Disponible depuis le 16 août 2024 sur Nintendo Switch, Elrentaros Wanderings, développé par Hakama Inc., ambitionne de marier l’exploration RPG classique et les mécaniques de Visual Novel, en transportant le joueur entre deux univers parallèles : un royaume de fantasy peuplé de créatures et de donjons, et un lycée moderne empreint de mystères.
Sous son esthétique charmante et son concept intrigant, Elrentaros Wanderings semble vouloir proposer une double expérience narrative et ludique, capable d’alterner action, réflexion, et attachement émotionnel. Mais derrière ses promesses de mondes entremêlés, le jeu parvient-il vraiment à tisser une aventure marquante, ou se perd-il dans les méandres de son ambition ?
Deux réalités pour un même vide
Elrentaros Wanderings repose sur un concept narratif séduisant : un héros balloté entre deux mondes parallèles, l’un empreint de magie, l’autre ancré dans la banalité du quotidien lycéen. Ce principe, puisant dans les codes de l’isekai tout en inversant ses attentes, aurait pu porter un récit captivant, questionnant identité et réalité.
Mais si l’idée séduit sur le papier, son exécution manque cruellement de souffle. Dans l’univers d’Elrentaros, vous incarnez un aventurier luttant contre des monstres et défendant la ville, tandis que dans le monde moderne, vous traversez des séquences scolaires réduites à de longs dialogues aux conséquences presque inexistantes. Le mystère entre les deux réalités, censé être le moteur de la progression, perd rapidement de sa force, noyé sous un flot d’interactions superficielles et de quêtes sans réelle implication émotionnelle.
Le développement des personnages suit le même schéma d’effleurement. Si chaque PNJ possède ses propres objectifs et missions annexes, les liens restent mécaniques, construits plus sur des mécaniques de cadeaux et d’affection forcée que sur une véritable construction relationnelle naturelle. Le protagoniste, malgré son rôle central, semble traverser les événements sans jamais réellement évoluer, ce qui réduit considérablement l’impact dramatique de ses choix finaux.
Quant au monde moderne, censé apporter un contrepoint narratif subtil, il apparaît comme une coquille vide : peu d’enjeux, peu de dynamisme, et des séquences dont la pertinence s’effrite à mesure que l’intrigue principale s’étire.
En l’absence d’une connexion émotionnelle forte avec ces deux réalités, le choix final du joueur — rester ou non — perd de son poids, laissant derrière lui un sentiment d’inachevé, comme si les promesses initiales n’avaient jamais été pleinement tenues.
La répétition dans un monde éclaté
Elrentaros Wanderings mise sur un gameplay à double facette : d’un côté, l’exploration de donjons à l’ancienne avec ses combats stratégiques et son grind nécessaire ; de l’autre, la gestion de relations sociales dans une ville vibrante de promesses. Sur le papier, la promesse d’alterner combats et immersion sociale évoque de grandes références du RPG hybride. Dans les faits, l’équilibre fragile entre ces deux mécaniques peine à convaincre.
Les affrontements dans les donjons, basés sur un système de combat simple mais efficace, offrent une personnalisation agréable : chaque pièce d’équipement modifie les statistiques du héros, tandis que le renforcement des liens avec les PNJ débloque des capacités supplémentaires. Cette synergie entre progression sociale et efficacité en combat aurait pu être un moteur captivant.
Mais la structure des donjons, rapidement répétitive et prévisible, finit par briser l’élan initial. Chaque expédition suit le même schéma : exploration d’étages génériques, élimination d’un quota d’ennemis, collecte d’objets, retour en ville… La variété visuelle des décors ne suffit pas à masquer l’absence de renouvellement mécanique, et le sentiment de déjà-vu s’installe lourdement après quelques heures.
La gestion des relations sociales, inspirée d’autres RPG comme Rune Factory, se veut dynamique mais reste artificielle. Offrir des cadeaux pour augmenter son affection auprès des habitants devient un automatisme, dénué de réels choix moraux ou de conséquences narratives marquantes. Là où le système aurait pu enrichir l’univers et renforcer l’attachement aux personnages, il se réduit à une mécanique de récompense sans profondeur.
Le besoin constant de grinder pour progresser alourdit encore l’expérience. Même si le système d’amélioration d’équipement et de compétences présente quelques subtilités stratégiques, il ne suffit pas à contrebalancer la monotonie d’un gameplay qui finit par tourner à vide.
