occuper des champs. Mais là encore, la liberté proposée par le titre change totalement la donne par rapport à ses principaux concurrents.
Bien que la zone de culture soit relativement petite au début, elle permet de laisser libre cours à son imagination en ajoutant tout type de décorations. Très proche dans ce concept d’Animal Crossing : New Horizon, vous allez pouvoir très simplement construire et positionner énormément de meubles dans les abords de votre propriété.
Le menu construction est d’ailleurs particulièrement intuitif, puisqu’il suffit d’appuyer sur la croix directionnelle Bas pour accéder à l’interface de personnalisation de l’environnement, puis de nouveau sur la même afin d’accéder au menu de craft.
Et les possibilités sont légion. Le nombre d’éléments constructibles est énorme et bien plus original que partout ailleurs.
On regrettera peut-être un certain manque d’interactivité avec les éléments placés, mais également une propension à ne pas les détailler sans passer par l’Almanach. C’est d’ailleurs un défaut récurrent du titre qui casse le rythme du jeu. Les objets que vous ramassez n’ont en fin aucun descriptif explicite, sinon à passer par ce fameux Almanach pour en apprendre plus.
Pour vous occuper de votre ferme, vous avez bien entendu plusieurs outils à disposition. La grande idée de Fae Farm est de ne pas imposer un lourd menu de sélection afin de vous occuper de vos cultures. Tout se fait avec le bouton A !
Ainsi si vous souhaitez planter des graines mais qu’un arbre et des mauvaises herbes obstruent votre progression, il vous suffit de vous positionner face à ces éléments et de maintenir A. Votre héros va automatiquement choisir l’outil le plus adapté et l’utiliser. Une simplicité de prise en main réellement bienvenue et rafraîchissante.
Il en va de même concernant la vente de vos produits. Là encore, Phoenix Labs a choisi de ne pas se contenter d’une simple « boîte d’exportation » dans laquelle vous allez mettre l’intégralité de votre bric-à-brac. Pour vous faire de l’argent, il faut aller au marché et placer ce dont vous souhaitez vous débarrasser sur des étals prévus à cet effet.
La vente ne se fera pas instantanément, il faut pour cela qu’un des habitants souhaite acheter vos marchandises et fasse l’effort de se déplacer. Belle tentative, très originale pour le genre, mais qui aurait mérité sans doute un poil plus de possibilité.
En l’état, cette fonctionnalité n’est pas sans rappeler celle de Moonlighter… à la différence qu’aucune gestion de l’économie n’a été pensée pour le titre. Il aurait été bien plus immersif et intéressant d’avoir des prix évoluant au gré des demandes, par exemple.
Mais bien entendu, Fae Farm ne s’arrête pas seulement à ça et propose, en plus, une forte dominante RPG avec exploration d’une mine à l’instar des Rune Factory (ou Stardew Valley).
Cette partie est agréable, d’autant qu’elle peut se jouer à plusieurs (en local ou en ligne) mais demeure malgré tout assez sommaire et classique dans sa composition. Incertains de leur travail, les développeurs ont en effet rendu les combats totalement facultatifs grâce à diverses potions (notamment d’invisibilité) permettant tout simplement de les esquiver.
Avec un level-design plus qu’agréable cependant, on se prend facilement au jeu des expéditions dans l’optique de revenir les bras chargés de butin.
La boucle de gameplay est donc celle-ci : s’occuper de ses champs, de ses relations avec les autres habitants de l’île et partir en exploration afin de continuer le scénario tout en glanant de nouveaux objets, plans de constructions, etc.
Sympathique dans sa forme comme dans son fond, c’est aussi et surtout par sa direction artistique que Fae Farm brille le plus.
Visuellement chatoyant
Dire que Fae Farm est beau serait un doux euphémisme. Onirique, chargé d’une aura mystique non sans rappeler celle des contes ; Fae Farm scintille tel un diamant à mille facettes.
À l’instar de ce qu’on peut retrouver dans Disney Dreamlight Valley, la progression du joueur est régulièrement interrompue par des ronces. Les biomes ne sont également pas en reste, forts de mille couleurs étincelantes aux accents chimériques.
Très différent de toutes les autres productions, Fae Farm dispose de son identité propre, qui charme instantanément le joueur.
Mais si graphiquement le jeu est beau, il n’en demeure pas moins légèrement à la traîne d’un point de vue technique. En mode TV, les textures sont moins nettes et bavent un peu. L’optimisation Switch aurait également pu être améliorée, tant les temps de chargement sont nombreux et particulièrement longs.
Encore jeune et très brouillon, Fae Farm demeure malgré tout une excellente alternative pour tous les amoureux du genre ; et Phoenix Labs un studio à suivre de près.