Elrentaros Wanderings laisse ainsi l’impression d’un potentiel éparpillé, où chaque idée intéressante est éclipsée par la répétition et le manque de raffinement global.
La douceur colorée d’un rêve fragile
Visuellement, Elrentaros Wanderings adopte un style 2D charmant, immédiatement accessible et baigné d’une douceur pastel qui évoque les souvenirs des RPG classiques de l’ère 16-bit. Les personnages, tout en rondeur et expressivité, participent à instaurer une atmosphère légère et attachante, où chaque rencontre semble appartenir à un conte naïf mais réconfortant.
Les décors, notamment ceux de la ville d’Elrentaros, sont vivants et colorés, portés par une direction artistique cohérente qui sait varier les ambiances sans jamais agresser l’œil. Les différents donjons, bien que thématiquement distincts — forêts luxuriantes, cavernes obscures, ruines antiques —, affichent une palette graphique séduisante, même si l’on aurait souhaité une plus grande diversité architecturale au fil du temps.
Malheureusement, l’animation reste le talon d’Achille du jeu. Les personnages, bien qu’adorables, bougent de manière minimaliste, et l’absence de variations dans les gestes finit par rendre certaines séquences figées, voire mécaniques. De même, les environnements souffrent d’une répétitivité structurelle, ternissant peu à peu l’enthousiasme visuel initial.
Côté sonore, Elrentaros Wanderings propose une bande-son douce et agréable, sans pour autant marquer durablement l’expérience. Les musiques accompagnent efficacement l’exploration et les moments calmes en ville, mais manquent d’élans véritablement mémorables lors des séquences narratives ou des affrontements. L’absence de thèmes marquants contribue à renforcer l’impression d’une aventure qui, malgré son charme, peine à s’imprimer durablement dans la mémoire.
Enfin, la réalisation technique, solide sur Switch, assure une fluidité constante et des chargements rapides, garantissant un confort de jeu appréciable malgré l’absence d’effets visuels sophistiqués ou d’animations spectaculaires.
Elrentaros Wanderings séduit par sa tendresse esthétique, mais son manque de renouvellement et d’impact émotionnel finit par reléguer ses atouts artistiques au rang de simple toile de fond agréable.
Le miroir fêlé d’une promesse inachevée
Au-delà de son univers pastel et de ses mécaniques classiques, Elrentaros Wanderings tente d’enrichir son contenu par divers ajouts périphériques : système de relations sociales, missions secondaires, personnalisation d’équipement. Mais à l’image de son gameplay principal, ces éléments, pourtant prometteurs, peinent à s’extirper d’une exécution trop sage.
La possibilité de renforcer ses liens avec les habitants d’Elrentaros aurait pu donner naissance à des arcs narratifs intimes, à des conséquences tangibles sur l’histoire ou sur le gameplay. Malheureusement, l’absence d’impact réel de ces relations, réduites à de simples bonus passifs, coupe court à toute implication émotionnelle durable. Chaque cadeau offert devient un geste mécanique, sans construction dramatique ou retour affectif digne de ce nom.
Les missions secondaires suivent un schéma similaire : bien que nombreuses, elles s’épuisent rapidement dans la répétition, recyclant des objectifs génériques sans parvenir à raconter autre chose que de simples tâches utilitaires. Il manque cette étincelle narrative qui donnerait aux quêtes annexes un poids équivalent à celui du chemin principal.
Techniquement, Elrentaros Wanderings livre néanmoins une expérience stable et fluide sur Nintendo Switch. Les commandes sont intuitives, les interfaces ergonomiques, et aucun problème majeur ne vient entraver l’exploration. Pourtant, là aussi, le jeu laisse une impression de potentiel sous-exploité : aucune fonctionnalité spécifique à la console n’est utilisée pour enrichir l’immersion, et la simplicité de l’ensemble finit par frustrer au regard des ambitions initiales affichées.
Enfin, l’absence de localisation française reste une barrière regrettable, surtout pour un titre où les dialogues sont censés porter l’attachement aux personnages et au dilemme final entre les deux mondes. Un manque qui limite l’accessibilité d’un jeu pourtant conçu pour séduire un large public.
Elrentaros Wanderings laisse un goût doux-amer : celui d’une promesse incomplète, d’un monde qui aurait pu scintiller s’il avait su dépasser le simple charme de sa surface.
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